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Hollande : la double inconstance

Lettre bernoise 68

Par Gabriel Galice •  • Mercredi 29/01/2014 • 0 commentaires  • Lu 2424 fois • Version imprimable


A Paul Krugman 
Mon cher Paul,

Trop inspirées, à mon goût, par David Ricardo, tes vues sur la mondialisation, me dépitent. Tu restes pourtant l’un des moins imbuvables des « Nobel » d’économie des dernières décennies, un left-wing liberal. Dans ton pays, « liberal » signifie « de gauche » et non, comme chez nous souvent « libériste », libre-échangiste, favorable à la liberté des marchandises et des capitaux surtout.

Pour le coup, sans conteste, tu vises juste.

Ton nouveau texte : « Scandal in France » vaut d’être lu par maints citoyens français, surtout de ceux qui se croient, se veulent, se pensaient de gauche.

 Mieux vaut te citer.

Je ne parle évidemment pas de sa liaison supposée…Non, ce qui est choquant est son étreinte de doctrines économiques de droite discréditées. »

Le réservoir intellectuel du président, diplômé d’HEC, s’inspire à la fois de la loi de Say (du nom de Jean-Baptiste Say) et de thèses néolibérales. La « loi des débouchés » de Say enseigne que l’offre crée la demande. Tu fais justice de cette ineptie, mon cher Paul, qui sera mise en œuvre par Reagan sous le nom de supply-side economics.

Que faisait donc Hollande quand le cours d’économie portait sur Keynes ? Il lutinait Ségolène ? Il faisait des blagues ? Il se rêvait grand homme ? A Keynes, il préfère les fadaises de Milton Friedman et de Friedrich Hayek ? 

« Comment faut-il interpréter, dès lors, le fait que M. Hollande ait choisi ce moment, plutôt que tous les autres, pour reprendre à son compte cette théorie discréditée ? 
Comme je l'ai dit, c'est le signe du piteux état dans lequel se trouve le centre gauche en Europe. Depuis quatre ans, l'Europe est en proie à la fièvre de l'austérité, avec des conséquences désastreuses. Le fait que la timide reprise actuelle soit saluée comme une réussite de cette politique en dit d'ailleurs très long. Etant donné les terribles difficultés suscitées par la politique en question, on aurait pu s'attendre à ce que le centre gauche plaide énergiquement pour un changement de cap. Or partout en Europe, le centre gauche (notamment britannique) a tout au plus émis quelques critiques molles et frileuses, avant, bien souvent, de se soumettre bon gré mal gré. » 

Cette perspective rejoint celle du journal L’Humanité se demandant si un flirt en cache un autre, la liaison avec la comédienne le ralliement au patronat.

Et aussi celle de Philippe Murer, professeur de finance à la Sorbonne

L’alternative consistait en effet à négocier avec l’Allemagne une gestion différente de l’Euro, ou à en sortir si les Allemands se montraient inflexibles. Le scénario choisi enfonce la France et les Français dans le gouffre de la dépression.

 

Hollande est prisonnier de ses fonctionnaires, grands et petits. Les grands du Trésor le ligotent dans l’orthodoxie financière, les petits de la police signalent à Sarkozy et à la presse de caniveau ses incartades domestiques. Comme Obama et bien d’autres, il croyait prendre le pouvoir, le pouvoir l’a pris.

 

L’infidélité conjugale d’Hollande est bagatelle, sa trahison du peuple est forfaiture doublée de méchante sottise, mon cher Paul. Qui trop embrasse mal étreint.

Best wishes. 

Ton Guillaume tel que le lis : content de toi, mécontent du président normalisé.

Berne, le 29 janvier 2014

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