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Kato i Troïka!

En Grèce et partout en Europe, une volonté commune, un intérêt partagé: Dehors la Troïka! Dehors l'Union Européenne!

Par Jacques Cotta • Actualités • Mardi 10/03/2015 • 0 commentaires  • Lu 3061 fois • Version imprimable


« Kato i Troïka » ! ou encore « Dehors la Troïka » !  Voila le slogan ultra majoritaire dans la population grecque que j’avais entendu scander dans les rues d’Athènes il y a déjà deux ans lorsque je tournais « dans le secret du crime financier »[1]. Avant même son émergence sur la scène politique, la victoire de Syriza était annoncée comme inéluctable, tellement était fort le rejet de toutes les forces traditionnelles grecques – le Parti socialiste « PASOK » en tête- qui avaient installé la Troïka et permis ses plans drastiques contre toute la société grecque. La santé, l’éducation, les salaires, le travail, les retraites, rien n’avait échappé à l’avidité du FMI, de la BCE et de la commission européenne qui sous couvert de la crise avaient décidé de saigner le peuple grec. « Kato i Troïka » ! Tel est le terreau, la base, le socle sur lequel Alexis Tsipras et Syriza ont pu bâtir leur victoire. Un mois après, où en sommes nous ?
 
Du mandat populaire à la réalité du pouvoir
 
Sans reprendre ici dans le détail les éléments que nous avons déjà abordés sur notre site, il faut revenir pour comprendre ce qui est en train de se jouer sur la nécessité non pas seulement idéologique, mais pratique, de rupture avec l’Union Européenne. Il en va de l’intérêt vital des grecs et au-delà de l’avenir des peuples d’Europe et de l’Europe toute entière.

Dans les « négociations » qui se sont engagées entre le nouveau gouvernement grec et l’Union Européenne, malgré les efforts déployés pour permettre à chacun de sauver la face, il ressort clairement que la condition imposée aux grecs pour obtenir une aide de l’UE est la poursuite des programmes décidés par la Troïka contre lesquels pourtant les grecs se sont majoritairement prononcés.

Il s’agit donc de poursuivre les plans d’ajustement communément appelés « réformes structurelles » dont la signification est sans appel. Au nom de la dette –dont nul n’aborde jamais la nature- et de la crise, la condition est donc la mise en coupe réglée de tout ce qui entrave l’accumulation de profits sur le dos du peuple. Le secteur public doit être disloqué jusqu’au bout. Les biens culturels et naturels privatisés. Le travail, les salaires, les retraites, les allocations, les pensions … précarisés. La santé –qui pourtant avec l’éducation devrait faire partie des « intouchables » d’une société- est en passe d’être laminée.

Les portées pratiques de telles mesures sont incontournables. Là les suicides « accusateurs » de nouveaux pauvres qui s’immolent par le feu. Ici des enfants frappés de malnutrition. Là encore des malades demeurés sans soin… Les questions économiques, les problèmes sociaux qui en découlent, tout cela explose chaque jour un peu plus. Mais outre les questions économiques et sociales, c’est la question politique, démocratique qui est posée. Soit le gouvernement grec décide de respecter le mandat qui lui a été donné, soit il se conduit comme les précédents, qui chacun leur tour d’ailleurs n’ont jamais été avares de promesses pour mieux les trahir une fois arrivés au pouvoir. Le dilemme est certes compliqué à assumer, mais n’en n’est pas moins clair. Soit accepter les conditions de l’Union Européenne pour continuer à vivre sous perfusion, et aux ordres ! Soit retrouver sa dignité, respecter la souveraineté populaire exprimée dans le vote, redevenir maître chez soi, et refuser les diktats de l’UE et de l’Allemagne d’Angela Merkel en s’engageant dans la rupture avec l’UE et l’ouverture d’une crise politique dans toute l’Europe qui remettrait au centre du débat la souveraineté, la démocratie, l’existence des Nations et la possibilité de réelles coopérations librement décidées et consenties.
 
Du dégoût à la nausée
 
Dans un premier temps, l’espace de quelques jours, le nouveau gouvernement grec a voulu faire preuve d’un semblant de fermeté. Mais très vite il a affirmé sa volonté de demeurer dans le cadre de l’UE, rassurant ainsi une commission européenne un instant inquiète. Ainsi s’est-il retrouvé dans une impasse.

Des entrevues ont eu lieu et la position exprimée –notamment par les socialistes français- donnent la mesure du dégout qu’ils ne peuvent que susciter auprès de quiconque se réclame encore de la solidarité entre les peuples, de l’intérêt des salariés, du combat contre la finance qui opprime.

Mais les masques avaient-ils besoin de tomber ?

Dés le lendemain de l’élection, le nouveau ministre grec de l’économie, Yanis Varoufakis déclare que son pays se passera de l’aide européenne et pose la question de fond, celle du programme, comme les grecs l’ont voulu en votant majoritairement contre l’établissement[2]. Début février, soit une semaine après avoir obtenu la majorité, les nouveaux dirigeants grecs entament une tournée à travers l’Europe. Ils commencent par Paris pour trouver –peut-être le pensent-ils alors ?- une oreille attentive et complaisante de la part d’un pouvoir élu au nom du combat contre la finance[3]. Mais à Paris, c’est la Troïka qui dirige de fait, le personnel politique local, socialistes en tête, en étant de dignes représentants. Alors que localement ils imposent le programme voulu par l’Union Européenne, dont une bonne part est déclinée dans la loi Macron, les socialistes français rappellent à l’ordre leurs homologues grecs. « Alors que les grecs cherchaient à créer un bloc contre Berlin, nous leur avons dit : vous vous trompez, vous ne parlez pas à des Etats mais à l’Union Européenne »[4].

L’Union Européenne justement, c’est le socialiste français, ancien ministre de l’économie et des finances de François Hollande, aujourd’hui recasé à la commission européenne après avoir été battu aux élections municipales, qui en donne la position. Craintif de voir les grecs aller jusqu’au bout de leur détermination, le voila vite rassuré. « Avec Varoufakis, on est arrivé à se parler. Ce n’est pas un apparatchik communiste ». (ouf !) Avant de rajouter « je lui ai dit, on va vous aider, pas vous étrangler, mais il faut atterrir »[5]. L’atterrissage, c’est l’actuel ministre des finances Michel Sapin qui en donne le mode d’emploi : « La politique de Syriza devra s’inscrire dans les règles acceptées par les gouvernements précédents, il devra achever le programme en cours s’il veut recevoir l’argent promis »[6].

Le ministre grec tergiverse, mais accepte le cadre fixé par son homologue français. Il évoquetout de même « une restructuration » de la dette… mais dans le vide. Un peu plus tard, Alexis Tsipras se rend à l’Elysée. François Hollande tient le même discours que son ministre Sapin. En France, l’union européenne peut avoir plusieurs visages, mais elle parle d’une même voix. En France et en Europe ! Car lorsque le ministre grec des finances se rend en Allemagne, il est confronté au ministre d’Angela Merkel, Wolfang Schaüble qui avec la souplesse qui le caractérise indique « qu’il est exclu qu’il y ait la moindre adaptation du programme grec : soit Athènes plie, soit c’est la faillite »[7].

Ainsi les socialistes français ont-ils devancé les propos allemands, se faisant porte voix de l’Union Européenne, pour affirmer haut et fort que les grecs n’ont d’autre solution que de mettre en pratique les mesures et décisions que le peuple a rejetés en votant pour Syriza et Tsipras. Question de légitimité, de démocratie de souveraineté. Mais ces valeurs pouvaient-elles ébranler ceux qui depuis 2005 ont bafoué le vote du peuple français en lui imposant une constitution européenne qu’il avait pourtant rejetée ?
 
La Grèce c’est la France

La position du gouvernement de François Hollande et Manuel Valls et des socialistes français a une certaine cohérence qu’il serait injuste de ne pas leur reconnaitre. Sur la Grèce ils n’ont donc eu d’autre souci que de porter la parole de l’Union européenne. On ne pouvait en fait attendre moins d’un pouvoir qui en France se fait non seulement le porte parole de l’Union européenne, mais qui en est également le bras armé. Car la politique imposée au peuple français est dans le détail l’adaptation de celle dictée par l’union européenne.

Le « pacte de responsabilité », « l’ANI », la mise à la mal des retraites, la diminution des pensions, la hausse des impôts, les remises en cause du droit du travail, la « dénationalisation » de l’éducation nationale, la réforme territoriale, l’inscription du « territoire » dans « l’Europe des régions », l’austérité avec son corollaire le chômage, bref, toutes les mesures mises en place par notre gouvernement ne sont que la transcription de la politique imposée dans tous les pays d’Europe par l’Union Européenne. Dernière mise en œuvre, la fameuse loi Macron.

Qualifiée de loi fourre tout, la loi Macron vise l’essentiel du point de vue des intérêts du capital, conformément à la volonté de l’union européenne. Elle concerne l’ensemble des professions réglementées, le travail le dimanche, l’actionnariat salarié, les prud’hommes, et une pléiade d’autres points dont le code du travail. Mais le caractère disparate des questions qu’elle aborde est poudre aux yeux. Sa cohérence est en effet donnée par la remise en cause du contrat de travail voulue de longue date par les organisations patronales au détriment des salariés, par le retour du contrat individuel, de gré à gré, par l’instauration de la concurrence libre et non faussée entre salariés. Le contrat individuel devrait être établi comme tout contrat commercial, comme si les deux parties –employeurs et employés- pouvaient agir à égalité, ce qui évidemment est contraire à la réalité, le salarié étant toujours soumis à la volonté et à l’offre qui lui est faite par l’employeur. Toutes les questions sensibles dans les relations de travail -l’exécution du contrat de travail, le recrutement, la période d’essai, la modification du contrat de travail, la maladie, l’exercice du droit syndical, la négociation collective, les conventions et accords collectifs, les modalités de rupture, etc…- deviennent des cibles faciles à atteindre. L’Union Européenne en rêvait, les socialistes au pouvoir l’ont fait !
 
En guise de conclusion provisoire…
 
Pas plus en Grèce qu’en France l’avenir n’est scellé. Les enjeux sont clairs et nécessitent que soient mobilisées les énergies, que le débat soit mené, que la détermination soit sans faille dans l’intérêt des peuples qui dans chaque Nation ont un sort étroitement lié.

Les enjeux sont sociaux, économiques, politiques. Mais aussi et surtout dans le contexte actuel démocratique. La question est de savoir si le peuple demeure le souverain ou si au contraire sa volonté doit être par définition bafouée.

La preuve ? Cet article de  « Libération » qui commence par ces mots : « On allait voir ce qu’on allait voir. Syriza le parti de la gauche radicale grecque, victorieux des élections législatives du 25 janvier, se faisait fort d’en finir avec l’austérité et la dette. Il allait « changer l’Europe ». Un mois après, Alexis Tsipras, son chef, a du se rendre à l’évidence. : la Grèce n’a aucune marge de manœuvre financière et elle dépendra encore longtemps de l’aide financière de la zone euro. Elle doit passer sous les fourches caudines de ses créanciers, ceux-ci ayant juste accepté d’adapter aux marges le programme de réforme imposé à la Grèce ».

Ce qu’omet l’éditorialiste de « Libération », c’est la possibilité politique du nouveau pouvoir grec de dire NON ! Non aux injonctions de l’Union Européenne, non à la dictature de l’Euro, non aux diktats du FMI et de la BCE, non aux ordres de Merkel, non à tout ce qui va à l’encontre de la volonté exprimée par le peuple. Non à la remise en cause de la souveraineté populaire et nationale pour laquelle, en France en 2005, en Grèce hier, des millions et des millions ont montré qu’ils savaient être debout, fermes, et déterminés !

 
Jacques Cotta
Le 10 mars 2015






[1] Documentaire diffusé sur France2 le 11 juin 2013 visible à l’adresse suivante :



[2] Au Nerw York Times, Varoufakis déclare : « les 7 milliards d’euros nous n’en voulons pas. Ce que nous voulons c’est repenser le programme ».


[3] François Hollande au meeting du Bourget, avant les présidentielles : « Mon ennemi, c’est la finance… ».


[4] Propos tenus par un conseiller de Hollande, rapporté par le quotidien Libération du 10 mars.


[5] Op. Cit.


[6] Op. Cit.


[7] Op. Cit.

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