Les nominations d’hommes de gauche par la droite ou de droite par la gauche en dit long sur le faux clivage, artificiellement entretenu, notamment en période électorale pour se disputer les « voitures de fonction », entre la gauche et la droite. C’est Nicolas Sarkozy qui avait innové à grande échelle, au risque à l’époque de se mettre une partie de sa majorité à dos. Ainsi, dés 2007, une série de vieux mitterrandistes, de caciques du PS, se sont retrouvés propulsés à des postes de pouvoir. Nageant dans les eaux troubles de la 5ème république, certains sont ainsi passés de la gauche à la droite, de la droite à la gauche, avec des allers-retours qui en disent long sur la teneur des convictions. Le rappel de quelques unes de ces trajectoires, dont certaines sont décrites par le menu dans « l’Imposteur », est éloquent. Il y a eu Didier Migaud « socialiste » remarqué au sein de l’assemblée nationale à la tête de la commission des finances propulsé par Nicolas Sarkozy à la présidence de la cour des comptes. Au nom de la « bonne gestion », Didier Migaud s’est fait le chantre des coupes dans les budgets publics, les services publics ou encore les effectifs de fonctionnaires… Il y a eu Michel Charasse, l’ancien ministre mitterrandien et sénateur du Puy-de-Dôme nommé par Nicolas Sarkozy au conseil constitutionnel. Ou encore Jack Lang devenu successivement membre du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions,« émissaire spécial du Président de la République Nicolas Sarkozy»à Cuba, puis en Corée du Nord, puis conseiller spécial pour les questions juridiques liées à la piraterie au large de la Somalie auprès du secrétaire général de l'ONU, avant de revenir dans le giron et de soutenir à la primaire socialiste François Hollande une fois les frasques de DSK dans une chambre d’hôtel new yorkais révélées au grand jour. DSK d’ailleurs nommé à la tête du FMI là encore sur proposition de Nicolas Sarkozy lorsque Jacques Attali, l’ancien conseiller de Mitterrand, adepte dés 83 de la rigueur, était désigné à la tête d’une commission censée délivrer la bonne parole gestionnaire… « A la soupe » diront certains… Les exemples se suivent, se ressemblent, se répètent. Ainsi avec Bernard Kouchner ancien ministre socialiste devenu ministre sarkozyste des affaires étrangères, Fadela Amara, ancienne responsable de « ni pute ni soumise » propulsée Secrétaire d'État auprès de la ministre du Logement, chargée de la Politique de la ville, Jean marie Bockel maire socialiste de Mulhouse, Secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Coopération et de la Francophonie, ou encore et surtout Eric Besson Secrétaire d'Etat chargé de la Prospective et de l'Evaluation des politiques publiques puis ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire qui ira jusqu’à un poste au secrétariat général de l’UMP, après avoir été la « tête pensante » de la candidature de Ségolène Royal contre celui qui deviendrait son patron. Il y a eu aussi, côté paillettes, Frederic Mitterrand nommé ministre de la Culture et de la Communication. Il y a eu Martin Hirsch, passé entre autre sous Sarkozy d’Emmaüs au haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté avant d’appeler opportunément à voter Hollande en 2012 pour prendre la tête de l’assistance publique – hopitaux de paris à compter de 2103. Ou encore Jean pierre Jouyet secrétaire d’état sous Nicolas Sarkozy aux affaires européennes qui boucle la boucle.
Dans les allers retours dont ces serviteurs de l’état -et accessoirement serviteurs d’eux-mêmes- ont le secret, Jean Pierre Jouyet vient de connaitre une nouvelle promotion en prenant le poste clé de secrétaire général de l’Elysée. L’homme vaut le détour. Il connaît François Hollande de longue date. Ils étaient condisciples à l'Ecole nationale d'administration, tous deux sortis de la promotion Voltaire. Mais Jouyet est aussi un proche de Manuel Valls qu’il a connu à Matignon du temps de Lionel Jospin. Lorsque l’un était directeur adjoint du cabinet, l’autre en était le porte parole. Cet ancien président de l’autorité des marchés financiers est également très proche d'Emmanuel Macron, l'un des deux secrétaires généraux adjoints de l'Elysée, qui sera donc son collaborateur direct. Jean-Pierre Jouyet représente à lui seul la détermination politique de François Hollande qui affirmait pour être élu « mon ennemi est la finance », et qui depuis n’a de cesse de servir les exigences du Medef incarnées par le fameux pacte de compétitivité, les intérêts du capital au détriment du travail.
Dans l’Imposteur, alors que Jouyet ne marquait donc pas encore officiellement de son empreinte l’équipe élyséenne, je soulignais le contenu politique illustré par ces amitiés et ces fausses oppositions de circonstance :
-C’est ça le « socialisme de l’offre » ? Je demande dans le bureau du sénateur socialiste qui m’accueille[7].
-Pour lui la gauche, c’était un véhicule. En sortant de l’ENA, il aurait pu prendre le véhicule de la droite. Comme d’autres d’ailleurs[8].
-Si aux municipales on peut éviter l’effondrement, au bout, nous risquons la déroute[9]…
Jacques Cotta
Le 15 avril 2014
[1] Voir « Riches et presque décomplexés » de Jacques Cotta, Editions Arthème Fayard, 2008 ou encore le documentaire « dans le secret du patronat », de jacques Cotta et Pascal Martin, France 2, 2001.
[2] De 2007 à 2009.
[3] Des louanges partagées par le staff proche de Stéphane Richard, dont Bruno Mettling, directeur des ressources humaines du Groupe Orange, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à l’occasion d’un colloque « Télécoms du futur, un défi économique et social » le 14 juin 2013.
[4] Voir notamment « Elysée : Emmanuel Macron, l’ex-banquier qui murmure à l’oreille de François Hollande » de Corinne Lhaïk, l’Express, 15 mai 2013.
[5] Du nom de la brasserie, quartier Montparnasse, où ils se réunissaient régulièrement.
[6] L’économiste Philippe Aghion cité par David Bensoussan, Challenge du 4 septembre 2012.
[7] Jean Pierre Michel, sénateur.
[8] Malek Boutih député de l’Essonne.
[9] Jacques Valax, député.











