S'identifier - S'inscrire - Contact

L'Italie, c'est la France

et vis-versa

Par Denis Collin • Internationale • Vendredi 23/11/2018 • 0 commentaires  • Lu 2387 fois • Version imprimable


L’UE européenne, notamment sous la pression des dirigeants français (Le Maire, Macron qui parle de la « lèpre populiste », et leur porte-parole à Bruxelles, Moscovici) a engagé une épreuve de force avec le gouvernement italien de Conte en lançant une procédure disciplinaire pour déficit excessif. La mécanique des traités est en route. Pour avoir osé faire une partie de qu’ils avaient promis à leurs électeurs les dirigeants du gouvernement italien sont poursuivis par la police politique des euroinomanes. Quel est le crime du gouvernement Conte ? Afficher un budget en déficit de 2,4% du PIB ? Mais alors la France avec ses 2,8% devrait être poursuivie. Oui, mais rétorquent les procureurs-falsificateurs, l’Italie a une trop grosse dette avec 132% du PIB. Certes, mais on peut vivre avec une grosse dette publique : le Japon est à 250% de son PIB et personne ne s’inquiète pour l’avenir du Japon. Et alors que la France est presque entièrement endettée sur les marchés financiers internationaux, l’État italien est endetté envers… les Italiens (pour plus des 2/3), et donc cette affaire ne regarde que les Italiens. Les crétins européistes et la presse à leur solde nous dévoilent l’horreur : la dette est de 37000 euros par Italien. Ça veut dire que chaque Italien possède une créance de 25000 euros sur lui-même ! Quelle horreur pour les gardiens de la doctrine et de la foi qui règnent à Bruxelles. Et d’ailleurs le budget de Conte présente un excédent avant service de la dette, donc il est foncièrement sain au regard des doctrines orthodoxes. Ajoutons que le gouvernement italien est fondé à dépenser un peu plus d’argent que les engagements de ses prédécesseurs : l’état du réseau routier, laissé en partie à l’abandon par les politiques austéritaires des gouvernements précédents demande un gros effort, comme l’a montré la catastrophe du pont Morandi à Gênes. Enfin ce gouvernement – mais quelle mouche les a piqués ? – veut honorer sa promesse de garantir à tous les citoyens italiens un revenu minimal de 700€ par mois. 

Mais voilà, Conte n’obéit pas à la discipline budgétaire de la zone euro et de la BCE, dirigé présentement par un certain Mario Draghi, ancien banquier chez Goldman-Sachs. Donc le gouvernement italien doit être puni. Voilà ce qu’est l’Union Européenne : une cage d’acier pour briser les peuples et les nations. Et l’acharnement des sbires du genre Moscovici contre l’Italie est un acharnement politique et non une exigence économique. Il faut montrer que la volonté des peuples doit plier devant les règles de l’ordolibéralisme des euroinomanes. Comme le disait Juncker, à jeun, la démocratie s’arrête aux traités européens. Une bonne manière de dire que l’UE est foncièrement, constitutionnellement, l’ennemie de la démocratie. Et la lèpre qui ronge les nations, c’est précisément cette organisation bureaucratique au service de la finance qu’est l’UE.

Où cela va-t-il mener ? Si l’Italie est condamnée à la suite de la procédure, elle pourrait avoir à payer une amende de plusieurs milliards d’euros pour n’avoir pas fait assez d’efforts et n’avoir pas suivi les recommandations de la Commission. Bref la police des « marchés » va faire donner ses brigades. Mais si l’Italie ne veut pas payer l’amende qui ira la chercher ? Moscovici revêtira-t-il son treillis pour marcher sur Rome ? Et si l’Italie ne veut toujours pas payer ? On va lui couper les fonds européens. Mais comme elle est contributeur net, il lui suffira de ne pas payer sa part des contributions européennes pour être gagnante. Les décérébrés de la Commission risquent donc de perdre la face et d’accentuer la crise de l’UE. Ils veulent mettre en œuvre pour l’Italie une stratégie à la grecque. Mais l’Italie n’est pas la Grèce, elle est la deuxième puissance industrielle de l’UE, derrière l’Allemagne mais devant la France et elle n’est pas dirigée par un lâche de gauche (pléonasme ?) mais par des « populistes » dont la posture virile leur vaut un large soutien du peuple italien. Ils pourraient donc, ces têtes rabougries de l’UE, pousser Salvini à aller beaucoup plus loin qu’il ne l’envisageait lui-même. Les dirigeants italiens du reste ne font pas mystère du fait qu’ils se préparent à toutes les hypothèses, y compris la sortie de l’euro et disent à qui veut les entendre qu’une nouvelle monnaie italienne pourrait être émise en quelques jours. Et comme on ne peut pas sortir de l’euro sans sortir de l’UE, ainsi que cela a été répété aux Grecs, la rupture avec l’Italie sonnerait le glas de l’UE. Ni plus ni moins. À la veille de la pantalonnade des élections au « parlement » (sic) européen, ça la fiche mal !

Reste une dernière hypothèse qui se mitonne actuellement dans les couloirs de la Kommandantur de l’UE, celle d’un coup d’État à froid : comme en 2012, on organise une intense spéculation contre l’Italie. La bourse de Milan s’effondre et le fameux « spread » s’envole et on impose la démission du gouvernement italien et la nomination d’un gauleiter pour administrer cette province rebelle – en 2012, ce fut Mario Monti, lui aussi sorti de chez Goldman-Sachs (cette banque est vraiment le gouvernement mondial). Le gouvernement par la crise est la méthode préférée des « libéristes » (des démophobes qui ne jurent que par la liberté du marché). Voir Dario Gentili, Crisi come arte di governo (Quodlibet, Macerata 2018). Comment le gouvernement italien réagirait-il à une grave crise financière ? Salvini n’est pas un révolutionnaire et ses liens avec les milieux d’affaires sont assez forts, sans compter la pression de son ancien et toujours en partie allié, Silvio Berlusconi. Le M5S de son côté est un mouvement assez « gazeux » et ne disposant sans doute pas de la colonne vertébrale suffisante pour affronter le gros temps. Et donc la possibilité qu’un coup d’État financier réussisse ne pas être écartée.

Tout cela nous concerne de très près. D’abord, une profonde crise financière aurait des répercussions immédiates en France. Les grosses banques françaises comme le Crédit Agricole et la Société Générale qui ont fait leurs emplettes dans les établissements financiers italiens se trouveraient tout particulièrement exposées. Et l’effondrement d’une ces grandes banques ouvrirait en grand la crise chez nous. Mais il y a plus important : le peuple de notre pays est en butte aux coups répétés portés par ce gouvernement des euroinomanes. Nous, citoyens de ce pays, nous sommes les frères et sœurs ou les cousins des citoyens italiens et nous nous heurtons aux mêmes problèmes qu’eux alors que « notre » gouvernement, pour notre plus grand malheur s’en prend à l’Italie, ce peuple si proche, depuis si longtemps. Notre sort est étroitement lié au sort de peuple italien. Le résultat de la lutte des gilets aura un impact important sur le bras de fer Moscovici/Conte. Et réciproquement. Un vieux mot me vient : internationalisme, ce qui veut fraternité des peuples contre les oppresseurs et non dissolution des nations.

Un dernier mot, tous ceux qui prétendent lutter contre l’Europe « libérale » en demande plus d’Europe, font évidemment fausse route.

Denis Collin – le 23/11/2018    

 


Partager cet article


Archives par mois


La Sociale

Il Quarto Stato