Sommaire
Leçon 1: ça repart pour un tour!
Cette lettre, preuve de franchise de son auteur, permet par voie de conséquence de nourrir tous les espoirs de cette partie du peuple qui veut en finir avec la politique macronienne et avec le macronnisme lui-même. Loin de décourager, de troubler, de démobiliser les français, l’écrit présidentiel va aboutir à l’effet que l’Elysée voulait à priori éviter, un regain de mobilisation, un renforcement du sentiment de rejet du personnel politique, le chef en tête, dont nul, dans son camp, ne se risque aujourd’hui à prédire l’avenir.Leçon 2: sur les inégalités sociales et fiscales, plus et plus fort!
Sur le refus des inégalités, le pouvoir d’achat, la justice fiscale, le smic, les salaires, le président de la république ne dit rien, pas grand chose, ou encore persiste et signe.Après avoir questionné avec démagogie, « quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ? », il indique l’aggravation de toute sa politique à venir en indiquant l’essentiel. Il est question de la nécessité de « baisser le niveau global de notre dépense publique », et donc de la volonté présentée comme une évidence de « "supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ».
Le lien logique serait imparable. L’impôt venant « rémunérer les professeurs, pompiers, policiers, militaires, magistrats, infirmières et tous les fonctionnaires qui œuvrent à votre service », permettant « de verser aux plus fragiles des prestations sociales mais aussi de financer certains grands projets d'avenir, notre recherche, notre culture, ou d'entretenir nos infrastructures », c’est donc là qu’il faudra couper.
La ligne est claire. Moins de santé, d’éducation, d’équipement du territoire, de redistribution, d’égalité.
Et non sans ironie, Le Président Macron indique que « L'impôt, lorsqu'il est trop élevé, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s'investir dans les entreprises, créant ainsi de l'emploi et de la croissance ». Moins d’impôt donc pour les entreprises, pour les actionnaires, pour les plus aisés, cela au nom de la théorie dont le nom n’est plus évoqué -modestie oblige- mais dont le contenu est toujours là, « le ruissellement ». Ruissellement qui depuis l’élection d’Emmanuel Macron a profité essentiellement aux plus aisés et qui a eu le mérite de mettre dans la rue des centaines de milliers de français, des ronds points aux carrefours en passant par les grandes artères de nos villes tous les samedi depuis plus de 9 semaines.
Il aurait été possible par souci de redistribution de poser clairement la question des ressources fiscales. L’ISF par exemple? Circulez, il n’y a rien à voir et surtout rien à faire! Pire, cette phrase dont la clarté ne peut échapper à personne: « Nous devons en revanche nous interroger pour aller plus loin. »
Leçon 3: gargarisme à moindre coût!
Plus de trente questions. Mais c’est comme l’impôt. Trop de questions tue les questions.La laïcité, l’organisation des collectivités territoriales, la transition écologique, les institutions, la démocraties participative, l’immigration… Et en plus il souhaite que puisse être évoqué « n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’ pourrait améliorer votre existence au quotidien ». Quelle ouverture d’esprit!
En réalité à force de mettre à la suite les unes des autres toutes les interrogations qui sont dans l’air du temps, on finit évidemment à ne plus savoir de quoi on parle et pourquoi surtout. Tel est sans doute un des buts voulus. On évacue l’essentiel et on ouvre la voie à tous les chemins de traverse.
Mais qui peut être convaincu de la sorte? Le Président de la république peut-il croire lui même que son voeu sera exaucé, « que le plus grand nombre d’entre vous puisse participer à ce grand débat afin de faire oeuvre utile pour l’avenir de notre pays »?
Etait-ce vraiment la meilleure façon pour tenter de se re-légitimer après le rejet dont est l’objet le Président Emmanuel Macron, tant pour la politique mise en oeuvre que pour le ton qui définit le personnage?
Comme pour la lettre envoyée à tous les français, la question contient la réponse.
Leçon 4: Mépris, dédain, arrogance, chassez le style, il revient au galop!
Clarté toujours et encore dans un mépris réaffirmé du peuple français. Plusieurs questions semblent anodines, naturelles. Mais dans le contexte que connait le pays et dont le président et sa politique sont responsables directement, comment ne pas voir dans leur annoncé une marque de dédain et de suffisance qui choque, qui hérisse.-> Sur la transition écologique: la langue de bois est remarquable. Elle est « essentielle à notre avenir »… Ou encore « Pour réussir cette transition, il faut investir massivement et accompagner nos citoyens les plu modestes »… Et retour à la case départ avec celle-ci « Comment rend-on les solutions concrètes accessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture ? »… Ou encore « Quelles sont les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier ? »… Et enfin « Quelles sont les solutions pour se déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir qui doivent être conçues plutôt au niveau local que national ? »…
-> Le mépris, le rejet du peuple, le dédain, la suffisance… Cela s’exprimait dans le ton, dans l’attitude, dans les mimiques. Là ce sont les mots qui en sont la meilleure illustration. Le rédacteur de la lettre présidentielle semble ne pas réaliser qu’il pose des questions dont les réponses sont déjà arrêtées par les choix politiques et économiques exprimés précédemment. C’est prendre les français dans leur ensemble, les gilets jaunes en particulier, pour une « foule haineuse » incapable de comprendre. Grossière erreur! Le président accroit le rejet qu’il voulait combattre. Il renforce le sentiment « Macron démission » exprimé aux quatre coins du pays. Le drame d’Emmanuel Macron est de ne pouvoir plus rien dire sans être brocardé. C’est le personnage qui veut cela. Il a fait ce qu’il fallait pour être rejeté. Ainsi, lorsqu’il indique par exemple à destination des gilets jaunes « cette impatience, je la partage. La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d'effort et de travail », il affirme une simple évidence qui sous sa plume est synonyme de mépris, d’arrogance et surtout de cynisme.
-> Les questions institutionnelles sont du même acabit. Alors que la mobilisation populaire met au centre des sujets la 5ème république, ses institutions, l’Union Européenne, notre souveraineté, il est question avec démagogie d’une diminution du nombre d’élus, un hors sujet flagrant. Avec cette question qui semblera essentielle à tout lecteur, et surtout particulièrement accessible: « Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental (Cese) doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la société civile ? Faut-il les transformer et comment ? »
Avec une incise sur « une dose de proportionnelle », sur « le vote blanc », sur « le vote obligatoire », sur « le tirage au sort », ou encore sur « le RIC », histoire de tenter d’amadouer une part de « l’opposition » qui se verrait attribuer quelques miettes. Mais n’est-ce pas ignorer le fait que la révolte qui traverse le pays n’est maitrisable par personne, et surtout pas par quelques chefs qui au sommet décideraient pour leurs propres intérêts d’en « appeler au calme »? Même « l’immigration » et « la laïcité » sont appelées à la rescousse…
En conclusion
« La France n’est pas un pays comme les autres » indique le président de la république. Mais quelle est donc la différence caractéristique qui nous définit? A l’assemblée débat qui s’est tenue le 12 janvier à Paris « pour la souveraineté de la nation et pour la justice sociale », Olivier Delorme relatait une discussion, en Grèce, sur la tragique expérience Syriza et Tsipras, et le retour des décennies en arrière du pays martyrisé. Un grec « à l’évocation des gilets portés en France reprenait espoir » a expliqué l’intervenant. Car la France n’est pas la Grèce. « Les français ont déjà su faire une révolution! Et tracer la voie à toute l’Europe, au monde entier »…Cela met en lumière le mérite et l’optimisme du président de la république.
Son mérite pour la clarté, l’affirmation renouvelée d’une politique rejetée dans le pays.
Son optimisme pour son dernier mot lorsqu’il conclut « En confiance ».
Nous pourrions ajouter, « Mais en l’absence de toute lucidité »!
Jacques Cotta
Le 15 janvier 2019