Pour compléter l’article essentiel de Denis Collin sur la laïcité je voudrais l’élargir au-delà de nos frontières. J’ai pensé à la visite de Jean-Paul II à la Havane, il y a dix ans, que nous pouvons revivre en permanence avec le livre de Vazquez Montalban :
Et Dieu entra à la Havane.
J’ai surtout pensé à la rentrée des classes en Algérie qui se tenait au même moment et que Hakim Laâlam, le chroniqueur du Soir d’Algérie, a su nous présenter avec son talent habituel. Je ne résiste pas au plaisir de vous en communiquer tout le contenu pour que chacun prenne conscience des formes diverses que peut prendre cette mondialisation cléricale. Le titre c’est L’I-Business!
« C’est la rentrée des classes. Comme de tradition, tous les élèves suivront ce matin le même cours inaugural à travers tout le pays. Cette année, le sujet retenu est… …la bougie !
Les yeux, la pensée et les tripes totalement concentrés sur le terrorisme islamiste, sur les attentats, sur les assassinats ou encore sur les faux barrages, nous sommes distraits de l’absolue avancée de l’islamisation de la société, hors maquis, en milieux urbain et rural. Prenez les pages de vos journaux. Vous n’y prêtez même plus attention, tellement elles ont été intelligemment banalisées ; pourtant, elles sont là, plantant leurs tentes dans notre quotidien, en attendant de construire en dur. L’I-Business, l’islam business, est en marche. Une grande marque de téléphone mobile vous propose sa dernière gamme. L’appareil, entre l’EDGE, le Bluetooth et une prise USB2, vous offre maintenant des applications islamiques. Sourates, rappels des rendez-vous de prière, sites de téléchargement de contenus théologiques. En sus, une profusion de fonds d’écran et d’économiseurs à l’effigie des symboles forts de l’islam. Une banque islamique vous propose, en pleines pages couleur des grands quotidiens, «un livret d’épargne participative qui répond à vos convictions. Un outil d’épargne simple, sûr et flexible qui vous permet de faire fructifier votre argent en parfaite conformité avec les préceptes de la chariaâ». C’est le texte d’accompagnement. Je n’y ai rien ajouté ni rien enlevé. L’islam business emprunte tous les chemins, tous les sentiers, même les plus tortueux, même les plus «sensibles». Toute la semaine écoulée, j’ai cherché un tablier à ma gamine pour sa rentrée de ce samedi matin. Systématiquement, quasi systématiquement, dans les commerces où je me suis rendu, je me suis vu proposer un tablier à l’effigie de Fulla, l’avatar tachadorisé de Barbie. Alors, bien sûr, le but du jeu n’est pas de coller des petits bouts de l’I-Business et de crier à l’arrivée demain dimanche, à 5 heures tapantes, des talibans aux portes du pays. Non ! Le but du jeu est de dire qu’il ne s’agit pas d’un… jeu. Que l’I-Business est tentaculaire. Qu’il avance. Qu’il essaime. Qu’il marque son territoire. Qu’il procède par extensions successives et métastases jusqu’à éliminer toute autre forme de vie en société. Pour ne pas l’avoir assez dit à l’époque, dès les années 1970, à l’apparition des premiers marchés sauvages de camelots vendant les kamis et les livres religieux à même le sol, nous nous sommes retrouvés vingt ans après avec la prise des places publiques, des urgences des hôpitaux, des marchés de fruits et légumes, et ensuite avec le GIA et le GSPC. Et maintenant, avec Al- Qaïda Maghreb. Aujourd’hui, pas question de regarder ailleurs, de se taire, de ne pas dire. C’est dit ! C’est maintenant qu’il faut dire. Pas après. Après, faudra pas venir pleurer l’Algérie méditerranéenne disparue. Car même là, les kleenex seront à l’effigie de Fulla. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue »(13/09/2008).
Quand avance partout le cléricalisme, c’est d’autant que reculent les droits sociaux, au nom des vertus comme la charité, la soumission et le machisme. Nous savons en France, depuis la Seconde République, que ceux là-même qui votèrent la loi Falloux, portèrent un coup très grave au suffrage universel masculin en 1850. Bush a osé dire que son élection fut le résultat d’une volonté divine car, c’est bien connu, il n’existe pas sur terre trente six mille pouvoirs : ou dieu ou le peuple. Entre les deux, certains, avec le suffrage censitaire, invoquèrent le pouvoir de l’argent mais aujourd’hui ce dernier se prend pour dieu en personne.
Tout comme aucun projet démocratique ne peut se priver d’un retour aux nations (contre les nationalismes), il ne peut faire l’impasse sur la laïcité (contre les cléricalismes joyeusement masqués sous des termes comme laïcité positive). On reste éveillé, la vie continue.
16-09-2008 Jean-Paul Damaggio