« Quant à Nicolas Sarkozy il a fait le voyage exactement 45 ans après de Gaulle (mars 2009) dans un contexte totalement différent. Du séjour est né une polémique entre l’Etat mexicain et l’Etat français, le premier indiquant que le séjour a été payé par de gros entrepreneurs mexicains et le second qu’il a été payé par l’Etat mexicain. Comme le séjour a d’abord été un séjour privé, il est peu probable que l’Etat mexicain ait déboursé un peso. D’autant qu’un hôtel à 3500 dollars la nuit, ça ferait désordre dans les finances d’un pays pas très riche ! Qui plus est, le propriétaire de l’hôtel, le banquier Roberto Hernandez Ramirez, ancien PDG de la banque Banamex et membre du conseil d'administration de Citigroup, a de quoi payer ! Au cours des années 1990, Hernandez a été soupçonné de faire transiter par ses propriétés de la cocaïne sud-américaine et de participer au blanchiment de l'argent de la drogue. Dans le Boston Phoenix, en 1999, le journaliste Al Giordano, (spécialiste reconnu du trafic de drogue) résumait ainsi une enquête menée par le journal mexicain Por Esto ! :
« D'après le journal et ses sources, les propriétés côtières au Yucatan, acquises par Hernandez à la fin des années 80 et au début des années 90, étaient le point d'entrée de quantités massives de cocaïne livrées dans des vedettes rapides colombiennes. De là, des tonnes de drogues étaient chargées dans des petits avions et envoyées vers le nord depuis l'aérodrome privé de Hernandez. Hernandez, écrivait le journal, blanchissait l'argent de la drogue à travers des installations hôtelières d'éco-tourisme vides. »
Encore en 2007 le même journaliste a évoqué l’organisation par le même homme qu’il appelle un narco-banquier, de la rencontre Bush-Calderon dans son hacienda du Yucatan, habituée à recevoir des personnalités comme Clinton et Zedillo. Pour Carla et Nicolas Sarkozy ce ne fut pas le Yucatan qui servit d’accueil mais l’hôtel El Tamarindo, une autre propriété du même homme. »[i]
Déjà en 2009 Sarkozy se faisait fort de ramener la Française dans ses bagages mais il n’a pas compris que la diplomatie a d’autres moyens que les déclarations tonitruantes et l’arrogance des puissants. En arriver aujourd’hui à utiliser des activités culturelles comme moyen de pression politique c’est une invention néfaste pour tous. Aujourd’hui le journal mexicain de gauche La Jornada, mentionne surtout les réactions d’intellectuels français qui s’insurgent contre le bâton sarkozien à l’efficacité aussi nulle que son ultimatum lancé à Gbagbo qui devait avoir quitté le pouvoir avant la fin de la semaine…
J’ai été sensible à l’indignation de Marc Restellini qui, à la Pinacothèque débute l’Année du Mexique en France avec une magnifique expo sur les mayas, le 28 février : Les Masques de jade mayas. Par « chance » son musée n’appartient pas à l’Etat et j’espère que le projet ne sera pas entravé même si à ce jour tout semble fragile. Un catalogue est en cours d’impression, les invitations pour l’inauguration sont lancées, les espaces publicitaires réservés pour une exposition sans comparaison avec tout ce que Paris a eu en matière de connaissance du Mexique, or le directeur n’est plus sûr de rien.
Suis-je insensible au cas de Florence Cassez ? Absolument pas, au contraire : je pense que l’interconnaissance entre les peuples des deux pays pourra seule permettre de comprendre à la fois l’injustice possible de sa condamnation, et la difficulté pour sortir de l’imbroglio. Je sais très bien que le polémique ministre mexicain de l’intérieur, Genaro Garcia Luna est peu fréquentable, lié, d’après divers sources (dont le spécialiste John Ross) aux mafias, aussi je crains que Florence Cassez ne soit contrainte d’attendre 2012 pour voir s’améliorer son sort, 2012 l’année des présidentielles en France comme au Mexique, année d’un apaisement possible.
Plus qu’à une annulation de l’année du Mexique en France, cette polémique devrait conduire à des réflexions approfondies sur la question cruciale et mondiale du crime organisé.
[i] Victor Hugo au Mexique, Jean-Paul Damaggio, Editions la Brochure, 58 pages, 5 euros ISBN 9782917154632