Vous provoquâtes force émoi dans l’eurocosme bruxellois, mon Commandant !
Aller, tout de go, dire à la chambre de commerce belgo-suisse, vous le chef de l’armée suisse, que l’instabilité sociale en Europe créait une insécurité pour notre paisible Helvétie, vous fîtes fort ! Vous osâtes mentionner nos voisins espagnols, portugais, italiens et français, troublions potentiels.
Vous courrouçâtes dame Ahrenkilde, porte-parole de la Commission européenne, qui déclara ne pas comprendre votre inquiétude. Comment diantre ne savez-vous pas, Commandant, que l’Union européenne vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix ? Après Henry Kissinger, qui le reçut l’année même où il intrigua pour amener le sanglant général Pinochet, au Chili, à renverser le président Allende démocratiquement élu ? Après le président Obama, qui vit récompensés de virtuels exploits pacifiques sur la seule base de ses déclarations d’intention, démenties ensuite par les débâcles afghane et irakienne, l’exécution sommaire de ben Laden programmé par Bush, l’incapacité à sortir du bourbier la guerre israélo-palestinienne, les drones massacrant régulièrement des civils afghans, l’extension de boucliers anti-missiles au confins de la Russie, la poursuite de la course en tête des ventes d’armes ? Que ne rendez-vous les armes devant tant de prestance et de sagacité ?
Méconnaissez-vous, Commandant, que la fonction d’un porte-parole n’est pas de proclamer la vérité mais de rassurer son auditoire ? Vous, vous sortez l’artillerie lourde, vous saccagez la pelouse des mondanités.
Vous vous consolez en relevant que l’ancien chancelier Helmut Schmidt rejoint votre crainte quand il déclare : « Nous nous trouvons à la veille d’une possible révolution en Europe. »
Comme vous, Helmut Schmidt a vu sur son téléviseur des policiers espagnols et grecs frapper violemment des manifestant pacifiques défendant leur pitance et leur dignité, des braves gens chassés de leur logis, abrités sous des tentes de fortune, car ils ne pouvaient plus rembourser leur banque.
L’autruche a l’excuse d’être naïve quand elle met sa tête dans le sable pour ne pas voir le danger. L’Europe n’a pas cette excuse : elle est l’autruche et le danger, elle se veut savante, elle plastronne. La chimère Europe a une tête d’autruche, un corps de pompier, des pattes de pyromane.
Vous, Commandant, vous accomplissez votre besogne de sentinelle. Il nous reste à espérer que vous ne mitraillerez pas les pauvres hères qui se présenteraient à nos frontières, que vous leur accorderez un asile décent avant le renvoi dans leurs ingrates patries.
Dame Ahrenkilde n’est pas menacée de la misère, elle n’a nulle commisération pour les citoyens européens désargentés qui l’entretiennent pour qu’elle et ses maîtres les maltraitent et les vilipendent.
Guillaume tel que vous le pressentez : révulsé.
Berne, ce 27 novembre de l’an de grâce 2012.