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Lancement de l’exploitation minière en Equateur

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Mardi 20/08/2013 • 0 commentaires  • Lu 1680 fois • Version imprimable


Voici d’abord quelques faits de référence qui vont servir de toile de fond à la décision de Correa.

30 juillet : sommet de l’ALBA à Quito.

3 août : Discours de Correa contre Chevron.

11 août : confirmation de la condamnation du député Pachakutik Pepe Acacho et son compagnon de lutte Pedro Mashiant a 12 ans de prison pour sabotage et terrorisme.

15 août Correa annonce l’exploitation du pétrole en Amazonie.

 Décision du gouvernement le 15 août

L’affaire dure depuis 2007 quand Rafael Correa a lancé du haut de la tribune de l’ONU, une initiative pour protéger le parc Yasuni, mais les sommes promises par la communauté internationale n'ont pas été versées. Dans le cadre de cet accord, l'Equateur renonçait à exploiter le parc Yasuni, dont les réserves sont estimées à 800 millions de barils de brut, ce qui représente environ 7,2 milliards de dollars (d’autres disent aujourd’hui, 18 milliards). Le but était de préserver la grande diversité de cette forêt et les populations indigènes. Le parc fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO.

En contrepartie, le gouvernement devait recevoir près de 3,6 milliards de dollars, en 12 ans, de la communauté internationale, soit environ la moitié de ce qui lui aurait rapporté l'extraction du pétrole suivant l’estimation de l’époque, via le fonds administré par les Nations Unies (PNUD).

Le président équatorien vient de préciser qu'à l'heure actuelle le fonds n'a été doté que de 18,3 millions de dollars (0,3%) donnés par la Belgique, le Chili, la France, l’Italie, l’Espagne et l’Indonésie. Dans un discours télévisé il a indiqué :

« C’est avec une profonde tristesse, mais aussi avec une absolue responsabilité envers notre peuple et notre histoire, que j’ai tenu à prendre la décision la plus difficile de mon gouvernement en mettant fin à l’initiative qui devait éviter l’exploitation ».

« Cette décision nous désillusionne tous mais elle est nécessaire. Nous ne pouvons attendre plus longtemps, sans de graves conséquences pour le bien-être de notre peuple. L’histoire nous jugera. »

La Constitution impose normalement de demander l’avis aux populations mais pour des raisons d’intérêt national, ce référendum n’aura pas lieu.

Après les impôts, les bénéfices du pétrole constituent la deuxième entrée financière du budget et pour le président cette source risque, d’ici 10 ans, de manquer, d’autant que les autres explorations pétrolifères n’ont rien donné. Pour rassurer les populations, il est annoncé que les méthodes d’exploitation seront faites avec les technologies les plus propres, celles utilisées sur l’exploitation offshore du pétrole. Le premier exploitant serait l’entreprise d’Etat Petroamazonas mais en fait depuis le 28 novembre 2012, c’est un appel à concessions (21) qui a été lancé à toutes les grandes compagnies qui ont un an pour se manifester.

 Préparation de la décision

2 ) La juste dénonciation de Chevron-Texaco pour les dégâts commis entre 1964 et 1992. Le 10 août 2013, le site le Grand soir, reprend l’argumentation d’une déclaration de Correa du 3 août : Chevron-Texaco : une firme toxique. Action utile… si on a en vu le débat global.

3 ) Le soutien de l’ALBA. A en croire J-L Mélenchon présent à la rencontre de l’ALBA (voir son blog), le texte primitif n’était pas aux yeux de Correa assez dur, et il fut réécrit pour arriver à ce point traduit dans l’article du Grand soir :

 « Nous assistons actuellement à l’apparition de nouvelles formes d’exploitation, tels que les traités bilatéraux de protection des investissements et le fonctionnement d’instances d’arbitrage internationales comme le CIADI, outils qui placent les intérêts du capital avant ceux de la société, de la nature et de l’institutionnalisation démocratique elle-même, dans le contexte de la prolifération de Traités de Libre Échange (TLC). C’est par ces nouveaux mécanismes de domination que la stabilité de nos pays est mise en danger -même leur solvabilité économique - par des processus juridiques clairement entachés de nullité par l’abus et collusion d’intérêts. Sans aucun doute, les affaires d’Oxy et Chevron en Équateur constituent des exemples patents de ces pratiques et c’est pour cela que nous exprimons notre soutien à ce pays-frère lésé par ces affaires qui s’étendent à d’autres pays avec des magnitudes différentes. Tout cela n’implique pas le refus catégorique de l’Investissement Étranger Direct mais plutôt une relation intelligente avec celui-ci, de telle façon qu’il puisse être utilisé au bénéfice des nations et non optimisé à leurs dépends. Pour cela, un mécanisme d’intégration comme l’ALBA est indispensable. En tant que bloc nous pouvons imposer les conditions afin d’éviter que les intérêts du capital priment sur ceux de la population”

 4 ) La mise en place de la répression. Ni les uns, ni les autres ne vous parleront de Pepe Acacho et son ami Pedro Mashiant. http://www.conaie.org/

En 2009, ces deux hommes participèrent, avec d’autres, au nom de la CONAIE, l’organisation des indigènes, à une lutte contre une loi sur l’eau qui visait sa privatisation (depuis cette loi est toujours en attente) et un homme est mort. Les deux condamnés sont accusés du meurtre alors qu’eux prétendent que c’est une bavure de la police. Le procès a traîné, mais le 11 août la sentence est tombée : 12 ans de prison. Pepe Acacho est depuis devenu député du parti indigène Pachakutik et bénéficie de l’immunité parlementaire mais les faits étant antérieurs, elle ne compte pas.

En Equateur la CONAIE a participé à d’immenses luttes faisant tomber deux présidents de la république et défendant à chaque fois les intérêts du peuple tout entier, pourtant c’est la première condamnation à la prison.

 Le point de vue des opposants

Ce contexte vise à détruire par avance l’action des opposants qui s’appuie sur divers arguments :

1 ) Sept tribus amérindiennes sont propriétaires légales et légitimes de ces terres (elles possèdent des titres fonciers officiellement reconnus). Et paradoxe de l’histoire : l’Etat veut vendre quatre millions des hectares en question, aux pétroliers !

D’un côté, grâce à Correa, l’Equateur a été le premier pays à inclure dans sa Constitution « les droits de la terre mère » et de l’autre, voilà des terres vendues sans l’autorisation des propriétaires.

2 ) En juin dernier, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a jugé l'État coupable d'enfreindre les droits fondamentaux des peuples autochtones par l'octroi de concessions pétrolières sur leurs terres.

3 ) C’est la meilleure biodiversité au kilomètre carré de toute l’Amazonie. Et vivent là 11 000 indigènes quechuas et waranis qui ne pourront plus vivre car la pollution les empêchera d’organiser leurs activités. Les dégâts causés par Chevron qui a été condamné, vont se répéter.

4 ) Les opposants bénéficient d’un soutien populaire réel :

http://ecuadorsinpetroleo.blogspot.com/

 Conclusion :

Ce problème n’a rien d’original en Amérique latine et il en recoupe bien d’autres luttes. En son cœur, la bataille pour l’eau car les conditions d’extraction nécessitent aujourd’hui beaucoup d’eau. En conséquence toute la question et celle de la répartition de l’eau. Pour l’extraction afin d’obtenir des revenus redistribués avec plus de justice, ou pour l’agriculture qui fait vivre les populations locales ? La différence entre un puits de pétrole et l’agriculture c’est que l’un s’épuise (et pour preuve l’argument comme quoi l’Equateur va manquer de pétrole) et l’autre se renouvèle. Pour Correa, le refus du pétrole, c’est un enfantillage. Pour les opposants c’est s’obliger à chercher une autre forme de développement.

16 août 2013 Jean-Paul Damaggio
 

Alliance Bolivarienne des Amériques : Cuba, Venezuela, Bolivie, Nicaragua, Equateur et peut-être deux autres petits pays.


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