Tout d’abord, il est parfaitement absurde de parler d’un « bloc » des nationalistes. Par définition, ces nationalistes défendent leur propre bourgeoisie nationale contre les autres bourgeoisies nationales. Ainsi le FPÖ autrichien défend-il becs et ongles l’intégration dans l’Union Européenne et exige que l’Italie redresse ses comptes sous peine d’être réduite au sort qu’a subi la Grèce. Entre Salvini et le FPÖ les relations sont peut-être quelque peu tendues ! Notons également que la plupart de ces « nationalistes » n’a aucune envie de quitter l’UE ni même la zone euro : ni Salvini ni Marine Le Pen ne défendent une telle rupture avec l’UE et Victor Orban est un bon européiste à sa manière d’autant que la Hongrie (comme la Pologne) est un des gros bénéficiaires de l’aide européenne. L’AfD défend l’UE mais voudrait transformer la zone euro en plusieurs zones différentes, une proposition confuse qui à l’épreuve du pouvoir consisterait tout simplement à maintenir l’euro. Le FvD devenu en mars 2019 la première force politique des Pays-Bas se prononce pour la tenue d’un référendum sur l’appartenance à l’UE et réclame une extension de toutes les formes de démocratie directe et un plus grand contrôle sur l’administration. Le RN de Marine Le Pen est au fond un parti « libéral », opposé à l’augmentation du SMIC et favorable à la baisse des « charges sociales » (une position assez proche de celle des LR de Wauquiez alors que la Lega de Salvini est entrée dans une coalition avec le M5S qui applique une politique de type « social-démocrate » à l’ancienne.
Ainsi, les divergences entre ces différents partis qui reflètent les différences des intérêts nationaux interdisent à tout jamais qu’ils puissent se coaliser pour changer quoi que ce soit dans l’UE. Ils ne sont unis que sur un seul point : le refus de l’immigration, refus d’ailleurs aussi inefficace que braillard (en Italie, Salvini n’a que peu ralenti l’immigration). Au demeurant, ce qu’ils proposent est globalement ce que pratiquent les divers gouvernements européens, mais sans trop le proclamer. Par ailleurs ces partis ne sont pas vraiment « souverainistes » et guère patriotiques. Par exemple, ils ne contestent pas l’influence américaine en Europe. Salvini est, comme l’essentiel de la classe politique italienne, favorable au maintien des bases américaines sur le sol italien (huit bases très importantes). C’est la même chose en Allemagne où les 26 bases US n’apparaissent dans aucun programme politique ! L’appartenance à l’OTAN et la soumission à Washington font partie des dogmes intouchables de ces partis dits « nationalistes ».
Faisons un sort particulier à Salvini. Il se prétend patriote italien alors qu’il est à la tête d’un parti dont l’origine est sécessionniste et violemment opposée à l’Italie du Sud. La transformation de la « Lega Nord » en « Lega » est cependant, pour essentiel purement cosmétique. Salvini s’était laissé aller à des tirades grossières et violentes contre les « terroni », ce mot péjoratif qui désigne les Italiens du Sud et qu’on pourrait traduire en français par « cul-terreux ». Une jeune fille de Salerno, feignant de faire un selfie avec le vice-premier ministre en a fait une vidéo « virale » avec l’interpellation « Alors nous ne sommes plus des cul-terreux de merde ? » (« Non siamo più terroni di merda ? »). Tout un mouvement s’est déclenché contre Salvini : aux balcons et aux fenêtres fleurissent les banderoles faites dans des draps contre le chef de la Lega et ce mouvement commence même à atteindre le nord du pays. Bref, Salvini est tout sauf l’incarnation du patriotisme ou du nationalisme italien. Un autre exemple complète ce portrait. De nombreux Italiens se sont opposés au TAV (train grande vitesse entre Lyon et Turin), notamment en raison du coût pharaonique des travaux et des dégâts environnementaux dans le Val Susa. Les classes dirigeantes et les partis à leur botte y sont cependant favorables et Salvini fait partie de ce front, au nom de la libre circulation en Europe ! Le M5S au contraire refuse le TAV et soutient que de telles sommes seraient mieux investies dans les transports ferroviaires du Sud qui sont toujours d’une lenteur désespérante. On sait aussi que le gouvernement s’est interrogé sur le maintien de l’Italie dans la zone euro et les économistes du M5S avaient commencé de préparer la sortie d’une monnaie italienne, mais c’est la Lega qui s’est fermement opposée à ce projet. Donc dans le gouvernement italien, l’européiste, c’est Salvini. Salvini n’est en rien un « souverainiste ».
Le rapprochement RN-Lega est significatif. Marine Le Pen et Salvini sont d’accord sur l’essentiel : maintien dans l’UE, maintien dans la zone euro (c’est d’ailleurs le motif de la rupture avec Philippot). Tout le reste est de la rhétorique qui ne peut tromper que les gogos.
Ajoutons qu’aucun de ces partis « nationalistes » ou « populistes » n’est proprement fasciste. Ils ne s’appuient pas sur des bandes armées, ils ne remettent pas en cause le pluralisme, et ils sont plutôt pour l’affaiblissement de l’État, comme tous les libéraux. Ils sont volontiers autoritaires (en Pologne ou en Hongrie) mais finalement nos « progressistes » leur font une rude concurrence sur ce terrain. Il est bien moins dangereux de manifester en Italie ou même en Hongrie qu’en France. À Rome on peut injurier le vice-premier ministre sans aucun risque, alors qu’il n’en va plus de même à Paris. Produits de l’ébranlement des États-nations sous les coups de la mondialisation, tous ces partis sont seulement réactifs mais ne remettent jamais en question les causes profondes des effets qu’ils déplorent. Cela explique qu’ils peuvent capter une partie des suffrages populaires en s’appuyant d’ailleurs sur l’effondrement et même la quasi-disparition des partis ouvriers traditionnels.
Du même coup on mesure la vanité et l’absurdité du discours dit « progressiste » que véhiculent le centre, la gauche et la classe médiatique dominante. Il ne s’agit pas de s’attaquer à un mal réel mais de concentrer les énergies contre un épouvantail. Pendant que nos chevaliers à la triste figure combattent les moulins à vent lepénistes ou salvinistes, le capital continue de prospérer. En ce qui nous concerne, nous ne reprochons pas à Le Pen ou à Salvini d’être « nationalistes » et encore moins « populistes », puisque chez eux la nation et le peuple ne sont que des postures démagogiques. Nous défendons la nation parce qu’elle est le seul cadre dans lequel la question de l’émancipation ouvrière peut être sérieusement posée. Nous défendons le « populisme » non au sens de la démagogie grossière des soi-disant « populistes » mais parce que le peuple, ce sont tous ceux d’en bas (qu’ils soient de droite ou de gauche) dont l’intérêt premier est de renverser la domination du capital. Bref, aux luttes fantomatiques contre les fantômes, nous opposons résolument la lutte des classes et nous savons que notre vieille amie la taupe continue de creuser.
Bonjour,
nous ne sommes ni aveugles ni sourds et savons bien que le RN (surtout de puis le départ de Philippot) est un faux-ami des classes populaires (refus de sortir de l'UE,acceptation de l'Euro,contre l'augmentation du SMIC,etc.).
Cependant le 26 mai nous n'élirons ni le Président de la République,ni les députés,donc l'analyse du scrutin et de ses risques éventuels mérite une étude plus fine que le simple rejet automatique de l'éventualité d'un vote pour le RN.
L'élection européenne, dernière élection nationale avant 2022,arrive au bout du mouvement social le plus légitime et le plus long depuis de nombreuses années. Permettre à la liste de Macron (cette pauvre Mme Loiseau n'existant pas!) d'arriver en tête sous de fallacieux prétextes (extrême-Droite,voter pour nos idées,le RN est pire que Macron,etc.) c'est le re-légitimer alors qu'il est plus que nécessaire de le SANCTIONNER pour la politique inégalitaire qu'il conduit depuis son élection.
Quelle liste peut nous permettre probablement de l'empêcher de gagner cette élection pour ensuite affirmer que le Peuple lui a donné quitus pour son action et un chèque en blanc jusqu'à la fin du quinquennat?
Bien comprendre cette problématique devrait nous permettre de voter pour la liste RN sans nous déshonnorer.
Pour ma part c'est ce que je ferai!