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Le marketing Piñera bat celui de Frei

Après l'élection présidentielle au Chili

Par Jean-Paul Damaggio • Internationale • Lundi 18/01/2010 • 0 commentaires  • Lu 2442 fois • Version imprimable


Tout a été tenté par Michelle Bachelet pour sauver la Concertación mais la victoire de Piñera est là et va susciter une onde de choc qui, comme le coup d’Etat de 1973, fera des vagues même en France. Jusqu’au dernier moment Frei y a cru, en essayant de mobiliser les votes blancs (le vote est obligatoire). Avec l’appui insistant des communistes et dans le cadre d’un plan marketing parfaitement orchestré, l’appel par Marco Enríquez-Ominami en sa faveur, trois jours avant le scrutin, devait changer la tendance. Il n’en a rien été. Avant l’appel de MEO plusieurs de ses amis dont son père Carlos Ominami, avaient déjà rejoint Frei (pendant deux autres allaient vers Piñera) Précisons que Marco Enríquez-Ominami a lancé son appel, accompagné de sa femme (et le détail est d’importance vu sa popularité télévisuelle), mais en rappelant que ses électeurs restaient bien sûr libres de leur choix, étant assez grands pour décider en conscience. 

L’autre élément du plan marketing c’était, trois jours avant le vote, l’inauguration en grande pompe du Musée de la Mémoire en présence de l’invité Vargas Llosa. Depuis 2006 et son intervention politique à Managua, je n’avais pas eu de nouvelles de l’écrivain Péruvien qui s’est fait Espagnol. Michelle Bachelet l’a invité en pensant peut-être qu’il viendrait soutenir Frei mais celui, qui n’a cessé de vanter les mérites de la Concertación, décida pour cette élection de soutenir Piñera ! Pendant l’inauguration du musée il a été chahuté. La décision du grand Mario pouvait cependant être contre-productive car un Péruvien au secours d’un Chilien multimillionnaire n’est pas du meilleur effet pour le peuple Chilien. Le soir du débat télévisé entre les deux candidats Vargas Losa a reconnu que Frei a été bon surtout au moment où il parlait de son père assassiné par Pinochet mais assassiné seulement quand le dit Frei, après des années d’attente, se lança dans l’opposition contre des militaires qui ne lui donneraient pas le pouvoir.

Et enfin, opération non des moindres, le gouvernement de Bachelet décida de satisfaire les revendications salariales des ouvriers du cuivre de l’entreprise encore étatisée. Mais tout ça ne fut pas suffisant ! 

Les votes blancs ont-ils gagné ? La suite des événements va donner la réponse. A présent, il semble surtout que la Concertación soit inquiète par le nombre de démocrates chrétiens qui risquent de voler au secours de la victoire. L’adversaire n’était-il que le complément de la Concertación ? Côté Parti socialiste, la tendance à la transformation de la Concertación en nouveau parti risque de prendre le dessus et de poursuivre le glissement à droite. Malgré la démission des dirigeants des deux autres partis de la Concertación, la classe politique autour de Frei semble incapable de tirer les leçons de l’histoire. L’échec de la Concertación s’annonce surtout comme le sien propre, celui de son incapacité à construire en vingt ans de pouvoir une alternative populaire au capitalisme féodal. Or le soutien personnel qu’avait Michelle Bachelet démontre qu’elle ne nécessitait pas des réformes colossales.

Pendant l’entre deux tours, j’ai essayé de lire les points de vue des adeptes du vote blanc et celui des défenseurs du vote pour le moins pire. Parmi ces derniers je pense à Manuel Cabieses Donoso sur Punto Final qui refusa la politique du pire car il n’y a pas d’alternative claire et solide. Les résultats de la gauche traditionnelle restent très fragiles vu ses divisions internes. Ceux de MEO sont tout autant traversés de contradictions. Comment réagir à la hauteur des enjeux ? Les appels au vote blanc était surtout celui d’individus, des journalistes par exemple, qui ne supportent plus la façon dont la Concertación s’est d’elle-même livrée pieds et points liés à son adversaire.

J’ai envie de retenir que tout projet politique sérieusement alternatif ne pourra plus se construire sur les bases anciennes. Il va falloir travailler au contournement du marketing politique de droite comme de gauche et l’œuvre ne semble pas de tout repos. Un nouveau projet économique et social, oui, mais en tenant compte de l’angle d’attaque du système actuel. Après le Chili, l’onde de choc va toucher le Brésil, l’Argentine où le maire de Buenos Aires est tout autant berlusconien que Piñera, et peut-être, à un moindre degré sans doute, les prochaines législatives au Venezuela où le maire d’opposition de Caracas n’a pas dit son dernier mot. Pendant que la gauche gérait un capital ancien, une droite jeune, conquérante se mettait en place, une droite qui n’est plus celle de Reagan, mais celle de Berlusconi (même si Reagan ancien acteur de cinéma était une piètre annonce de ce qui allait arriver aux Amériques).

17-01-2010 Jean-Paul Damaggio


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