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Le projet "socialiste" et l’école

OU POURQUOI ON NE POURRA PAS DIRE "JE NE SAVAIS PAS"...

Par Denis Collin • École • Mardi 20/06/2006 • 0 commentaires  • Lu 1985 fois • Version imprimable


Voici un extrait de la note de synthèse du projet socialiste concernant l’école (datée du 22/05). Nous donnons nos commentaires en marge et notre première conclusion à la fin.

 

I L’Ecole au cœur de l’Egalité

Elle joue un rôle majeur dans la cohésion sociale et l’égalité républicaine ; à ce titre, l’Etat doit placer au premier rang de ses impératifs budgétaires l’Education Nationale.

R. : Le flou de la formulation ne laisse pas d’inquiéter. L’Éducation nationale est actuellement le premier budget de l’État. En quoi les socialistes changeront-ils cela ? S’il s’agit d’augmenter le budget, il faudrait au moins une idée du taux d’augmentation.

Nos propositions

A Eradiquer l’échec scolaire

La généralisation de la réussite scolaire repose sur la prise en considération, dès la petite enfance, des différents profils, voire, dans certains cas, sur l’individualisation des élèves, ce qui suppose une modification de l’organisation de la scolarité chaque fois que cela est nécessaire.

R. : Il s’agit de la simple prolongation de ce qui se fait actuellement : « parcours individualisés ». De droite comme de gauche, les gouvernements successifs explosent chaque fois un peu plus les classes, multiplient les options et les occasions d’éviter un travail suivi et collectif. La confusion de ces « parcours individualisés » rend chaque fois un peu plus illisible la règle du jeu à l’école. Si l’école est l’apprentissage de la règle et de l’intégration dans une collectivité, l’individualisation systématique tourne le dos à cet objectif - et c’est pourquoi on tente de plus en plus et désespérément de palier ce défaut par des discours moralisants (cf. infra).

- > Nous créerons un service public de la petite enfance. Associé à l’Ecole maternelle, il offrira aux jeunes enfants, un encadrement pédagogique, social et médical, dont les plus pauvres sont privés. La scolarisation précoce et les fonctions d’accueil sont l’un des meilleurs moyens de lutter contre l’échec scolaire.

R. : Là encore, soit on ne fait que prolonger ce qui existe, soit on accélère la dilution de l’école maternelle dans une structure « multi-intervenants » qui ne serait plus l’école. On sait que Mme Royal, du temps où elle était en charge de ce secteur avait fait passer une série de mesure qui permettent de mettre toutes sortes de dispositifs d’accueil en concurrence avec l’école en ce qui concerne la prise en charge des enfants avant l’âge de l’obligation scolaire. On sait que ces mesures sont exigées par les instances européennes et la mise en œuvre des projets concernant la libéralisation des services. Les socialistes nous proposent de poursuivre dans cette voie européiste, pourtant rejetée massivement par le peuple.

- >Nous accueillerons, dès l’âge de 3 ans tous les enfants à l’école maternelle.

R. : Comme de nombreuses villes proposent l’accueil dès 2 ans, on mesure la nouveauté époustouflante !

- >Nous favoriserons des formes d’individualisation de l’enseignement pour prendre en compte la diversité des élèves et nous proposerons de varier les rythmes d’apprentissage et de développer, là où c’est nécessaire, un enseignement plus adapté, par petit groupe de niveau. Nous développerons l’éducation artistique culturelle et sportive dès le plus jeune âge.

R. : l’individualisation de l’enseignement, cela suppose à terme la fin des classes et la fin des professeurs, au profit des « référents adultes », des « intervenants extérieurs » et tutti quanti. Et qu’on en finisse avec les exigences de programmes nationaux et la transmission de savoirs objectifs. La conséquence en sera également et très logiquement la fin des diplômes nationaux, sans doute au profit d’un système de diplômes par points mêlant aussi bien les savoirs acquis que les stages en entreprises ou les dernières escroqueries intellectuelles du moment, ainsi que cela se passe pour les parcours universitaires validés en termes de « points » à valeur européenne. Là encore l’inspiration libérale européiste du projet socialiste est indiscutable. Quant aux proclamations sur le développement des arts et du sport, elles seraient crédibles si le PS proposait des mesures en termes de recrutement alors que le gouvernement Villepin a sabré sans retenue les CAPEPS et les CAPES de musique et d’arts plastiques.

- >Nous aiderons les élèves des quartiers les plus en difficulté en améliorant leur condition de travail dans les écoles, les collèges, et les lycées. Nous reverrons le fonctionnement général des Zones d’Éducation Prioritaires :
- En renforçant les moyens financiers, en formant spécialement les enseignants des ZEP, en leur offrant des perspectives d’évolution de carrière. Le travail des enseignants doit être facilité, en aménageant les locaux scolaires (bureaux pour les enseignants, salle d’étude, ouverture des équipements en dehors du temps scolaire, moyens sportifs etc.), en mettant en place une véritable éducation à l’orientation.

R. : l’aménagement des bureaux pour les enseignants résume l’ensemble. Il s’agit de briser le statut de 1950, de supprimer les obligations de service pour les remplacer par une présence (35h) dans l’établissement scolaire, pur y faire de l’enseignement ou tout autre chose, conformément aux projets d’Allègre et Royal quand ils étaient ministres ... ou conformément aux projets de la droite (M. Darcos vient de rappeler la nécessité d’en finir avec un statut qui date de l’immédiate après-guerre.) Les promesses de perspectives d’évolution de carrière ne sont là que le complément indispensable à toute escroquerie : elles n’engagent évidemment que ceux qui seraient tentés d’y croire.

- En appliquant la pédagogie de la réussite et de l’excellence, en créant des classes de petits effectifs, avec des heures de cours modulables en fonction des orientations des élèves. Nous ferons en sorte que chaque lycée, ouvre, à 5% de ses meilleurs élèves, la possibilité de concourir à l’entrée dans les classes préparatoires aux grandes écoles ; leur réussite pourra jouer le rôle d’exemple indispensable à une saine émulation.

R. : Faisons remarquer d’abord que les lycées ne sont pas en ZEP - ce que les rédacteurs semblent ignorer. Ce passage est encore de la bouillie pour les chats. Les modules en petits groupes et en fonction des niveaux des élèves, tout cela se fait déjà. Les socialistes sont si coupés des réalités qu’ils l’ignorent ! Quant à la promesse que 5% des meilleurs élèves (pourquoi pas tous les meilleurs élèves, pourquoi 5% seulement) puissent concourir l’entrée dans les classes préparatoires, on suppose que, soit ces gens ne savent décidément rien, soit se moquent du monde, soit les deux à la fois. Dans n’importe quelle classe générale d’un lycée ordinaire, ce sont plus de 5% des élèves qui rentrent en classes préparatoires. Certaines « prépas » existantes peinent à trouver des candidats. Le problème n’est pas du tout que les classes prépas discrimineraient les élèves des lycées en zone sensible, mais bien que beaucoup d’élèves sont incapables d’atteindre le niveau minimum nécessaire pour entrer dans ces classes ou s’en détournent pour des raisons diverses - dont l’effondrement, au cours des dernières années, des salaires d’embauche des diplômés n’est pas la moindre.

B Adapter l’enseignement à la vie professionnelle

Les diplômes devront avoir une fonction qualifiante, c’est-à-dire permettant à leur titulaire de trouver rapidement un emploi.

R. : Nous y voilà ! Adapter l’enseignement aux besoins du patronat (pudiquement rebaptisé « vie professionnelle »). C’est ce que réclament à corps et à cris les patrons au niveau européen, à travers l’ERT (European Round Table), un des lobbies patronaux organiquement liés à la Commission, parmi les plus puissants, et les patrons français, relayés par la droite ... et par la gauche ! Mais s’il faut adapter l’enseignement à la vie professionnelle, évidemment, on taillera dans le vif des disciplines qui ne « servent » pas à la vie professionnelles, toutes celles qui sont orientées vers la culture, la formation du citoyen, le développement de la personne humaine, bref tout ce qu’on appelait les humanités, et ce au profit d’un enseignement strictement utilitaire et le plus souvent fortement entremêlé de bourrage de crâne idéologique. On sait que le MEDEF et l’actuel gouvernement se sont mis en tête de passer à la moulinette l’enseignement des sciences économiques et sociales, inadapté selon eux au « marché » et où on continue de ne pas croire que l’économie néoclassique est le nec plus ultra dans ce domaine... Bref ici aussi, le projet socialiste, c’est le projet de la droite avec l’étiquette « socialiste. »

- Nous améliorerons en les valorisant les conditions d’orientation vers la vie professionnelle. A partir du 2ème cycle de l’enseignement secondaire, l’élève sera mieux informé et pourra, s’il le souhaite, être orienté, en fonction de son parcours, vers les filières adéquates. Tout au long de sa vie, il pourra se réorienter en se formant pour progresser ou évoluer ou encore pour changer de secteur.

- Nous valoriserons l’expérience de terrain, en développant la professionnalisation des élèves issus de l’enseignement supérieur. La généralisation de l’alternance dans les cursus universitaires pourrait permettre d’atteindre cet objectif.

R. : C’est tout simplement la poursuite et l’amplification des stages gratuit, où les jeunes travaillent à l’œil pour les entreprises en espérant que l’accumulation des stages leur vaudra reconnaissance. Que ce projet se taise sur le sujet, voilà qui dépasse les bornes.

C Apprendre à chaque enfant l’étendue de ses droits et de ses devoirs

- L’Ecole est le premier lieu d’apprentissage de la vie collective, à ce titre, elle doit, le plus tôt possible, expliquer quelles sont les règles qui s’imposent à tout citoyen. Les programmes scolaires doivent comprendre des heures de formation civique, expliquant les valeurs républicaines, apportant des savoirs, éduquant les comportements pour favoriser l’apprentissage de la loi, le respect de l’autre et de sa différence, les règles de solidarité dans la Cité.

R. : Là encore : remplacer l’enseignement de savoirs objectifs par du bourrage de crâne. C’est l’effort, les devoirs faits régulièrement, l’apprentissage de savoir-faire (écrire, sans faute, compter) et la mémorisation qui forment le caractère et le « civisme », pas les leçons de morale et les discours bourrés de bonnes intentions du « politiquement correct » qui ont envahi l’école depuis deux décennies avec les résultats que l’on sait.

- Nous renforcerons les moyens de lutte contre la violence à l’Ecole. Nous ferons respecter la loi sans complaisance, en sanctionnant les auteurs d’incivilités ou d’infractions de toute nature commises à l’Ecole. Nous devons combiner plusieurs formes d’action : l’application des règles, la mise en place de dispositifs pour lutter contre l’échec scolaire, une présence plus forte des adultes dans les établissements, l’aide aux parents, la généralisation et le renforcement des partenariat locaux avec les autres administrations, les collectivités locales, les associations d’éducation populaire, l’accroissement du nombre de « classes relais », la construction d’internats scolaires...

R. : ce catalogue n’a aucun intérêt. Il faut dire clairement qu’on va mettre en place des études surveillées dans tous les collèges et les lycées, dans études avec des surveillants qui auront pour mission de contrôler le cahier de texte et de veiller que l’école ne quitte pas l’établissement sans avoir fait ses devoirs. C’est une mesure simple. Mais qui demande des moyens financiers et autre chose que des « aides éducateurs » payés quand on a le temps. Il recruter des MI/SE, c’est-à-dire des étudiants auxiliaires de l’Éducation nationale, disposant dans la semaine d’un temps les études et dont la réembauche est conditionnée à la réussite dans les études.

Pour les internats, ce serait une très bonne chose. Mais là encore il faut chiffrer, car tout cela demandera des moyens importants en locaux et en personnel. Diminuer le « busing » qui fait que nombre d’élèves passent deux heures par jour sur les routes, sans parler du temps perdu à attendre le car, ce serait une simple mesure de bon sens.

Par contre la sous-traitance de l’éducation nationale à toutes sortes d’associations et de « partenaires », non, mille fois non ! Sauf si on veut accentuer encore le chaos qui règne dans l’institution et préparer sa liquidation définitive ... au profit de l’école privée que nombre de notables socialistes et non des moindres ont déjà choisie pour leurs rejetons.

Conclusion

Cette partie du « projet » « socialiste » ( ?) est affligeante à tous égards. Soit parce que ce qui est proposé est du vent ou témoigne d’une méconnaissance profonde de la réalité, soit parce qu’il s’agit de la reprise et de la prolongation des projets « libéraux » de destruction d’un système public et national d’instruction pour les enfants et les jeunes gens. D’ailleurs, à proprement parler, le mot « libéral » ne convient pas ici. « L’enseignement libéral », tel que Léo Strauss l’a défini dans un très beau texte, est précisément un enseignement libéré de la pression utilitaire, un enseignement tourné vers les humanités et l’assimilation par les jeunes gens de la tradition, condition nécessaire pour innover quand on devient adulte. De ce point de vue, les socialistes, comme leurs soi-disant adversaires soi-disant « libéraux » se préparent à enfoncer les derniers clous du cercueil de l’enseignement libéral. Ce n’est pas le moindre des reproches qu’on peut leur faire.


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