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De la démocratie en Amérique

Howard Zinn: une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours.

Par Denis Collin • Bibliothèque • Jeudi 15/06/2006 • 0 commentaires  • Lu 1930 fois • Version imprimable


Ce n’est pas la énième histoire des Etats-Unis, mais une "histoire populaire", c’est-à-dire une histoire du conflit entre oppresseurs et opprimés, entre exploiteurs et exploités aux Etats-Unis, une histoire donc qui s’inscrit en faux contre les mythes unanimistes qui caractérisent, aux Etats-Unis plus qu’ailleurs peut-être, la conception idéologique de l’histoire.

 

Zinn commence par l’arrivée des Européens et l’extermination des Indiens des Carabaïbes, puis le véritable génocide des Indiens d’Amérique du Nord. Il continue avec l’histoire de l’esclavage, un esclavage dont il rappelle qu’il n’était pas seulement celui des Noirs mais aussi celui des migrants qui, pour payer le voyage vers l’Amérique, se vendaient pour de nombreuses années comme esclaves aux propriétaires fonciers. Zinn termine son histoire sur les mouvements anti-guerres et les mouvements sociaux très importants des dernières décennies.

Bref, c’est une autre Amérique que Zinn nous donne à voir, une Amérique largement inconnue de ce côté-ci de l’Atlantique. Une Amérique dont l’histoire est bien l’histoire de la lutte des classes. Une histoire d’une grande violence : la guerre de Sécession, exemple emblématique, a fait plus de 600.000 morts. Zinn montre que l’Indépendance américaine ne fut pas une révolution populaire (c’est l’énorme différence avec la révolution française) mais un mouvement indépendantiste conduit par des aristocrates fortunés qui n’ont eu de cesse de garder leurs privilèges, fût-ce en les parant de déclarations ronflantes. La classe dominante a toujours cherché à maintenir, sans le moindre partage, son pouvoir sur les classes opprimées et les fameuses libertés n’ont jamais été vraiment garanties que pour les Blancs, anglo-saxons, fortunés et conservateurs. Dès que son pouvoir est un tant soit peu menacé, cette classe dominante fait preuve d’une brutalité, y compris contre la simple liberté d’expression, dont on ne trouve d’exemples ailleurs que dans les régimes dictatoriaux et tyranniques.

Mais les Etats-Unis connaissent aussi des mouvements très radicaux. Zinn consacre de nombreuses pages au mouvement ouvrier et singulièrement aux IWW, les "Wooblies", et aux grands soulèvements prolétariens de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Cela ne remplace pas la lecture des livres de Philip Foner (abondamment cité par Zinn, mais introuvable en français ...) mais on dispose avec l’ouvrage de Zinn d’une bonne approche. Il passe très vite sur les évolutions internes au mouvement syndical, tant dans les années Trente avec la création du CIO, que dans les dernières décennies. Mais les contraintes du projet d’ensemble expliquent qu’on reste un peu sur sa faim.

Politiquement, les Etats-Unis sont une oligarchie, où l’alternance entre démocrates et républicains n’est qu’un changement de personnel sur la base d’orientations profondément semblables, aussi bien dans la politique étrangère, nationaliste et impérialiste, que dans la soumission aux intérêts du "big business". Si la démocratie existe en Amérique, c’est uniquement dans la formidable vitalité de la résistance populaire dont il faut remercier Zinn (professeur émérite à l’université de Boston) de nous avoir donné un beau tableau.

Howard Zinn
Une histoire populaire des Etats-Unis
De 1492 à nos jours
traduit de l’anglais par Frédéric Cotton
Editions AGONE, 2004, 812 pages, 28€ - ISBN : 2-910846-79-2


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