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Le tirage au sort est-il démocratique?

Par Denis COLLIN • Débat • Lundi 04/09/2017 • 1 commentaire  • Lu 2341 fois • Version imprimable


Pour régénérer une démocratie en panne, on vient de ressortir le bon vieux tirage au sort : assemblée composée de citoyens tirés au sort pour décider de la constitution ou pour voter des lois, mais aussi tirage au sort dans les « groupes d’appui » de la France Insoumise pour désigner les participants à la prochaine convention nationale de ce mouvement… Des études savantes sont produites en vue de défendre cette expression nouvelle, paraît-il, de la démocratie.

Je suis opposé à ces prétendues nouvelles approches de la démocratie. Le tirage au sort existe déjà pour les jurés d’assises car là il ne s’agit pas de décider des lois mais de les appliquer et on présume qu’un groupe de citoyens tirés au sort et après un filtrage adéquat (que les partisans du tirage au sort oublient souvent) est parfaitement apte à juger dans le cadre des lois, à condition d’ailleurs d’être convenablement guidés par le président du tribunal… Le tirage au sort était très fréquent dans l’Athènes classique pour ce qui concernait la désignation des magistrats et des diverses fonctions de la polis. On pourrait parfaitement admettre que le président d’une assemblée quelconque soit tiré au sort dès lors que sa fonction se limite à présider les réunions. Mais au-delà ?

La démocratie suppose que la voix de tous pèse du même poids et chacun s’étant exprimé, la somme des différences permet de déterminer ce qu’est la volonté générale. Mais pour qu’il s’agisse bien de la volonté générale, il faut que tous les citoyens, sans exception, aient pu s’exprimer. Le tirage au sort, par définition, empêche qu’il en soit ainsi. Supposons un groupe de dix citoyens. Neuf considèrent que la « loi travail » est une mauvaise chose mais le sort a tiré le dixième qui, lui, y est favorable ! Où est passée la démocratie ? On dira que sur la masse, on a des chances statistiques d’avoir une représentation assez fidèle de l’opinion populaire, ce qui revient à remplacer l’élection par un sondage. Supposons que seul le 1/10e des plus riches puisse voter, on trouverait que c’est évidemment un déni de démocratie car ces riches n’ont aucun mérite particulier qui leur confère le droit décider. Mais quel est le mérite particulier de celui qui a été tiré au sort ? Au contraire celui qui a été élu par ses concitoyens a reçu leur confiance qu’il a su gagner par ses arguments et sa conduite. Ceux qui préfèrent le tirage au sort à l’élection prennent en fait les citoyens pour des idiots pour des imbéciles.

Le vrai problème, esquivé par le tirage au sort, est celui de la représentation. La volonté générale ne saurait être représentée, soutient Rousseau. Le peuple peut bien déléguer des fonctions particulières à un pouvoir exécutif, à des magistrats et même à un roi, mais il ne peut transférer à personne le droit d’exprimer sa volonté. Personne ne peut vouloir à ma place ce que je veux ! L’argument de Rousseau est l’argument démocratique le plus indiscutable. Comment procéder ? Par les voies de la démocratie directe à l’athénienne ! Tous les citoyens convoqués en assemblée sur l’agora, voilà le moyen démocratique par excellence. Malheureusement, la méthode athénienne semble impraticable dans les nations modernes qui comportent non quelques milliers de citoyens mais des dizaines de millions.  La démocratie semble donc s’imposer. Et avec elle l’aliénation politique qui prive le citoyen de sa voix.

On peut cependant encadrer la démocratie représentative pour empêcher qu’elle ne se transforme comme c’est le cas un peu partout en oligarchie. Voici quelques pistes :

1°) Toutes les lois constitutionnelles ou qui concernent les fondements de l’ordre social (sécurité sociale, laïcité, etc.) doivent être soumise à référendum à valeur décisionnelle avec interdiction de faire revoter les citoyens jusqu’à ce qu’ils capitulent.

2°) Faire en sorte que la représentation nationale soit la plus fidèle possible à la répartition des opinions dans la population et il faut donc la proportionnelle intégrale au Parlement (éventuellement assortie d’une clause de représentativité minimale).

3°) Raccourcir tous les mandats et limiter le renouvellement.

4°) Permettre la plus large participation des citoyens aux décisions politiques à tous les niveaux. Il y a 36000 communes en France qui sont à leur manière 36000 foyers de démocratie, ou plutôt, devrais-je dire, qui étaient 36000 foyers de démocratie, car toute l’œuvre de la Ve République a été de limiter les communes, de les insérer dans des « machins » comme les agglomérations, les métropoles, les pays, afin de remplacer le suffrage universel par un suffrage indirect quand il ne s’agit pas de désignation pure et simple.

Bref, le tirage au sort est à tous égards une mauvaise idée, qui ne permettrait en rien de guérir les maux dont souffre notre démocratie, mais au contraire contribuerait à la ruiner définitivement.


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Commentaires

par regis le Mercredi 06/09/2017 à 02:29

Complétement d'accord sur le tirage au sort, autant jouer aux dés nos représentants.
Par contre j'ai plus de mal à vous suivre sur les referendum concernant l'ordre social : que donnerait un code du travail soumis à un tel scrutin ?



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