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Les banques, la colère d’Eric et l’expertise de Christine

Lettre genevoise 21

Par Gabriel Galice •  • Dimanche 12/12/2010 • 0 commentaires  • Lu 1995 fois • Version imprimable


L’Etat irlandais fait payer à son peuple le renflouement public des banques nationales, Eric Cantona menace le système bancaire, Christine Lagarde le renvoie à son ballon.  « Moi, j'ai toute confiance dans la stabilité du système » est un credo relevant davantage de la foi que de la rigueur intellectuelle. « Moi », « Le système », en trois mots, tout est dit.

En matière financière, le pire est possible et la ministre feint de l’ignorer. Un ministre des finances se doit surtout de rassurer les marchands (que l’hypostasiante vulgate nomme marchés). Moins friand de litotes, The Economist note que les investisseurs attendaient de l’Irlande une thérapie de choc (shock and awe dans le texte, soit l’expression aussi utilisée bibliquement pour qualifier les interventions militaires étasuniennes, pas tout à fait étrangères au Blitzkrieg  mais plus psychologisantes)

Madame Lagarde est une Strauss-Kahn en jupon ; sa trajectoire est chronologiquement différente, elle a commencé, elle, par les Etats-Unis. En bonne atlantiste, elle a tâté dans un think tank ad hoc des questions militaires et de sécurité. Elle incarne la finance mondialisée adossée à la com-préhension étasunienne du monde. Le Financial Times lui a décerné le titre de meilleur ministre des finances de la zone euro. Le Canard Enchaîné révéla naguère qu’elle imposait la langue anglaise à ses collaborateurs. Ce haut fait lui vaudra le prix de la carpette anglaise. Christine Lagarde est le fleuron du gouvernement Sarkozy ; quand le boutefeu Hortefeux manie la gouaille frontiste, l’hôte de Bercy flatte doctement les financiers.

L’idée d’Eric Cantona de susciter un retrait massif des dépôts bancaires avait peu de chances de porter ses fruits sans relais, sans alternatives http://www.jechangedebanque.org . Mais elle mériterait assurément d’être reprise pour mettre en évidence les pouvoirs respectifs des actionnaires, des clients et des spéculateurs.

Au même moment, les Islandais apportent la preuve de la capacité des peuples à peser sur leur sort. On se souvient (Lettre genevoise 2) que le peuple islandais avait vigoureusement rejeté le plan de renflouement approuvé par le parlement et le gouvernement. Les banques privées font des bénéfices entre le taux auquel elles empruntent à la BCE et le taux qu’elles imposent aux Etats, quitte à faire surenchérir davantage encore la dette par dégradation des notations par les agences qui leur sont liées. Les cercles vicieux des uns sont les cercles vertueux des autres. La colère islandaise a conduit à une diminution des taux de remboursement. 

Les banques font la pluie et le beau temps. Le Courrier de Genève, en sa livraison du 23 octobre, nous apprend que « l’UBS met en colère les milieux de soutien au peuple palestinien » car « Les clients de la banque ne peuvent plus verser d’argent sur les comptes d’ONG suisses ». La célèbre banque suisse s’empêtre dans d’invraisemblables explications : ces mesures ne sont pas motivées par « des motifs politiques mais liées à une appréciation des risques liés à de telles transactions. » La banque se montre généralement moins sourcilleuse. 

Les politiciennes et politiciens français en pré campagne rivalisent d’imagination pour qualifier le capitalisme. Après le capitalisme éthique de Sarkozy sont venus le capitalisme entreprenarial de Corinne Lepage, puis le capitalisme coopératif d’Arnaud Montebourg. On appelle au moins le capitalisme par son nom alors que l’euphémisme d’économie de marché faisait florès au tout début des années 2000. 

En France, l’année 2011 sera l’occasion de préparer les présidentielles, de proposer des réformes financières et bancaires au bénéfice des citoyens, de s’inspirer du courage d’Eric Cantona et du peuple islandais. 

Gabriel Galice – 12 décembre 2010

 

 


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