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Lettre ouverte au général DE GAULLE : Les « Primaires », du tragique au comique…

… Ou pourquoi mieux vaut s’adresser au bon dieu qu’à ses saints.

Par Jacques Cotta • Actualités • Mercredi 21/09/2016 • 0 commentaires  • Lu 2184 fois • Version imprimable


Monsieur, Vous ne m’en voudrez pas de vous appeler ainsi, négligeant le grade auquel vous avez droit. Monsieur donc, c’est en effet à vous que me fait irrésistiblement penser le spectacle politique actuel auquel se livrent vos héritiers de droite, comme de gauche. Et c’est d’un certain point de vue pour vous en remercier, car en ces temps moroses il n’est pas beaucoup d’occasions de sourire, même si parfois c’est le caractère tragique de la situation qui y pousse.

Monsieur, les « primaires » battent leur plein. Quel rapport avec vous, l’homme du 18 juin, aucun. Mais avec vous, l’homme du coup d’état de 1958 sur la base de la guerre d’Algérie, la relation est directe, évidente. C’est bien à vous, et à vos marionnettes, que nous devons le grotesque de la situation.

Rendez-vous compte. Voilà que dans ces fameuses primaires, 7 candidats minimum à droite vont concourir. A « gauche », ils seront au moins une bonne dizaine, si la loi interne du parti socialiste le leur permet, à parader pour soutenir en définitive Hollande, Valls ou pourquoi pas Macron, puisqu’ils se sont tous engagés à respecter la règle d’union derrière le gagnant. Drôle non de voir Montebourg –qui vante l’alliance capital travail, tout un programme- les « frondeurs » en paroles,
Benoît Hamon, Laurent Baumel, Marie-Noëlle Lienemann, l’inspecteur du travail Gérard Filoche, et quelques autres sans doute venir d’eux-mêmes se soumettre à la loi du pouvoir. Je passe sur l’écologiste défroqué qui ne manquera évidemment pas à l’appel comme sur le radical de gauche qui accompagne le parti socialiste traditionnellement dans ses basses manœuvres.

Le rapport avec vous mon général ? (Voilà que dans le feu de l’action je me laisse aller au grade). Mais c’est vous, le Bonaparte de 1958, l’homme de la constitution de la 5
ème république, qui constituez le modèle de tout ce beau monde. Bonaparte, le pouvoir sans discussion, voilà ce qu’ils guettent tous, rendus fous par un fonctionnement et une constitution des plus anti démocratiques. A votre décharge et pour que chacun demeure à sa place, ils veulent tous endosser votre costume sans avoir ni la taille ni la carrure suffisante. Mais cela est un détail…

On a dit de que votre régime taillé sur mesure, la 5
ème république, oscillait entre autoritarisme et dictature. Mais que faudrait-il alors dire de vos héritiers. Vous, homme d’état, cherchiez la confrontation au peuple, demandiez le renouvellement de la confiance par des scrutins intermédiaires. Mais aujourd’hui, qu’en ont-ils tous à faire ? Tous bords confondus ils peuvent prendre une raclée aux législatives, se faire laminer aux cantonales et municipales, exploser en plein vol d’un référendum, ils n’en tirent aucune conséquence. En fait avec eux la dictature est pire que tout ce que vos détracteurs pouvaient prévoir.

Le modèle que vous représentez est irremplaçable pour ces responsables politiques qui aspirent au pouvoir non pour faire prévaloir un programme personnel. Pas plus pour l’orientation d’un parti. Non plus pour affronter les nécessités du jour – nécessités sociales, nécessités internationales- la démondialisation capitaliste, le retour à notre souveraineté économique, industrielle, financière, etc…. Non, en réalité ces responsables politiques ne feraient pas mieux s’ils n’étaient obsédés que par l’honneur de la fonction et les privilèges qui vont avec, ce que la parole populaire nomme avec dégout « la voiture de fonction ». Ces primaires ont le chic d’accentuer la personnalisation de la vie politique en recréant un suffrag
e objectivement censitaire. Elles poussent jusqu’au bout le système que vous avez mis en place avec la constitution de 58 en instaurant l’élection du président de la république au suffrage universel direct.

Pourquoi sont-ils si nombreux ? Mais la réponse est dans la primaire socialiste des dernières présidentielles. Manuel Valls comme Arnaud Montebourg y ont fait des scores marginaux, mais leur présence a assuré leur avenir. La primaire en fait, c’est leur agence de placement, l’assurance d’un boulot décidé en petit comité. C’est bien la tribune médiatique offerte par les primaires et les dividendes politiques qui en résultent ultérieurement qui expliquent cet embouteillage sur la ligne de départ. De plus mon général, le pouvoir rendant fous ceux qui y aspirent sans limite, sans raison, ils se persuadent qu’ils peuvent arriver en tête dans leur camp et qu’alors, le Front national aidant, ils seront assurés au deuxième tour de gagner l’élection en rassemblant tout sauf le FN. Le FN s’affirme ainsi comme une béquille indispensable du système. Savent-ils seulement que l’histoire ne se répète jamais, sinon en farce ?

La démocratie, mon général, voudrait que tout ce beau monde aille devant le peuple. Normalement, logiquement. Car s’ils pensent utile de se présenter les uns contre les autres à une « primaire », c’est bien que leurs désaccords justifient leur présence pour s’affronter publiquement et tenter de l’emporter seul contre tous. Mais alors question : pourquoi donc les désaccords seraient-ils suffisants pour s’opposer en petit comité, juste devant ses partisans, et pas devant le peuple souverain ? A croire que pour ces gens-là la souveraineté du peuple est vraiment dépassée.

De votre temps mon général… J’allais me laisser aller et vanter le temps passé comme les vieux qui n’ont rien à dire sinon que c’était mieux avant. Ce qui vous l’admettrez n’est pas du tout avéré. Par exemple, un sujet qui fâche. Parmi vos héritiers déclarés, les deux favoris -Sarkozy et Juppé- sont pour le moins en délicatesse avec la justice. Vous qui payiez la note lorsque vous invitiez à l’Elysée, cela doit vous choquer. Mais à y regarder de plus près, là aussi vous avez malgré vous innové. Les scandales à répétitions ne sont pas d’aujourd’hui. Les « SAC » de monsieur Pasqua nous avaient habitués. Les « chalandonnettes » ou encore les trésoriers noyés dans une flaque d’eau, c’était votre époque tout compte fait.

Reconnaissons tout de même mon général qu’à votre époque les divergences existaient. Les combats se menaient. Ils n’ont pas toujours été suivis d’effet et parfois même ceux qui en prenaient la tête dans l’opposition savaient revenir à la raison une fois au pouvoir. « Le coup d’état permanent » de François Mitterrand est une autre farce dont vous êtes en fait l’acteur principal. Mais aujourd’hui, où sont les divergences ?

A droite, c’est la course à l’échalote. Il suffit qu’un prétendant à votre costume veuille par exemple une baisse d’impôts de 8% pour qu’un autre immédiatement demande 10. Il suffit que Sarkozy annonce la suppression de 400 000 postes dans la fonction publique pour que Le Maire en veuille 1 million, soit la mise à bas de tout fonctionnement possible de la Nation. Mais ces énarques qui n’ont sans doute jamais acheté leur baguette de pain eux-mêmes sont loin de ces basses réalités matérielles. Surenchère donc.

A gauche, Tout n’est que posture. Alsthom vient nous rappeler la réalité d’une « gauche » européiste. Une fois encore, accepter aujourd’hui l’éventualité d’un soutien à Hollande après son quinquennat qui restera dans les annales de la régression sociale, politique, démocratique, est tout un programme.

En fait, sur le fond, tout ce beau monde est d’accord. Il n’y a pas un, pas deux, mais une totalité de cabris mon général, sautant sur place et criant « l’Europe, l’Europe, l’Europe » à l’unisson.

Tous d’accord. S’ils n’avaient pas la peur panique du peuple, ils auraient pu aller tous ensemble dans une seule « primaire », c’est à dire devant le peuple souverain. La souveraineté populaire, la souveraineté nationale, la souveraineté tout simplement, un gros mot n’est-ce pas ?

Ah mon général. La 5ème république et sa constitution sont avec l’union européenne et ses institutions le verrou antidémocratique qui cadenasse le système. Je tenais à vous écrire avant que votre héritage ne vole en éclats, ce qui ne saurait tarder. Et dans l’attente de ce moment de libération, je vous prie de croire à mes salutations respectueuses.
 
 
Jacques Cotta
Le 20 septembre 2016
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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