Les survivants disent qu’ils ont vu subitement des scènes de guerre.
Roy, je ne l’ai pas connu personnellement mais j’en ai connu tant d’autres comme lui dans les bayous. L’or noir de la survie, pour qui doit gagner trois sous qui étaient plus que trois mais même de bons salaires n’effaçaient pas la crainte. Et si…
Aujourd’hui ils disent Gulf oil slick, marée noire de merde, marée de merde plus que noire. La BP, la bipi, le fric sent le pétrole et le drame gronde. Et en musique de fond pendant que j’écris le journaliste parle de la catastrophe NATURELLE et j’enrage d’un cran en plus.
En cajun ils disent la chevrette, les bateaux tournent sans cesse sur la mer, suivis d’un vol d’oiseaux très agités pour récupérer les rejets. Les rois de la crevette pleurent partout sur les bayous. Pas besoin d’écouter les bulletins d’information pour savoir la vérité. La mer, les marécages, le moindre trou d’eau, ils en connaissent les secrets les plus incroyables. J’adore écouter le peuple parlant de son travail : des sommes de connaissances illisibles.
Sur le journal Times Picayune Bob Marshall a tant à faire qu’il ne peut s’arrêter à un pêcheur de crabes.
Le Golfe du Mexique danse sur toutes ses rives aux sons du paradis. En Louisiane c’est le fait dodo rythmé par l’accordéon fou. Aujourd’hui la chanson va se faire plus mélancolique, aujourd’hui le blues va effacer le jazz, aujourd’hui la bipi est devenue Satan.
Achafalaya si le pétrole vient jusqu’à toi, après Katarina tu ne te relèveras pas. Une société s’enfonce, j’entends mille douleurs. Personne n’est là très révolutionnaire, presque personne ne veut y voir au-delà d’une party de bière, pourtant ce puits inépuisable, ces milliards envolés, ce drame c’est pas matière à penser, matière à révision d’habitudes trop établies ?
Les téléphones ont chauffé, les experts les plus experts sont à pied d’œuvre, et déjà un réalisateur de film pense à un scénario génial.
Jusqu’à quand ce monde va-t-il oublier celui qui travaille ? Ou penser à lui seulement pour l’exploiter ? Je me souviens d’une terre promise, j’ai cherché son nom un bon moment, Carolyn Kemp pense qu’elle n’est pas sur notre planète. Pourtant elle s’appelait Caraïbe…
28-04-2010 Jean-Paul Damaggio