D’Italie j’ai ramené seulement trois livres dont un qui est la traduction du dernier roman en espagnol de Luis Sepúlveda. D’une part le livre était dans toute les vitrines, et présent y compris dans les stations des autoroutes, et d’autre part j’avais gardé en tête, au cour d’un précédent retour d’Italie, l’incroyable article de Luis dans il Manifesto. Je me souviens parfaitement de la date, le 24 avril 1997, car suite à cette lecture j’ai écrit une modeste brochure intitulée : Nestor Cerpa.
Sepúlveda est très connu en Italie et par cette retrouvaille j’ai eu envie de savoir s’il avait une opinion sur les futures élections présidentielles chiliennes. Je me suis plongé dans ses derniers articles du Monde Diplomatique version chilienne mais j’ai eu finalement la réponse dans son propre blog personnel. Bien sûr, aucun risque qu’il fasse les éloges du Berlusconi chilien, Sebastian Pinera, donné largement en tête dans les sondages (36 à 40% au premier tour), ou les éloges de Eduardo Frei, le candidat de ce qu’on appelle La Concertation soit l’alliance entre le PS et la démocratie chrétienne au gouvernement du pays depuis 1988 soit à la fin de la domination de Pinochet (qui conserva assez de pouvoir cependant pour ne pas être jugé).
Ma curiosité tient au fait que la gauche se trouve présente avec deux candidats issus du PS et qui ont refusé cette fois de cautionner La Concertation : Jorge Arrate et Marco Enriquez Ominami (M.E.O.). Toute la question est de savoir si l’un des deux peut être au second tour, en devançant Frei, pour y affronter la droite.
J’ai lu un entretien sans complaisance avec Jorge Arrate, celui qui représente la gauche classique allant de l’héritage communiste à celui du socialisme authentique. Il fut ministre d’Allende puis a eu un parcours dans les institutions de l’après Pinochet. Il considère tous les autres candidats comme des libéraux, lui seul étant socialiste. Et s’il a quitté le PS c’est parce qu’en 20 ans de pouvoir les inégalités ont empiré. Il veut donc reprendre les espérances de 1988 pour les réaliser.Marco Enriquez Ominami appartient à un autre courant, plus écolo, plus sociétal et de ce fait peut-être plus présent dans les médias. Son grand-père Rafael Agustin Gumucio fonda la démocratie Chrétienne, son père biologique, Miguel Enriquez, fut dirigeant du MIR et assassiné en 1973 si bien qu’il ne l’a jamais connu, Carlos Ominami étant celui qui l’a élevé avec sa mère. Doté de 15 à 20% quand Jorge Arraye en reste en moyenne aux 3%, les sondages le donnent comme le seul gagnant possible face à la droite s’il arrive à être au second tour (Eduardo Frei étant incapable d’unir l’électorat nécessaire pour arriver à 50%).
Donc, dans ce contexte que pense Luis Sepúlveda ?Il était présent le 13 septembre, au cinéma Arte Alameda, à la présentation de la candidature de M.E.O. où le slogan était « se siente, se siente, Marco Presidente ». Lui qui avait dit, sans doute après trop de déceptions, qu’il ne voulait plus avoir à faire avec la politique, a été heureux de participer à ce bel événement. « Les gens étaient bons et sympathiques. Et ceux qui croient que c’est peu en politique, se trompent. Il est difficile de rencontrer un tel groupe de gens. Je m’étais habitué à voir une foule de personnes habituées à jouer des coudes pour quelques menus espaces de pouvoir. Là les choses sont différentes, on y respire un air plus propre. » Le côté écolo l’a t-il emporté chez Luis, sur le côté communiste ? Depuis, la campagne est lancée et je ne sais si l’état d’esprit de Luis a évolué. Il est certain que dans tous les cas cette première élection après la mort de Pinochet va changer le paysage politique mais il est trop tôt pour savoir vraiment qui va imposer sa nouvelle marque sur le pays.
6-11-2009 Jean-Paul Damaggio