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Macron, l’anti De Gaulle

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Lundi 06/03/2017 • 0 commentaires  • Lu 1672 fois • Version imprimable


Comme chacun sait De Gaulle a conçu la Ve République comme une machine de guerre contre le radicalisme, ce ventre mou de la France, en obligeant à un face à face droite/gauche. Le centre ainsi marginalisé, les extrêmes le seraient tout autant. De Gaulle a poussé le pays vers un bipartisme gouvernemental, obligeant les deux camps, droite et gauche, a mettre en place des stratégies d’union.
La dernière phase de cette histoire s’est déroulée en 1981 avec la victoire de Mitterrand (je n’ai pas écrit, la gauche). En effet, trois ans après, deux mouvements politiques nouveaux sont venus lézarder, à l’occasion des Européennes, le bel édifice. De Gaulle n’aurait pas été surpris que ce soit par l’Europe que la nation française soit mise à genoux !
Donc l’apparition du FN et des Verts désireux d’échapper tous deux au clivage droite/gauche, et bénéficiant des déceptions causées par Mitterrand, va bousculer définitivement l’ordre établi.
Cependant très vite, les Verts vont entrer dans le rang à partir de 1997, à savoir le rang de la gauche contre la promesse jamais tenue d’une dose de proportionnelle. Tout le monde l’a compris, la proportionnelle a été revendiquée par tous ceux qui refusaient le bipolarisation.
Or en 1986 la proportionnelle révèle aux communistes qui se pensaient sous-représentés, qu’elle les sous représente encore plus ! Pourquoi ? Car traduire de manière mathématique les résultats d’un premier tour en nombre d’élus n’est rien d’autre que de l’abstraction vu que, la proportionnelle est à un seul tour!
Dans une élection à deux tours, au premier on choisit et au deuxième on élimine.
Dans une élection à un tour, dès le départ on élimine !
Depuis la proportionnelle révèle que dans le contexte des évolutions politiques elle peut rendre un pays ingouvernable pour les uns comme pour les autres. Le cas récent de l’Espagne est significatif : faute de majorité il a fallu revoter et Podemos, malgré une union avec d’autres partis, a payé la note du vote utile !
La présidentielle de 2002, dans le nouveau contexte que Jospin avait cru dessiner à sa gloire (les législatives placées à la remorque de la présidentielle), va enfoncer un clou de plus dans l’effondrement de la Ve République avec la victoire la plus massive d’un candidat… dont tous les sondages avaient annoncé la défaite. Oui mais, Chirac face à Le Pen c’était la victoire assurée.
Depuis 2012, comme pendant chaque gestion socialiste, la montée électorale du FN (en voix mais peu en élus sauf pour les Régionales) a fait en sorte que la présidentielle se réduise à un seul tour, le premier. Et pire encore, des millions de gens se sont précipités aux primaires de la droite pour choisir celui qui manifestement allait devenir président. Le sort d’une élection échappait ainsi aux vestiges des partis politiques, et à la réalité du suffrage universel au nom d’un suffrage censitaire !

Personne ne pouvait penser que la Ve République était déjà morte… sauf Macron !

La différence entre Bayrou et Macron est nette : Bayrou, dans le prolongement du score de Lecanuet en 1965 a tenté de jouer la carte centriste face au système gaulliste ; Macron n’est non seulement ni de droite ni de gauche pas davantage du centre. Il est d’un ailleurs totalement inquiétant, pas seulement par l’aventure qu’il incarne, mais aussi par la déconstruction du pays qu’il opère.

Tout comme François Mitterrand a installé plus ou moins directement le FN dans le paysage politique, François Hollande a installé plus ou moins directement En Marche ! , une marche en dehors des chemins.

Dans ce paysage, le plus déphasé s’appelle François Fillon qui croit qu’il peut encore user des mœurs de la Ve République pour sortir de l’ornière. Dans ce cas, il ne lui restait plus qu’un modèle à mettre en œuvre, jouer au Général qui en 68 est allé à Baden-Baden puis est revenu pour appeler à une manifestation et à la volonté du suffrage. Après la tragédie, la comédie !

Sous le coup d’une convocation chez les juges, il disparaît une matinée entière, il fait attendre 30 minutes les caméras et il lance la contre-offensive ! Pour le plus grand bonheur de deux candidats en tête ! Fillon n’est pas le Général dont cependant la contre-attaque n’a été victorieuse qu’un an, lâché qu’il a été par les siens dès 1969. Or la Ve République n’est plus la Ve République.

Pour contrer cette dérive à quoi peut bien servir l’histoire des gauches ? D’une part cette dérive n’est pas propre à la France et d’autre part les gauches sont partout essoufflées ! Benoît Hamon peut se donner des airs de jeune premier, lui qui comme Ségolène Royal en 2007, est incapable d’unir sa famille politique, il peut prétendre à la fois assumer l’héritage et le contester, il peut pour la première fois mettre les Verts à genoux dès la présidentielle en échange de postes aux législatives demain, et aux sénatoriales après demain, se souvient-il que sous Sarkozy le PS a pu prendre la présidence du Sénat et que sous Hollande il l’a perdue ? Il peut dénoncer le danger FN que son gouvernement a fait grandir si vite, il n’arrivera pas à une cohérence politique adaptée aux besoins de démocratie sociale qui existent aujourd’hui (mais rendus invisibles par les forces dominantes). Oui, l’avenir ordinaire du pays va donc se jouer entre des opposants à la République actuelle. Pour les combattre, il va falloir être ingénieux. Que peut-on proposer ?

1 ) Un retour aux partis politiques comme lieu de formation, de décision, de proposition et non plus comme machine à fabriquer des élus.

2 ) Quels statuts pourraient avoir de tels partis pour assumer leurs nouvelles fonctions ? D’abord, à titre d’exemple, effacer le principe des primaires pour laisser aux seuls membres le droit de désigner ses candidats.

3 ) Inscrire dans les statuts en question le retour vers les comités de base de 50% du financement public des partis politiques.

4 ) Après avoir rappelé le vieux principes que l’organisation décide de tout, se donner une stratégie globale construite plus à partir de la créativité citoyenne qu’à partir de la parole d’experts plus ou moins sous influence.

5 ) Un tel parti serait contraint d’afficher sur ses sites internet tous les éléments des décisions politiques de ses élus.

N’ayant aucune prétention à résoudre seul la crise politique et sociale actuelle (je note que les deux premiers points font le succès du FN), et encore moins à donner en quelques lignes les pistes à suivre, je souhaite seulement alerter sur les enjeux spécifiques de l’heure. J-P Damaggio


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