A l’heure où l’armée israélienne ne connaît plus de limite dans l’agression de la bande de Gaza, allant jusqu’à bombarder à deux reprises dans la même journée l’hôpital de la ville, laissant sur place un champ de ruines et un cortége de malades déambulant dans les décombres, à l’heure où la presse[1] et l’ONU sont la cible de l’aviation israélienne, de ses bombes au phosphore, à l’heure où le nombre de tués palestiniens en deux semaines dépasse le millier, dont des centaines de femmes et d’enfants, où des milliers d’autres se retrouvent à tout jamais marqués dans leur tête et dans leur chair, un texte que la gauche française a signé prend un relief tout particulier[2].
Ainsi assiste-t-on à un consensus général lamentable derrière une débauche de bons sentiments, d’une morale sans retenue.
Il est question du refus ici de toute « instrumentalisation communautaire » du conflit israélo palestinien qui n’est « ni religieux, ni ethnique, mais bien politique et territorial ». Il est question du « sort insupportable fait au peuple palestinien » depuis des décennies. Puis de glissement de « bon sens » en glissement de « bon sens », le terrain de la politique est abandonné, celui des responsabilités, de la guerre coloniale engagée par l’état d’Israel, et donc rien n’est dit sur les seuls remèdes possibles pour mettre fin au conflit. A défaut, la « gauche française » se retrouve unie pour mettre sur le même plan au niveau international des réalités qui n’ont rien à y faire, et pour renvoyer dos à dos au niveau national défenseurs des agresseurs et défenseurs des agressés rebaptisés « communautés ».
Il ne s’agit évidemment pas d’expliquer ici qu’il existe des morts civils légitimes. Que les armes des uns dirigées contre les populations civiles sont un bienfait alors qu’il faudrait condamner celles des autres. Nous avons, à de nombreuses reprises, caractérisé le Hamas comme un courant politique réactionnaire, étranger aux intérêts du peuple palestinien. Nous n’en sommes que plus à l’aise pour refuser toute mise sur un plan d’égalité entre l’agresseur et l’agressé, qui n’est pas le Hamas, contrairement au discours officiel, mais le peuple palestinien lui-même qui paye durement le poids des armes israéliennes.
Alors, que signifie dans le contexte actuel, dans la débauche militaire de l’état d’Israel, la mise sur le même plan des roquettes artisanales du Hamas et des bombes au phosphore d’Israel, des quelques milliers d’islamistes armés et de la cinquième armée du monde, des 900 civils palestiniens morts dans les deux dernières semaines sous les bombes israéliennes et des 34 israéliens morts dans les cinq dernières années sous les roquettes du Hamas ? Sinon couvrir les exactions israéliennes tout en regrettant les dégâts collatéraux… Ou plus exactement, au nom du droit à se défendre, légitimer la fantastique agression que subit le peuple palestinien dans la bande de Gaza ?
Il s’agit selon ce texte de la gauche française –du PS, du PCF, du Parti de Gauche, des Verts, mais aussi de la CFDT, de la CGT, de la FSU, et de quelques autres[3] de mettre en garde contre ce que les médias en mal de sensation ne cessent de nommer « la transposition en France du conflit qui se déroule à l’étranger[4] ». La morale prend alors toute la place laissée vacante par la politique. Les signataires condamnent « les autorités politiques françaises qui s'en remettent aux instances religieuses pour prévenir la violence » avant de dénoncer « l'organisation d'une manifestation communautaire de soutien à l'un des deux protagonistes du conflit » qui renforcerait « le risque que l'expression des indignations et des solidarités mette face à face des communautés dont les membres seraient collectivement assimilés à l'un des deux camps ». Et ils nous indiquent « qu'aucun individu ne peut être étiqueté, stigmatisé ou agressé en raison de ses origines ou de sa foi, et que les manifestations d'intolérance, de racisme et d'antisémitisme, loin de servir les causes que leurs auteurs disent soutenir, les salissent et mettent en danger la vie démocratique ».
Mais que valent ces mises en garde dans les faits ? Comment peuvent-ils une seconde croire peser un tant soit peu sur la situation internationale et convaincre de leurs bons sentiments au niveau national en se contentant de renvoyer dos à dos agresseurs et agressés. Peut-on concevoir ici et là-bas une réponse autre que politique répondant à l’urgence et au droit des peuples à vivre et disposer d’eux-mêmes ?
Au point de départ, il faut caractériser la situation sans excès, mais sans concession. Ce qui se déroule sous nos yeux est le propre d’une guerre coloniale engagée par l’état israélien, aidé conjoncturellement par les provocations du Hamas qui tombent à pic.
Tous ceux qui se réclament de la légalité internationale et de deux États, comme le PS, le PCF, le PG et les autres signataires, devraient être cohérents avec leur propre point de vue. Il n’y a pas de solution négociée sans réunir les conditions suivantes :
- Retrait d’Israël de TOUS les territoires occupés (y compris Jérusalem Est) et retour de l’État hébreu dans les frontières de 1948;
- Évacuation de TOUTES les colonies
- Droit au retour pour les Palestiniens.
Tous les discours sur la paix, les mises en garde, les cessez-le-feu, toute mise sur un pied d’égalité entre les roquettes des uns et les bombardiers des autres, tous les bons sentiments qui évitent ces simples questions sont à la fois preuve d’impuissance et expression d’un pacifisme bêlant qui réduit à un niveau identique colonisateurs et colonisés, agresseurs et agressés.
Mais Où est donc passé l’internationalisme fondateur des partis ouvriers et démocratiques….
[1] Deux journalistes de l’agence Reuters se trouvaient jeudi soir dans un état grave après le bombardement de leur local, clairement identifié au sein de Gaza.
[2] Voir ce texte notamment à l’adresse suivante : http://www.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=368:refusons-toute-instrumentalisation-communautaire&catid=58:actualites&Itemid=116
[3] La liste est longue. Tous ou presque se retrouvent sur ce texte. ACLEFEU, ALEFPA, Association des Libres Penseurs de France, Association du Manifeste des libertés, Cercle Gaston-Crémieux, CFDT, CGT, Collectif Avenir laïque, FSU, Ligue des droits de l'Homme, Ligue de l'Enseignement, Mouvement de la Paix, Parti communiste français, Parti de gauche, Parti socialiste, Solidarité Laïque, Unef, Union rationaliste, Union syndicale solidaires, Les Verts.
[4] Il s’agit d’inscription sur des synagogues, ou de bousculades d’une collégienne à Villiers-le-Bel.
Je viens de lire le communiqué et ne peux que manifester mon écoeurement. La « gauche » nous mène à la catastrophe :
1- par un soutien même si masqué et indirect à l’état sioniste qui emploie le dernier chic de la technique militaire contre tout un peuple.
2- Par la liquidation, par cette même « gauche », de tous les acquis du mouvement ouvrier : à la suppression matérielle (services publics, retraites, sécu etc..) succède fort logiquement le passage à la trappe des acquis théoriques, ici, la lutte contre le colonialisme particulier qu’est le sionisme, hier, « la personne humaine » etc..
3- J’ai été frappé lors des manifestations par la présence, pour la première fois, de forts bataillons de jeunes issus de l’immigration. Faut-il préciser qu’ils semblaient loin d’être tous au service de courants islamiques ? La « gauche » veut-elle tracer une frontière faite du sang des gazaouis entre ces jeunes qui s’éveillent à la politique et le mouvement ouvrier ?
Faut-il, tel un religieux, chevroter des cantiques à la « laïcité » ou agir concrètement pour que cesse cette guerre ignoble ?