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Mélenchon aime citer Jaurès

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Jeudi 09/05/2013 • 12 commentaires  • Lu 3372 fois • Version imprimable


Jaurès a été transformé en mythe avec comme conséquence son utilisation la plus farfelue de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. En 1935 c’est une tendance d’extrême-droite du PS (qui avec Déat va se convertir en parti) qui se réclamait de Jaurès, ce que le FN s’est empressé de copier à un moment et par une affiche.

Aujourd’hui Mélenchon et le Parti de Gauche aiment parsemer leurs discours et leurs textes de citations de Jaurès[i]. C’est ainsi que Mélenchon a terminé son intervention du 5 mai 2013 par ce socialiste célèbre Ceci m’incite à écrire cet article qui ne va pas me faire des amis car, quand on a la chance d’avoir un tribun qui relance l’espoir démocratique, il vaut mieux l’encenser. Je me contente d’avancer quelques faits donc merci de juger les faits et non d’inventer des intentions…

Mélenchon et le culte du chef

Depuis que Mélenchon a quitté le PS, au fil des années il devient le chef autoproclamé du Front de gauche car il sait mieux que quiconque comment conduire la transformation sociale. L’élection présidentielle en lui apportant presque 12% quand les législatives qui suivirent donnèrent seulement 7% au Front de Gauche tend à lui donner raison.

Il sait à la fois ce qu’il est bon de récupérer chez tel ou tel penseur et ce qu’il est bon de faire savoir de sa propre pensée. Il a donc une double stratégie avouée : une stratégie de communication et une stratégie politique. Il pense se servi des médias pour les retourner contre eux-mêmes[ii], et là il faudrait lui laisser carte blanche. Il est capable d’unir une force nouvelle et là c’est à cette force à s’organiser. La décision d’une manifestation le 5 mai est typique de ce phénomène : il a décidé seul… et un mouvement s’est mis en place avec la présence d’Eva Joly, même si les reproches qu’elle fait au gouvernement (le maintien du nucléaire) ne sont pas ceux du PCF. Lui seul pouvait lancer cet appel et susciter cette union.

Jaurès n’a été qu’un membre du PS parmi d’autres, et d’ailleurs, à l’unification socialiste de 1905 ses thèses n’étaient même pas majoritaires ! Il savait à la fois s’incliner devant la discipline de parti, et exposer ses idées personnelles. Comme Mélenchon, il avait une claire conscience de l’importance des médias… d’où la création dès 1904 d’un quotidien, l’Humanité, qui fut un des outils majeurs de l’unification socialiste de 1905. Ce qui ne l’empêchait pas de continuer à écrire dans La Dépêche du Midi[iii] dont le radicalisme était ancien et bien connu. L’assassinat de Jaurès en a fait une figure, mais une figure déformée. Il n’a jamais été un chef car il se contentait de mettre en mots l’histoire en marche, quand Mélenchon croit que les mots peuvent faire marcher l’histoire ! Ce renversement tient peut-être au renversement de l’histoire imposé depuis un siècle par le capitalisme ?

Je me réjouis que sa stratégie de communication fasse exploser l’audimat mais Georges Marchais faisait de même avec le résultat que l’on sait. Je me réjouis de ses appels à la lutte mais sans oublier que nous sommes dans un contexte de recul caractérisé de la démocratie sociale, et je ne n’attends pas d’’un homme qu’il puisse inverser la tendance. D’où les appels de Mélenchon : « agissez là où vous êtes » mais comment ? dans quel parti ? pour quelle revendication précise ?

 
Mélenchon au-dessus des partis

Mélenchon a-t-il une seule fois rappelé qu’il est le co-président du parti de gauche ?[iv] En créant ce parti, il a suscité quelques enthousiasmes qui furent souvent déçus quand il s’est avéré que dans ce parti un cercle étroit de dirigeants tient en main tous les lieux de pouvoir. Le centralisme du PCF était autrefois bien minime par rapport à celui du PG. Un centralisme du PG qui pouvait s’expliquer au lancement du parti, mais qui est devenu un carcan. Au Parti de Gauche, toute la cotisation va à Paris qui reverse ensuite à la base et dans quelles conditions ? Les comités locaux n’ont aucune autonomie.

Ce parti qui prône la révolution citoyenne pourrait l’installer dans sa propre organisation.

Mais tout ceci reste secondaire par rapport à l’essentiel : comment déterminer l’orientation politique ? Peut-être que l’organisation en tendance pratiquée au PS a vacciné Mélenchon et ses amis de cette forme de vie d’un parti, mais comment exprimer les divergences ?

Plusieurs dirigeants de haut rang ont quitté la maison pour des désaccords divers.

Avec Jaurès la situation est exactement inverse. Si l’unification a pu se faire en 1905 c’est grâce au respect mutuel des divers courants (et il n’en manquait pas !), tout ne se réduisant pas à l’affrontement au sommet en Jaurès et Guesde. Le courant socialiste est né d’un double héritage : la vision internationale et centrale du socialisme et la dispersion locale du radicalisme.

Mais le renversement de l’histoire imposé depuis un siècle par le capitalisme rend la comparaison futile ?

 
Mélenchon et l’ancrage politique

Vu sa géographie natale, Jaurès aurait dû tenter d’être candidat député dans le secteur de Castres-Mazamet, mais la bataille étant perdue d’avance, il alla dans une autre partie du Tarn, à Carmaux où ceci étant la bataille n’était pas gagnée d’avance. Il lui arriva de gagner et de perdre sans jamais s’éloigner de sa circonscription qui était son point de repère pour comprendre l’évolution sociale dans une circonscription paysanne et ouvrière, qu’il ne cessa de parcourir en tout sens.

Dans le nouveau contexte capitaliste l’ancrage est sans doute devenu un archaïsme car le Mélenchon du PG a commencé par être élu européen du Grand Sud-Ouest, puis a tenté en vain d’être un candidat tête de liste aux régionales d’Ile-de-France, et après la présidentielle, au dernier moment, nous le découvrons candidat député dans le Pas de Calais. Où, demain, l’actualité va-t-elle le transporter ? Tête de liste Front de Gauche aux municipales parisiennes ?

 
Mélenchon et l’analyse du capitalisme actuel

Venons-en à l’analyse que Mélenchon fait du capitalisme actuel, analyse qui peut seule, suivant le principe de base du marxisme, déterminer la stratégie à suivre.

Mélenchon, après avoir espéré pendant des décennies que le PS reconnaîtrait ses qualités, a finalement quitté ce parti pour lui prouver qu’il était capable de lui faire mordre la poussière. Dès le départ son objectif a été clair : permettre au Front de Gauche de passer devant le PS.

Le calcul était simpliste : sa tendance quittant le PS ce parti allait être affaibli et inversement, en s’unissant au PCF, le Front de gauche allait s’envoler.

Jaurès ne s’est jamais soucié de faire passer le PS nouveau, devant le parti radical, mais il a fait en sorte que, petit à petit, les revendications qui lui tenaient à cœur entrent dans la vie, à savoir, la journée de 8 heures, l’impôt sur le revenu, les retraites ouvrières. De ce fait, il a été considéré par des courants de son parti, comme un homme de centre gauche. Il se trouve que de 1880 à 1906 l’avancée de la démocratie sociale a été importante sur bien des points, donnant ainsi raison à cette stratégie. Une avancée qui correspondait à une avancée du syndicalisme dont Jaurès respectait l’autonomie, chacun ayant à assumer ses propres responsabilités là où il est. Une avancée qui était aussi une avancée de la tendance de gauche du radicalisme. En 1906 après la loi de séparation des églises et de l’Etat et les troubles du début 1906, le succès de la gauche fut net ! Sauf que les événements, à partir de 1906, allait changer la donne. Par crainte du socialisme conquérant, le radicalisme, même dans sa version de gauche, a commencé à faire de la révolution sociale son adversaire majeur. Jaurès a bien sûr tenu compte du contexte d’où son engagement corps et âme dans le pacifisme car il avait compris que la guerre était la solution toute désignée pour en finir avec « les acquis sociaux ».

Mélenchon peut dire qu’il mesure la transformation du capitalisme avec sa proposition de révolution verte complétant celle de révolution citoyenne. Il fait comme s’il avait inventé le combat citoyen cher à Jean-Pierre Chevènement et son Mouvement des Citoyens, ou l’éco-socialisme qu’on trouve depuis longtemps chez divers penseurs authentiques[v]. Son expression « coup de balai » qui renvoie à son titre de livre « Qu’ils s’en aillent tous ! » devrait l’engager à réfléchir au cas de Beppe Grillo dont la formule a fait le succès dans un contexte différent. J’ai justement commencé à douter du niveau d’analyse de Mélenchon quand j’ai lu son compte-rendu du voyage en Italie, juste avant les élections, où il a réussi à présenter l’ensemble des forces politiques, sans un mot pour le phénomène Beppe Grillo. Qu’il se soit enflammé pour l’alliance de gauche qu’il présentait comme un enfant du Front de Gauche français et qui allait passer allègrement la barre des 5% est une myopie classique chez ceux qui veulent gonfler l’enthousiasme des militants (l’échec étant considérable les faux-espoirs ont leur retour de bâton !), mais ne rien dire de Beppe Grillo c’était un manque d’analyse global.

Comme Mélenchon, je suis aussi un passionné d’Amérique latine et sur ce point, j’ai constaté cent fois qu’il connaît de la réalité que ce qui l’arrange. Je prétends que s’il avait analysé la réalité du capitalisme actuel, il aurait évité le nom de Parti de Gauche, « gauche » n’ayant plus de sens ; le mot de droite non plus par voie de conséquence (les deux termes se définissant l’un, l’autre). En conséquence en mai 2012, il appelle à voter Hollande sans condition, en mai 2013 il tape sur le gouvernement Hollande et en avril 2014 comment faire pour sauver la mairie PS de Paris ? Une cohérence est possible en la matière : laisser au second tour les électeurs libres de leur décision.

 
Mélenchon et la Sixième République

Il suffit qu’un président Front de Gauche soit élu (Mélenchon), il convoque une assemblée constituante et le peuple prend le pouvoir. En 1981 déjà Marchais était persuadé d’arriver au premier tour avant Mitterrand. En 2012 Mélenchon a pensé la même chose et il pense que ça sera le cas aux Européennes de 2014. Un avenir enthousiasmant ? Il s’agit d’un modèle directement importé du Venezuela qui fait l’impasse totale sur la différence de contexte. J’avoue moi-même qu’il est plus glorieux de prétendre tout changer plutôt que de demander la simple abolition du Sénat ou la fin de l’élection présidentielle du président au suffrage universel (Mélenchon est tellement favorable à ce principe qu’il pense au référendum révocatoire pour permettre au peuple de changer de monarque !). En fait, la revendication de Sixième République a l’avantage d’être un fourre-tout qui ne peut unifier que les illusions.

Mélenchon en appelle aux vieux réflexes de la gauche traditionnelle et c’est mobilisateur comme en 69 certains pensaient que 68 allait se répéter. Avoir l’œil dans le rétroviseur pour inventer le monde d’aujourd’hui, oui, mais pas pour la nostalgie. Prenons une question classique qui est celle de la proportionnelle. Elle donne le pouvoir au peuple ? Non, elle donne le pouvoir aux combines de couloir et donc aux minorités ! Avec l’élection à deux tours, c’est le peuple qui signifie quelles alliances de gouvernement il souhaite. Au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. Avec la proportionnelle il n’y a qu’un tour et tout de suite… on élimine. Le PCF a fait l’expérience de la proportionnelle en 1986 et n’en a tiré aucun bénéfice contrairement à ses espoirs ! L’élection européenne a été à la proportionnelle sur liste nationale sans changer le paysage politique. Modifier le mode de scrutin pour le rendre plus juste avec une dose de proportionnelle, oui, mais en admettant deux choses : il faut à la fois une représentation politique le plus juste possible … pour aboutir à une gestion politique. Bien sûr on pourrait espérer que le Front de gauche soit une minorité de blocage imposant à Hollande une autre politique, mais cette minorité pourrait tout autant être celle de l’extrême-droite. Ceux qui trouvent injuste le fait qu’une fois le vote émis, on ne peut plus rien faire, oublient ou font semblant d’oublier qu’entre deux élections la bataille sociale continue.

 
Conclusion

Nous avons beaucoup à apprendre des combats de Jaurès, de sa méthode, de sa fermeté, de sa clarté mais pas à des fins utilitaires. Et j’ose espérer que Mélenchon lui-même a beaucoup à apprendre des uns et des autres et autant de ses laudateurs que de ses critiques. La révolution qu’il appelle de ses vœux ne sortira pas de sa tête, mais d’un mouvement social avec lequel nous devons chercher à construire notre propre conscience pour avancer pas à pas dans la lutte des classes. JP Damaggio

 


[i] L’hebdo du PG porte cette citation : « Le socialisme proclame que la République politique doit aboutir à la République sociale.» Jean Jaurès

[ii] Il a confirmé ce point de vue à la dernière rencontre du groupe qui dirige le Front de Gauche comme sur son blog : "Les gens de médias n'imaginent même pas qu'on puisse les manipuler à leur tour et se servir de leurs plus bas réflexes pour faire avancer nos machines de guerre contre le système !",

[iii] Les Editions La Brochure viennent de confronter des articles de Jaurès en 1906 dans les deux quotidiens.

[iv] Place du blog du PG est en France en avril 2013 : 7019 ; celui de Mélenchon : 4565 (une baisse par rapport à la même date en 2012 : 3840). A titre de comparaison voici celui du PCF : 34 178.

A titre d’indication voici sur le plan internationale le classement de celui de Mélenchon : 142 773et celui de Beppe Grillo (qui n’est qu’en italien langue moins forte que le français) : 7 433. Données obtenues avec: http://urlespion.co/

[v] Voyages et aventures en écologie, de Catherine Claude, Editions sociales, 1977, en donne un aperçu.


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Commentaires

et edouard vaillant? par berthierch le Jeudi 09/05/2013 à 21:47

ne nous laissons pas manipuler!
le personnage clé du mouvement socialiste en france est edouard vaillant, communard, laique dans les faits, representant de Marx aux derniers congres de la 1ere internationale, ingenieur et medecin, organisateur des congres des partis ouvriers depuis le congres de marseille, aboutissant plus tard.à la fondation de la SFIO.la presse a prefere mettre en scene une opposition entre jaures le democrate et guesde le sectaire.
jaures lui meme dit de vaillant qu'il est l'authentique representant du socialisme scientifique en france.
depute, il propose les lois sociales de la 3eme republique. a la seconde internationale il lutte contre le chauvinisme des socialistes anglais et allemand.
septique sur la capacité du parti socialiste à affronter la repression, il prone la construction d'un appareil clandestin en son sein , "derriere" la façade des sections combattant sur le terrain electoral.


Re: et edouard vaillant? par createur site internet marseille le Vendredi 30/08/2013 à 14:44

Il faut faire attention de ne pas se laisser faire manipuler, je te rejoins.
Salem


Re: et edouard vaillant? par berthierch le Vendredi 30/08/2013 à 17:32

Un mot sur edouard vaillant ( suite) et un plus long sur JLM, puisque c'est ce qui passionne le lecteur.
Edouard Vaillant a defendu jusqu'à l'assassinat de Jaures dans l'internationale socialiste une action unie par dessus les frontieres de la classe ouvriere. mais representant de la sfio à la seconde internationale, depuis plusieurs années, il voyait clairement que les representants ouvriers anglais et allemands avaient emboité le pas a leurs bourgeoisies coloniales et à leur concurrence industrielle ( voir aussi les ecrits de rosa luxembourg).
Vaillant a basculé publiquement à l'assassinat de Jaures : il n'y avait d'autre voie que de gagner la guerre.
ensuite, et jusquà sa mort l'année suivante, il disparait de la vie politique.
Pour la suite se reporter au dernier numero de l'OURS sur la guerre de 14 et les socialistes. On y trouvera du mauvais et du moins mauvais.
En ce qui concerne JLM, il est trop tot pour faire oeuvre d'historien: l'homme a encore beaucoup à faire, defaire et prouver. On en est tous là! Sa longue lettre sur ses entretiens avec Humala président du Perou est tres interessante. Le PG est dans une situation...compliquée face à une direction du PC qui ne rompra pas avec les appats dont dispose le PS et feu l'internationale socialiste qui vient de s'autodissoudre. Mais il est des PéGistes, notamment en region parisienne qui eux, ont choisi d'accompagner le PS sous couvert de suivre Laurent....On les voit clairement defendre Paris Metropole et le coup d'etat de hollande sur ce theme. Il y a aussi les economistes distingués unitaires pour trois et qui ne parlent que de l'euro et pas de l'economie des familles.
Et force de constater que de syriza à die Linke la vraie rupture avec les PS et leur programme commun UEiste n'est pas évidente ni facile. Et quel critique de Melenchon ose ecrire qu'il faut chasser le gouvernement hollande-Ayrault dont le programme est celui de l'UE? Comment et sur quels mots d'ordre?


Mélanchon et la pensée de Jaurès par Pereira Nunes le Vendredi 10/05/2013 à 23:23

A défaut d’encenser le « tribun qui relance l’espoir démocratique » on se contentera d’y porter une critique nécessaire et aussi dépassionnée que possible, évitant les affirmations subliminales et les procès d’intention déguisées en questions, révélatrices d’ignorances par paresse ou par mépris, feintées ou non assumées. Un commentaire du présent, pour celui qui n’est pas au plus près des décisions et des évènements, qui n’est pas sur le terrain de l’action et qui se croit trouver aux Olympes de la réflexion, le séant vissé sur une chaise derrière son écran d’ordinateur, en s’exprimant celui-là porte une responsabilité bien plus haute que l’objet de ses considérations, celui qui arpente le pays, subit le feu nourri des plateaux des médias, et se donne en pâture aux commentateurs de toutes les audaces. Vous me direz qu’il l’a bien cherché ce que j’admets volontiers, on ne va pas pleurer sur son sort. Non plus ce n’est  pas ce qu’il nous demande.

Force est de constater qu’en dissertant sur M Mélanchon, on peut se montrer avare dans la contenance  intellectuelle, et prodigue par ailleurs.

 D’entrée de jeu pour le commentateur du jour il est question, non d’une certaine mégalomanie très courante dans beaucoup d’hommes politiques, ou une tendance autoritaire due à un tempérament impulsif d’un natif du sud, ou d’un romantisme plus ou moins suranné, ou tout autre commentaire d’entrée cherchant au plus proche de la personne. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question ! Il s’agit, ni plus ni moins que, de « Mélenchon et le culte du chef » expression on ne peut moins ambiguë pour situer le personnage! La comparaison ne porterait plus sur une Marine Le Pen dans la course au politiquement correct mais carrément par rapport à son papa chéri, à supposer que la fifille soit plus tendre que l’ancêtre !

La critique pourrait aller crescendo mais non ! Dès le départ le ton est là. C’est la charge de la cavalerie à la Ney dans le Waterloo qui suit, un verbiage plutôt récurrent. Bref, à l’ouest pas vraiment de rien très nouveau. On aurait envie de dire « Au suivant ! » mais non, ce serait trop simplifier même si dans le fond on aurait envie de s’arrêter là.

 

« Au sein du Front de Gauche, les décisions et les propositions sont avancées tantôt par l’un, tantôt par l’autre. J’ai mis sur la table la proposition du 5 mai, […] c’est notre manière de régler de façon pragmatique la double obligation dans laquelle  nous sommes de jouer en collectif et de veiller à ce que nos partis ne cessent pas d’exister » (Mélanchon, interviewé par Politis, n°1251, du 2 au 8 mai 2013). Le commentateur affirme «  il a décidé seul… », mais n’apporte aucune preuve à l’appui  de cette affirmation ni référence valable ne suit. 

« Agissez là ou vous êtes ! » dixit Mélanchon. C’est du langage courant ! Il est connu que l’action politique passe par les formes habituelles du citoyen engagé, dans son pays, son département, sa commune. Ceux de gauche pencheront pour le PCP, PG, NPA,  etc, comme on fait depuis toujours pour ceux qui en on plus ou moins l’habitude de vivre la politique. L’Expression mentionnée paraît compréhensible, sauf peut-être pour ceux qui n’ont pas la moindre idée de ce que peut être qu’un combat politique.

Tous ne connaissent pas la structure du PG pour contrer telle ou telle affirmation concernant son mode de fonctionnement, cheminement des cotisations etc. Notre commentateur semble particulièrement au courant de ces faits. Ces paroles  ne tarderont pas à interroger quant au poids de son argumentation. « Plusieurs dirigeants de haut rang ont quitté la maison pour des désaccords divers ». Point de noms, aucun désaccord précis n’est mentionné. Peu importe ! Le lecteur devra s’en contenter. Désolé, le compte n’y est pas.Pour convaincre il faudrait mettre un peu plus sous la dent.

« Mélanchon,[…] où l’actualité va-t-elle le transporter ? » A cela Mélanchon a une réponse qui  cloue le bec à tout le monde : « En France partout je suis chez moi ». Tous les hommes politiques de tous bords font cela depuis longtemps avec des résultats très souvent positifs. Contrairement à l’idée du parachutage, les gens sont rarement mécontents de voir un ténor de la politique s’intéresser à leur chez eux plutôt qu’un illustre inconnu sans pignon sur roue. Mélanchon va où sa l’arrange, même si j’en conviens, parfois il y laisse des plumes. Mais si on savait on serait les dieux…de l’Olympe, et pas de pauvres candidats aux élections d’ici bas.

Il est vrai que JLM aime et puise dans sa force dans Jaurès. Si la droite elle-même nous a donné un Président de la République qui a pu s’en inspirer, à plus de raison notre Mélanchon à la cravate rouge pourra le faire. Où est le problème ?. Tel que Jaurès je le verrais bien penser « Nous disons que dans un parti vraiment et résolument socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaire ». Et  J Julliard d’ajouter, « Cette dialectique harmonieuse et balancée a pour objectif premier de présenter un corps de doctrine dans lequel le parti tout entier puisse se reconnaître.  Elle est évidemment mieux adaptée à l’exercice de l’opposition qu’à celui du pouvoir ». Nous sommes bien loin d’une xénophobie à la Beppe Grillo. Le « Qu’ils s’en aient tous » grillesque s’adresse surtout d’abord aux pauvres gens qui débarquent exsangues sur les plages de l’Adriatique abordant  l’UE truffée d’ex-colonisateurs, négriers assassins et voleurs de tout acabit, dont la descendance regarde ailleurs à leur passage, tout en pleurnichant « les temps sont durs et nous ne pouvons par porter toute la misère du monde. »

Idéologiquement Grillo n’est pas loin des Le Pen. Peut-être JLM ayant déjà assez de problèmes avec ces derniers ne juge pas utile de s’exprimer publiquement sur le démagogue transalpin grisonnant dans sa chevelure,  noir dans ces idées.

Quant à l’expression « Coup de balai », elle tient beaucoup de la verve de Frédéric Lordon dont je ne saurai que trop recommander l’article intitulé  « Le balai comme la moindre des choses » paru dans « Les blogs du Monde Diplomatique » le 12 avril 2013.

Finalement notre commentateur nous apprend qu’en France le mot gauche n’a plus de sens comme d’autres nous diraient qu’il n’y a plus que du fromage pasteurisé. C’est ainsi. Nous voilà face à une question qui a fait et fera couler bien de l’encre, qui mérite son attention et qui écarte tout propos de café du commerce pour peu que l’on veuille l’aborder, au minimum, de bonne foi. Que la gauche soit malade voire très malade voire à l’agonie, - il vaudrait mieux pas pour notre bien à tous - c’est chose qui ne se discute même pas.  Que le Parti Socialiste jadis un peu plus à gauche soit devenu une sorte de droite complexée par opposition à l’UMP qui incarnerait, elle, la droite décomplexée on peut le comprendre voir l’admettre. Pour autant doit-on prétendre que parler d’une gauche en France n’ait plus de sens ? A-t-on autre chose à vendre au peuple qui mérite d’enterrer cette notion tout de suite ?

A moins d’avoir renié ou seulement jamais avoir partagé ses valeurs, peut-on donner dans la provocation au point de nier le sens des idées de gauche ainsi qu’un espoir, bien érodé j’en conviens, de quelques millions de français ?  La question ne serait-elle bien moins une affaire de sens que d’hommes à la hauteur de la mission qui leur revient ? Face au perfectionnement des techniques de communication et la demande de participation d’un nombre croissant de citoyens la pression pour une démocratie permanente devient chaque jour plus forte. Voilà le défi à relever. C’est une course de vitesse engagée dans la plupart des sociétés. Alors, pour si imparfaits qu’ils soient à nos yeux, pourquoi s’offusquer d’un Parti de Gauche et un Front de Gauche pour la France  ?

 

 

 


Lien croisé par Anonyme le Mardi 21/05/2013 à 05:16

Le tribun Mélenchon cite Jaurès mais n'en a pas l'esprit rassembleur - Michel So : "Mélenchon aime citer Jaurès "


par charnay le Dimanche 26/05/2013 à 19:33

J'avoue ne pas comprendre très bien le sens de ce billet. Postuler que Mélenchon n'est animé que par une ambition personnelle (et revancharde contre le PS) me semble un peu court (c'est un euphémisme), assez mesquin, et finalement pas très constructif dans la mesure ou le FG (avec ses défauts) est la seule force réellement de gauche à disposer d'un programme cohérent. 

La seule critique valable dans cet article (sans doute écrit un peu vite) concerne la démocratie interne au sein du PG. Il faudrait disposier d'éléments objectifs pour juger. A-t-on jamais vu un parti dont le fonctionnement soit démocratique ? La démocratie (à définir un peu plus précisément quand même) est-elle compatible avec la forme "parti" ? 
Ce sont des questions autrement plus intéressantes me semble-t-il. 

La déploration (toujours radicale) de la marche du monde, et de l'insuffisance de la gauche (hors PS qui n'a quand même plus grand chose à voir avec la gauche) peut trop vite devenir un fond de commerce. A trop s'écouter parler (ce qui est parfois un peu le défaut de la Sociale), on oublie d'écouter les autres, d'aller au contact d'idées éventuellement nouvelles, et on prend le risque de ressasser.

La politique comporte une dimension pragmatique et porter une critique constructive serait sans doute plus utile que de jeter des anathèmes.

La division interne est quand même la malédiction de la gauche radicale. Dans les années 50, les néolibéraux connaissaient des courants forts et antagonistes, ils sont néanmoins parvenus à s'entendre sur une doctrine et surtout un programme de prise du pouvoir (cf les travaux de Keith Dixon sur le sujet). Ils ont surmonté des divisions idéologiques et des querelles de personne. Faire triompher la cause passait avant les divisions. On oublie souvent que l'avènenement des néolibéraux a été précédé par un travail idéologique considérable, mené par des "Croisés" de la cause libérale qui ne pensait même pas être encore vivant pour voir triompher leurs idées... 

Que peut espérer la (vraie) gauche si elle ne fait pas le même travai ? 

Le manifeste sur l'éco-socialisme contient des idées réellement nouvelles comme la gauche n'en a pas vues depuis fort longtemps. 

(je précise que je n'appartiens pas au PG...) 


par comparateur livret le Jeudi 08/05/2014 à 20:06

Je comprends bien cet article cela dit ce genre d'avis n'est pas forcément partagé par tout le monde sinon il ne serait pas là encore aujourd'hui. Chapeau tout de même pour cet article très bien écrit et concis.
Mireille


Lien croisé par Anonyme le Samedi 10/05/2014 à 06:14

Le blog des Editions la Brochure : "Mélenchon cite Jaurès"


Lien croisé par Anonyme le Dimanche 20/12/2015 à 18:25

jaures - Le blog des Editions la Brochure : "Le discours de Hollande   J'avais évoqué l'utilisation que Mélenchon fait de Jaurès donc il fallait bien que je fasse pareil pour Hollande :Mélenchon cite Jaurès "


Lien croisé par Anonyme le Mardi 11/01/2022 à 12:05

Michel Sorin - Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républ : " aime bien Mélenchon, ce qui ne l’a pas empêché d’effectuer une analyse critique de ses déclarations. Voir, sur le blog « La Sociale Â» : Mélenchon aime citer Jaurès (9 mai 2013).   "


par Afraa le Vendredi 29/03/2024 à 01:10

La comparaison avec Jaurès met en lumière des enjeux contemporains. Un appel à l'apprentissage mutuel entre la tradition et la modernité politique.

 



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