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Najat avait vu juste !

Par Jean-Louis Ernis • Actualités • Mercredi 15/02/2017 • 0 commentaires  • Lu 1622 fois • Version imprimable


Au lendemain du vote final de l’Assemblée Nationale sur la loi dite « mariage pour tous », la ministre Najat Vallaud-Belkacem se félicitait publiquement de cette loi. Face à la contestation de rue qui avait vu le jour, elle déclarait : celles et ceux qui contestent cette loi pourront toujours s’exprimer à l’occasion des futures consultations électorales. Reconnaissons à la ministre cet éclair de lucidité !

Après la promulgation de cette loi (17 mai 2013) les élections qui ont suivi ont toutes été perdues par la majorité gouvernementale : Municipales, mars 2014 - Européennes, mai 2014 - Départementales, mars 2015 - Régionales, décembre 2015. Et pour couronner le tout, fin 2016, le Président sortant dut déclarer forfait pour l’échéance de 2017, sentant l’humiliation assurée.

Bien évidemment, cette succession d’échecs n’est pas seulement due à cette loi, mais elle y a grandement participé. Dans quelques décennies, voire quelques années, il est fort probable que les historiens considéreront que les quinquennats de Sarkozy 2007/2012 et de Hollande 2012/2017 ont miné les fondamentaux de notre République.

Une réflexion vous est présentée analysant des faits politiques majeurs de ces dix dernières années.

Incontestablement, le 21 avril 2002 est une date centrale de la politique française dont nous vivons, encore aujourd’hui, les effets. Sortant d’un mandat de cinq ans à Matignon, Lionel Jospin n’accède pas au second tour de la présidentielle. Jean-Marie Le Pen le devance de 194.600 voix. Beaucoup reprochent à Jean-Pierre Chevènement (1.518.528 voix) et à Christiane Taubira (660.447 voix) d’avoir savonné la planche au Premier ministre sortant.

Il faut se remettre dans le contexte et se rappeler le clash apparu en 2000 entre Chevènement et Jospin sur le statut particulier de la Corse. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur, démissionne le 29 août 2000. A cette époque, Lionel Jospin est plus sensible aux thèses européistes de Dominique Voynet qu’aux valeurs d’indivisibilité de la République de Jean-Pierre Chevènement. La candidature de l’élu de Belfort à la Présidentielle n’a donc rien de politicien, mais au contraire est très politique. Le dossier de l’Europe est clairement posé, et ce n’est que le début du feuilleton. A cette époque, à Matignon, Manuel Valls est le monsieur communication de Jospin. Ceci explique peut-être cela ?

Au lendemain de l’épisode du 21 avril, le Parti Socialiste sort très affaibli de cet échec, mais la victoire de Chirac ne règle pas le problème de fond de la droite. La question posée est celle de savoir comment arrêter l’hémorragie de voix, qui en quelques années sont passées de la droite dite républicaine à l’extrême droite, Le Pen ayant capitalisé sur son nom le 21 avril 4.804.713 voix au premier tour contre 5.665.855 à Chirac. Cette donnée est toujours d’actualité.

En 2002, à l’UMP, on savait que Chirac assurait son dernier mandat et qu’en conséquence, la succession devait se préparer. Dans le gouvernement Raffarin, Nicolas Sarkozy ambitionnait Matignon, il dut se contenter de la Place Beauvau. Très vite, il affirme son ambition et développe une politique d’exclusion et de stigmatisation des étrangers, entretenant sciemment la confusion entre étrangers et personnes de couleur espérant ainsi mordre sur l’électorat du Front National.

Il conduit des opérations de communication abjectes. En 2005, au cours de ses nombreuses visites de terrain, il fait quelques déclarations populistes (version négative du terme) « Vous en avez assez de cette bande de racailles », « je vais vous nettoyer çà au karcher... »

Cette politique produit les effets escomptés par Sarkozy, il a séduit la « beaufferie ». Au premier tour de la présidentielle de 2007, Jean-Marie Le Pen perd 970.183 voix par rapport à 2002 et passe de 16,88 % en 2002 à 10,44 % en 2007. Pendant ce temps, les européistes poussent leurs feux. Le Traité Constitutionnel est sur les rails. Au grand dam de la classe politique dominante, Chirac décide de le soumettre aux français par référendum. Le résultat est sans appel, les français rejettent le TCE à 54,87 %.

En l’état, le traité ne peut être appliqué, d’autant qu’aux Pays-Bas, les hollandais le rejettent à 61 %. Les fédéralistes européens n’ayant pas l’intention de renoncer à leur dogme, un autre traité honteusement appelé « simplifié » est rédigé. Giscard d’Estaing, l’un des pères du TCE, considère que le traité simplifié qui prendra le nom de Traité de Lisbonne est la copie conforme du TCE ! Il est adopté par le Congrès réuni à Versailles en février 2008, la droite votant pour et le Parti Socialiste s’abstenant honteusement !

Face à ce viol démocratique, le Président Sarkozy met en place un stratagème. Il attire l’opinion publique vers d’autres sujets (l’identité nationale – le refus des étrangers – une politique sécuritaire) Il organise des conférences sur l’identité nationale dans les Préfectures etc. etc. Il espère ainsi faire oublier la perte de souveraineté de l’État français. N’oublions pas qu’il a mis en place un Ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale. Dans cette période, cette création n’est pas sans arrière-pensée d’autant que les Ministres qui coiffent ces Ministères ont une réputation bien affirmée à l’égard desdits étrangers. Des statistiques d’expulsions sont régulièrement médiatisées. Pendant cinq ans, les françaises et les français sont chauffés à blanc par des discours empreints de xénophobie (discours de Dakar, juillet 2007 - discours de Grenoble, juillet 2010 - discours de Toulon, décembre 2011 ) Des propos ignobles sont tenus sur les roms.

Pendant ce temps, le chômage s’accroît, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté progresse, les déficits de l’État augmentent etc.. etc. Au bout des cinq ans, la société française n’en peut plus. Et nous assistons à un paradoxe. Le peuple français n’a qu’une envie, expulser cet imposteur, mais dans le même temps se trouve imprégné du discours de rejet des autres. Pour être plus précis, le racisme gagne du terrain dans l’opinion publique.

La Présidentielle de 2012 donne à la population l’occasion d’expulser de l’Elysée cet homme en état de surexcitation permanente. Contrairement à ce que pensent les socialistes, le 6 mai 2012 ce n’est pas François Hollande qui est choisi, c’est Nicolas Sarkozy qui est rejeté. Excepté la tendance à la surexcitation dont Hollande n’est pas atteint, le nouveau Président a une pratique de la gouvernance proche de son prédécesseur. Un député socialiste d’Ile de France a récemment révélé que François Hollande pratiquait avec délectation la politique du leurre.

Dès après le 6 mai 2012, le peuple français va vite s’en rendre compte. Le premier leurre, et pas le moindre, sera celui du meeting du Bourget, avec la fameuse tirade : « mon ennemi n’a pas de visage, il ne se présentera pas, c’est la finance ». Le deuxième sera l’engagement d’exiger des partenaires européens une renégociation du Traité budgétaire. De ces deux promesses, il n’en sera rien. Au contraire, dès son installation à l’Elysée, Hollande se précipite à Berlin pour rencontrer la Chancelière. Acte politique responsable et indispensable pour les uns, acte de soumission à l’Europe allemande pour les autres.

La deuxième visite à l’étranger sera pour Athènes. Il rencontre le Premier ministre grec pour lui indiquer que la politique européenne de la France n’a pas changé avec son arrivée à l’Elysée. Les exigences de la Troïka en direction du peuple héllène sont toujours approuvées par le gouvernement français.

Le discours du Bourget et la promesse de renégociation du Traité budgétaire n’étaient bien qu’un leurre dans les propos du candidat Hollande. Au cours des premiers mois du quinquennat, la commission européenne exerce un vrai chantage au gouvernement français « Prenez d’urgence les dispositions pour respecter les critères de convergences européens, mais nous pouvons faire preuve de patience si vous organisez au plus vite des réformes de structures ». Plus attentif aux dogmes européistes qu’aux revendications ouvrières, Hollande obtempère. Il s’engage dans des réformes libérales privilégiant la politique de l’offre à celle de la demande.

Ainsi apparaît l’Accord National Interprofessionnel du 19 juin 2013 signé par des syndicats dociles, qui sous la double pression patronale et gouvernementale flexibilise encore l’organisation du travail. Puis, le rapport Gallois de novembre 2012 engendre le pacte de responsabilité, le CICE et plus tard les lois Macron et El Khomri.

Conscient que cela va créer des remous au sein de sa majorité et plus largement révulser ledit peuple de gauche, il va organiser une diversion, un autre leurre. Il a le choix entre deux leurres :

1 – le vote des étrangers

2 – le mariage pour personnes de même sexe

Il sait que le premier va mobiliser les citoyens et son opposition parlementaire. Mais ce sujet nécessitant une réforme constitutionnelle, il n’est pas sûr de recueillir les trois cinquièmes du congrès. Il risque l’échec. L’organisation d’un référendum n’est pas davantage un gage de réussite. Il opte donc pour une loi dite du « mariage pour tous ». Ainsi, il va occuper ses ouailles, les parlementaires socialistes et leurs compagnons de route et réjouir les Verts et quelques autres.

Le nouveau leurre du Président est d’une efficacité redoutable. L’opposition, de droite et d’extrême droite mord à l’hameçon. Le peuple n’est pas indifférent à ce projet, de profonds remous apparaissent et secouent la France profonde. L’objet n’est pas de traiter cette loi sur le fond, beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites, il s’agit uniquement de relever l’impact de cette loi sur le champ politique. Il y a des sujets qu’il faut manier avec prudence surtout lorsqu’il s’agit de préserver les grands équilibres de la société. Accorder des droits supplémentaires aux couples homosexuels était possible avec le PACS (fiscaux, sociaux, successoraux …) mais y intégrer le mariage induit la famille avec la généralisation de la PMA et l’introduction de la GPA.

Nous reprendrons une formule qui n’est pas de nous, mais que nous faisons nôtre « Le jour où une milliardaire qui par amour d’une femme pauvre d’un bidonville acceptera de porter son enfant, nous pourrons voir les choses autrement ». Depuis, l’affairisme innove. Récemment, un laboratoire d’un pays nordique propose, via Internet, des paillettes de semences humaines. Le site propose plusieurs profils de donneurs. Le mode d’emploi est livré avec le précieux contenu ! C’est un formidable cadeau de Noël, de fête des Mères ou de saint Valentin !!!

On peut toujours tourner le problème dans tous les sens, les sentiments ne se discutent pas, l’intime reste l’intime, mais physiologiquement un homme est un homme et une femme reste une femme et le dénommé Dieu n’a rien à voir là-dedans. Au cours des années 80, de savants esprits expliquaient que prochainement les hommes enfanteraient. Quarante ans après, cette « belle » promesse n’est toujours pas réalisée ! Si au plan, de la recherche il s’agirait d’un exploit, il en serait tout autre au plan anthropologique. Voici quelques années, un professeur en biologie rappelait que le rôle du chercheur est de chercher pour trouver, celui de la société étant d’accepter ou de refuser l’application de la découverte.

Quand on avance de nouvelles idées , il ne suffit pas d’écouter ses désirs, voire ses fantasmes, il faut aussi mesurer les effets sur l’équilibre de la société. Homophobes clamaient certains, tous des cathos scandaient d’autres, refusant de comprendre que dans ces temps mouvementés, il y a des cathos dirigés par les intégristes calés dans leurs « valeurs ! » de la femme au foyer, de la remise en cause de l’IVG, de la criminalisation de l’homosexualité et ceux que seul « le mariage pour tous »  dérange. Mais la boule parlementaire était lancée. Certains initiateurs se sont vite rendu compte qu’elle allait faire des dégâts. Le Président de la République tenta « d’adoucir » les choses en indiquant aux maires réunis en congrès qu’ils pourraient utiliser la clause de conscience. Il était trop tard, le mal était fait.

Dans un régime démocratique comme le nôtre, la société est composée de strates. La première, de loin la plus importante, qualifiée de gouvernante, a donné le droit de vote aux femmes, a légalisé la contraception et l’interruption volontaire de grossesse , a aboli la peine de mort, a décriminalisé l’homosexualité … Les autres se trouvent aux extrémités. Celle qui nous intéresse aujourd’hui se situe dans la réaction et l’intégrisme religieux.

Depuis juin 1984, c’est à dire depuis plus de 30 ans, faute de prise sur la société , l’intégrisme religieux était resté dans sa tanière. L’idéal et la responsabilité auraient été de l’y laisser. Pouvait-il espérer qu’un gouvernement socialiste lui déroulerait un tel tapis bleu étoilé ? Les organisations les plus réac., les plus intégristes reprirent espoir et ressortirent leur vieux et poussiéreux programme, fermeture des plannings familiaux, rejet de l’IVG, rejet de la contraception, criminalisation de l’homosexualité etc. Les partis institutionnels de droite trouvèrent là une aubaine pour reprendre le devant de la scène sachant qu’ils mobiliseraient au-delà de leurs frontières politiques habituelles.

Le pouvoir exécutif et législatif persistant dans sa volonté de promulguer cette loi du mariage pour tous, les associations intégristes montrèrent leur détermination. Il y eut même une lutte interne au camp intégriste et c’est la frange la plus extrême qui « emporta le morceau ». La droite institutionnelle fut débordée. Mais après le vote de la loi, les associations qui avaient réussi à mobiliser plusieurs milliers de personnes, y compris dans la rue, décidèrent de transmuter leur force sociétale en force politique. Le choix du meilleur candidat, porteur de leurs idées à la Présidentielle de 2017, devenait crucial.

Il fallait choisir entre Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, François Fillon. Les élections régionales de décembre 2015 avaient montré qu’il ne suffit pas de faire un très bon score au premier tour pour vaincre au deuxième. Marine Le Pen se voyait déjà éliminée. L’excité Nicolas Sarkozy et l’incertitude judiciaire qui l’entoure entre autres en fit un candidat peu fiable. François Fillon s’étant déclaré à la primaire de droite depuis longtemps, les intégristes religieux revigorés décidèrent d’en faire leur leader, d’autant que l’ancien sénateur de la Sarthe avait à son palmarès des gages d’intégrisme religieux non négligeables. En 1981, alors tout jeune député, il avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité.

Adepte de la culture du secret (cela se vérifiera avec l’affaire dite Pénélopegate) le grand public ignorait l’attachement au catholicisme de l’ancien Premier ministre. Seuls les initiés dont la hiérarchie de la curie romaine et ses officines savaient que le moment venu ils pourraient compter sur lui. Ainsi, pendant que les médias, benêts en la circonstance, imaginaient une finale pour la primaire de droite Juppé/Sarkozy, les réseaux cathos préparaient leur affaire. Comme pour crédibiliser sa  religieusité, alors qu’après sa victoire à la primaire on lui reprochait de vouloir casser la sécurité sociale, le 4 janvier sur TF1, il exprimait son appartenance au gaullisme et au christianisme. Ostensiblement, il persistait lors de sa visite à La Réunion le 12 février en assistant à la messe.

Comment ne pas faire de lien entre la résurgence de l’intégrisme religieux, la victoire inattendue de Fillon à la primaire de droite et le mariage pour tous ? Ainsi, nul doute que Sarkozy et Hollande auront déstabilisé les grands équilibres sociétaux de notre République. Notons cependant une différence d’attitude entre les deux hommes. L’un, Sarkozy, a sciemment inoculé le sérum du rejet de l’étranger, tandis que Hollande n’aura utilisé le mariage pour tous que pour faire diversion. Mais à l’arrivée, le résultat est le même.

Les thèses racistes gagnent du terrain et le catholicisme politique n’a plus aucun complexe. C’est un cocktail extrêmement dangereux pour notre République laïque et sociale. Alors oui, Najat avait vu juste, mais avait-elle imaginé la suite après le vote de sa loi ?

 


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