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Poutine, Sarkozy et la gauche

Par Denis Collin • Internationale • Mardi 04/12/2007 • 0 commentaires  • Lu 1533 fois • Version imprimable


« L’opposition de gauche en France a sévèrement critiqué mardi les félicitations adressées par le président Nicolas Sarkozy à son homologue russe Vladimir Poutine après les élections législatives en Russie, dénonçant le "cynisme" et l’"obscénité" de la diplomatie française. » (la presse)

 

« L’opposition de gauche en France a sévèrement critiqué mardi les félicitations adressées par le président Nicolas Sarkozy à son homologue russe Vladimir Poutine après les élections législatives en Russie, dénonçant le "cynisme" et l’"obscénité" de la diplomatie française. » (la presse)

Il y a beaucoup à critiquer dans la politique extérieure du président français. Par exemple son ralliement à l’atlantisme pur et dur, sa volonté de réintégrer la France dans le commandement intégré de l’OTAN pour n’en citer que quelques-unes. Mais les dirigeants du PS se gardent bien de l’attaquer sur ce sujet ... pour l’excellente raison qu’ils sont d’accord avec lui. Il est vrai que l’intégration complète de l’Europe au dispositif de l’OTAN fait partie du traité dit « simplifié » que les socialistes approuvent.

Selon une bonne vieille technique éprouvée, il s’agit maintenant de camoufler la convergence réelle entre la droite et le PS derrière une polémique stupide. Les félicitations de Sarkozy après le succès de « Russie unie » en fournissent opportunément l’occasion. Il est tout à fait incompréhensible, d’un point de vue rationnel, qu’on aille chercher des noises au président de la république française pour des félicitations qui font partie du protocole normal gouvernant les relations entre États souverains. Et c’est d’autant plus incompréhensible que, globalement, Poutine a gagné ces élections « à la régulière » et qu’il a sûrement moins triché que Bush en 2000 ! Les observateurs et les sondages indépendants s’accordent pour dire que les élections n’ont pas été véritablement truquées et que les irrégularités réelles et dénoncées à juste titre par l’opposition ne modifient pas la donne. La grande majorité des citoyens russes approuve Poutine ; la chose est peut-être déplaisante mais c’est un fait. Au demeurant nos démocrates incorruptibles n’ont rien trouvé à redire, la semaine précédente, au voyage d’affaires de Nicolas Sarkozy dans « l’Empire du Milieu » qui n’est pourtant guère réputé pour sa démocratie pluraliste. Et que l’on sache aucun des chefs du PS n’a proposé de boycotter les JO qui se tiennent l’an prochain à Pékin et constituent une formidable opération de propagande pour un régime à parti unique, camps de travail, exécutions capitales nombreuses et syndicats à la botte de l’État. On remarquera aussi que la grande presse et les dirigeants socialistes dénoncent les conditions peu démocratiques du scrutin russe de 2007, mais quand Boris Eltsine a battu (34% contre 32,5%) le communiste Guennadi Ziouganov en 1996 grâce à un massif bourrage des urnes, personne n’a rien trouvé à redire. Ce devait être un truandage électoral « pour la bonne cause » puisqu’organisé par la mafia russe et les services occidentaux...

Donc le problème est ailleurs ! Précisons d’abord quelques points. Le régime Poutine est un régime capitaliste autoritaire, n’ayant qu’un respect très mesuré des principes démocratiques mais il est en fort nombreuse compagnie de par le monde et, la plupart du temps, cela ne gêne personne. Outre la Chine, déjà mentionnée, les monarchies pétrolières, et quelques autres moins connus, peut-on faire une différence, du point de vue du respect de la démocratie, entre un Poutine « infréquentable » et les dirigeants de l’Algérie, du Maroc ou de la Tunisie, pour parler que des pays où les éminences de droite et de gauche se précipitent à la première occasion ? Évidemment non.

Sur le plan « social », Poutine pourrait être un bon élève de classe européenne. L e capitalisme et son cortège de spéculateurs s’y développent sans entraves. Poutine a pris, au demeurant, toute une série de mesure pour précariser encore plus l’emploi. Bref, il est à l’école des Bush, Sarkozy et Merkel.

Mais Poutine a commis une faute majeure. La Russie de Eltsine était devenue une proie que les capitalistes du monde entier pouvaient dépecer en toute quiétude. Poutine a tenté de redonner consistance à l’État national russe. Il a repris le contrôle des hydrocarbures et utilisé, comme un vulgaire Chavez, la rente pétrolière comme arme politique. Alors que la plupart des grandes sociétés russes étaient au main du capital étranger, Poutine a réinjecté dans la restructuration du capitalisme russe un partie de la rente des hydrocarbures pour tenter de faire émerger un capitalisme russe. Et c’est cette politique simplement nationale qui lui vaut une popularité réelle parmi les citoyens russes de toutes conditions. D’autant que, même de façon très inégale, les Russes ressentent les retombées bénéfices des cours élevés des hydrocarbures.

Les États-Unis poursuivent leur politique de « roll-back » à l’égard de la Russie comme si elle était la continuatrice de l’URSS. Bush veut installer un bouclier de missiles en Pologne et en Tchéquie, des armes directement tournées vers la Russie. On sait également que l’agitation islamiste sur les marges sud de le Russie n’est pas sans rapport avec les activités des services secrets des USA qui cherchent à contrôler les approvisionnements en pétrole - une question dont on sait qu’elle devient véritablement vitale. L’encerclement de la Russie poursuivant l’encerclement de l’URSS : la permanence des grandes lignes de la politique internationale est ainsi très frappante. Comme l’est d’ailleurs, de l’autre côté la recherche d’une alliance franco-russe...

En se joignant au chœur des hypocrites qui prétendent défendre les droits de l’homme quand ils soutiennent la stratégie de Washington, les dirigeants socialistes ont ainsi montré, une nouvelle fois, qu’ils ne sont plus guère que des agents d’influence de l’oncle d’Amérique.

Denis COLLIN




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