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Premier tour des départementales ou débandade généralisée…

… malgré les propos trompeurs des chefs, des éditorialistes et des sondeurs.

Par Jacques Cotta • Actualités • Mardi 24/03/2015 • 0 commentaires  • Lu 3289 fois • Version imprimable


Le soir des élections départementales, les réactions ont été unanimes, sous couvert d’une manipulation médiatique et sondagière de haut vol. Le FN a vu « un exploit ». Le PS « un score honorable ». l’UMP un « basculement massif ». Et le Front de Gauche la construction d’une « alternative qui avance ». En réalité qu’en est-il ?

Les faits sont têtus

1/ L’abstention a touché un électeur sur deux. Les commentateurs en ont presque crié victoire. « Un sur deux, c’est moins que prévu » ont-il clamé en chœur, histoire de ne pas souligner que le premier parti de France qui semble s’incruster d’élection en élection est bien celui des abstentionnistes. Cela a indiscutablement une cause et plusieurs conséquences :

  • a/ pour la cause : les réactions sont sans ambiguïté. Les abstentionnistes considèrent en majorité qu’il ne sert à rien de se déplacer pour élire qui que ce soit car promesses et engagements ne seront pas plus suivies d’effet demain que ce qu’ils l’ont été jusque là.
  • b/ pour les effets : le score de chaque formation est donc très relatif. Au regard du corps électoral, il faut donc diviser par deux les pourcentages de chacun pour apprécier sa représentativité. Le parti socialiste au pouvoir qui fait environ 21,85% des votants ne représente donc que 10,5% des électeurs inscrits sur les listes électorales. L’UMP+UDI+UD –c'est-à-dire la droite réunie- réalise 28,75% des voix, soit 14% du corps électoral. le FN 25,19% des voix soit 12,5% des électeurs, et le Front de Gauche 9% des voix soit 4,5% du corps électoral.

D’élection en élection il apparait donc que la question de la représentativité réelle des différentes formations qui parlent au nom des citoyens est largement entamée. C’est de fait tout le système qui est atteint et la question démocratique qui se trouve posée sans que nul –au risque d’être remis en cause- n’en souligne l’existence.

2/ Au royaume des aveugles, qui fait donc figure de borgne ? Qui s’en sort mieux que les autres ? Le Front national a sans doute des raisons sérieuses d’être satisfait. Il indique une constance dans les résultats depuis les dernières élections européennes marquant un ancrage local là où ce type d’élections réserve traditionnellement une prime aux sortants. Ainsi il arrive en tête dans 43 départements. Mais pour le FN comme pour les autres, il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce n’est pas le FN qui gagne sur son programme, ses idées. Les illustres inconnus qui portent son étendard et qui raflent la mise dans les départements bénéficient du désaveu cinglant qui frappe les candidats « de gauche » comme de « droite » dont les électeurs ont fait l’expérience et dont ils ne veulent plus entendre parler.

3/ L’UMP baptisé le soir des élections « premier parti de France » par des commentateurs unanimement prompts à voir « le retour victorieux de Nicolas Sarkozy » a-t-il vraiment des raisons sérieuses de se réjouir ? Deux éléments permettent d’en douter. D’abord sur le simple résultat électoral. L’UMP perd en voix. Ramené au désaveu de la gauche et du parti socialiste au pouvoir, cette réalité mathématique est préoccupante pour le parti de la « droite » qui se veut le recours démocratique à la « gauche » pour les prochaines échéances. Ensuite sur la réalité politique. Pour ces élections, ce n’est pas l’UMP de Sarkozy qui « l’emporte », mais une alliance de droite aujourd’hui unie qui hier –comme demain sans doute- se distinguait pour les coups tordus en tout genre. Ainsi ces résultats placent en tête non l’UMP mais une coalition hétéroclite. Si les mots ont un sens, le premier parti en terme électoral n’est pas là.

4/ Pour ce qui est du parti socialiste : malgré toutes les déclarations, la défaite est cinglante. Là encore les manipulations médiatiques n’auront pu durer que l’espace d’un court instant. Pour permettre à Manuel Valls de « sauver la face » sur les plateaux de télévision quelques minutes après les premiers sondages de 20 heures, les chiffres les plus fantaisistes ont été avancés, mélangeant le score des candidats PS à ceux de ses oppositionnels de « gauche » ou « d’extrême gauche » pour atteindre un score avoisinant les 28%.  Mais la réalité est bien plus cruelle. Avec ses 21%, le parti socialiste est éliminé dés le premier tour dans prés de 500 cantons. Pour le symbole, le Nord historique est déjà perdu. L’Essonne, département fief du premier ministre Manuel Valls tenu par le frondeur Jérome Guedj –tout un programme- est sur le point de basculer. La Corrèze, ancien département du président de la république François Hollande, est en passe d’alternance. Dans nombre de départements le parti socialiste se retrouve en troisième position derrière l’UMP et le FN….

5/ Enfin pour le front de gauche une question et une seule : comme dans les élections précédentes, pourquoi est-il incapable de « récupérer » ce qui à « gauche » fait défection au parti socialiste ? Pas plus que les alliances avec « les verts » dont la politique est un joyau d’opportunisme que les appels à « sauver le parti socialiste là où il est en difficulté face à la droite ou l’extrême droite » ne semble convaincre….   

Valls ou la fin du parti socialiste

Sur la base des manipulations sondagières dés 20 heures le soir des résultats, Manuel Valls a été le premier à prendre la parole pour souligner « le score honorable » du parti socialiste. Pourquoi donc une telle interprétation dont la grossièreté ne pourrait qu’apparaitre au fil de la soirée et de l’égrenage de résultats ?

Un peu plus loin le premier ministre tirait la conséquence pour le deuxième tour. « Républicains » contre extrême droite. En un mot, tous contre le front national. Cela appelle quelques remarques et permet de faire un constat sur lequel les socialistes encore fidèles à leur idéal et surtout soucieux de leur avenir ferait bien de se pencher.

Pour les remarques d’abord :
  • a/ La bataille personnelle de Valls contre le front national montre une incompréhension totale –réelle ou feinte ?- de ce qui amène les électeurs à se tourner vers le parti de Marine Le Pen. En général ces électeurs ne sont ni les gros actionnaires, ni majoritairement les racistes ou antisémites, mais ce sont d’abord les « laissés pour compte » de la politique menée aujourd’hui par le parti socialiste, hier par l’UMP. Ils sont les chômeurs, les ouvriers, les employés, les mal-considérés, les mal payés, les mal logés, les mal soignés, les mal nourris, les….
  • b/ Si le clivage réel dans le pays est celui qui oppose républicains et anti républicains, le premier ministre qui est au pouvoir ne devrait-il pas en tirer les conséquences ? Ainsi, Si le front national est anti républicain, alors il faut au nom de la république l’interdire. Sinon, tout cela n’est que rhétorique pour cacher l’essentiel… La base de Marine Le Pen appelle légitimement une autre politique sur les questions de fond.
  • c/ La République, ce sont des valeurs. Il est vrai que la politique prônée par le FN s’en éloigne. Mais le parti de Marine Le Pen est-il seul concerné par cette problématique ? La remise en cause des droits fondamentaux qui concernent l’égalité, la laïcité, le bien commun, les grands acquis obtenus de longues luttes tels l’éducation nationale, la sécurité sociale, le droit à la santé, les services publics, les monopoles publics, les retraites, la mise à mal au nom de la dette et des déficits des grandes mesures issues par exemples du CNR lorsque la France était à genoux et les caisses vides, les lois Macron, l’ANI, la négation de notre souveraineté en 2005, mais aussi au quotidien avec les diktats de l’UE, de la BCE et de toutes les instances supranationales qui s’imposent contre la volonté des peuples dont le peuple français, cela est-il vraiment républicain ?
  • d/ La réforme territoriale portée par le premier ministre qui donne lieu à un nouveau redécoupage politique et électoral et qui remet en cause un des fondements de la république, les départements et les communes, est-ce vraiment républicain ?
Pour le constat ensuite :            

Dés les résultats connus, François Hollande comme Manuel Valls ont indiqué qu’il était exclu de changer de politique. Autisme, obstination aveugle ? Au nom de leur politique qui réalise en fait ce qu’avant eux Nicolas Sarkozy et sa majorité avaient été incapables de mettre en œuvre, au nom de la République toujours, mise à toutes les sauces, ils ont donné la consigne à venir qui dépasse de très loin la seule question électorale mais concentre la perspective politique qu’ils tracent, la fin du parti socialiste et l’enfermement dans une situation à l’américaine où il n’y aurait plus que Parti républicain d’un côté, parti démocrate de l’autre, les deux ne différant qu’à la marge mais ayant une politique revendiquée pratiquement identique sur l’essentiel. Manuel Valls a indiqué qu’en cas de risque de Front National, il fallait voter UMP, au nom de la république toujours. Mais ce faisant :

  • a/ Il légitime la rhétorique frontiste qui évoque l’UMPS.
  • b/ Il avoue la proximité des politiques du PS et de l’UMP.
  • c/ Il offre une posture d’opposition responsable à Nicolas Sarkozy qui en toute logique prône le Ni-Ni assez cohérent si on considère qu’il existe en effet un vrai clivage entre PS et UMP.

Enfin et surtout il établit la ligne qui devrait conduire inexorablement à la fin du parti socialiste. Car pour les élections à venir, les régionales par exemple, la même position conduira inévitablement au retrait de listes socialistes dans des régions entières, et donc à l’élimination de fait du PS dans nombre de conseils régionaux. « Tous ensemble » comme le dit le slogan, les socialistes, partisans de Manuel Valls ou « frondeurs » se dirigent vers un abime que les plus lucides préparent, que les autres ne perçoivent même pas, ou ne veulent percevoir…

Les élections sont le reflet d’une situation sociale et politique donnée. Sur le terrain électoral s’exprime toujours des tensions, de façon déformée mais bien réelle. Sur le terrain des partis, la décomposition se poursuit inexorablement… Reste le terrain de la « lutte des classes » où elles s’expriment toujours de façon plus directe et où les propos des « chefs » ont souvent moins de poids et d’influence….

Jacques Cotta
Le 24 mars 2015
 
 

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