Régulièrement la presse nous informe d’une nouvelle catastrophe en Méditerranée. Presque chaque jour les garde-côte italiens sauvent de la noyade des centaines de malheureux, transportés sur des radeaux de fortune (encore 8000 le mois dernier). Des millions de réfugiés s’entassent dans des camps en Jordanie, au Liban et en Turquie. Comparés à cette réalité terrible, les abcès de fixation entre France (Calais, le quartier de Stalingrad à Paris et la frontière italienne) paraissent des questions faciles à résoudre. Si on ne peut pas condamner le démantèlement de la « jungle » de Calais et le transfert des migrants vers des centres d’accueil, le problème reste pourtant entier. Essayons de clarifier les questions de principe qui sont en cause.
À tous ceux qui se gobergent des « racines chrétiennes » de l’Europe, on demandera quelle idée ils se font du christianisme quand ils proposent simplement qu’on refoule les migrants « chez eux » alors que la plupart n’ont plus de « chez eux » depuis longtemps. Si un Palestinien basané nommé Jésus se présentait à la frontière, nulle doute que ces bons paroissiens le renverraient « chez lui » pour aller se faire crucifier par les Romains… Il faut donc que des mécréants comme nous rappellent à ces gens ce qu’il y a de grand dans le christianisme et quels devoirs s’imposent à quiconque se prétend chrétien.
70 % des migrants de Calais venaient du Soudan, de l’Afghanistan et de l’Érythrée. À tous, et en particuliers aux islamophiles, on fera remarquer que les islamistes sont le cause directe des guerres et des massacres qui font que des Soudanais ou des Afghans viennent en France et ailleurs dans l’espoir illusoire de trouver refuge en Grande-Bretagne. Quant à l’Érythrée, c’est un immense camp de travail, qu’on appelle parfois la Corée du Nord africaine.
Rebaptiser les Syriens « migrants économiques », c’est à l’évidence se moquer du monde. Ce pays est en proie à une guerre atroce, alimentée par les Occidentaux, les Saoudiens, les Russes, les Iraniens, les Turcs et le régime de Damas. Pris entre Daech, Bachar et les milices d’Al Qaida (celles qui, selon Fabius, faisaient du « bon boulot »), les réfugiés syriens n’ont aucun choix. On ne redira jamais assez quelle responsabilité portent dans la tragédie actuelle les gouvernements des USA, depuis la première guerre du Golfe de 1991 (à laquelle Mitterrand et Jospin donnèrent leur bénédiction) jusqu’à la deuxième guerre du Golfe de 2003 (heureusement refusée par Chirac et Villepin) détruisant l’État irakien et produisant le monstre Daech et jusqu’à la destruction de la Libye coorganisée par Obama-Clinton et Sarkozy.
Pendant que les belles âmes appellent de leurs vœux l’immigration qui serait une « chance » pour la vieille Europe, rappelons que ces « flux migratoires » sont une catastrophe d’abord et surtout pour les migrants eux-mêmes. La seule solution à terme est que ces femmes, ces enfants, ces hommes puissent vraiment retourner chez eux, c’est-à-dire que le pays redevienne vivable. Et ici la responsabilité majeure repose sur les grandes puissances, la prétendue « communauté internationale » qui se révèle une fois de plus comme un « caverne des brigands ». Ils organisent le chaos et se lavent les mains des conséquences.
Ce qui frappe d’abord, une fois qu’on balaie les mises en scène médiatiques et les manœuvres politiciennes, c’est que, somme toute, les peuples européens ne manifestent pas de véritable hostilité systématique aux migrants. Contre des manifestations de haine ici et là, manifestations souvent parfaitement compréhensibles par ailleurs, on notera beaucoup d’élans de générosité, en Italie d’abord, mais aussi en Grèce, en Allemagne – qui a tout de même accueilli un million de migrants l’an passé avec tous les problèmes que cela a posé et continue de poser – mais aussi à un degré moindre en France. Les peuples européens ne sont pas « sales blancs racistes » comme le répètent les petits bourgeois décomposés d’une certaine extrême-gauche, alliée au PIR (le « parti des indigènes de la république »).
Il est clair que la souveraineté nationale suppose que chaque nation ait le droit de décider qui elle accueille sur son territoire. Le droit cosmopolitique kantien exige seulement « l’universelle hospitalité » laquelle consiste à traiter tout homme qui se présente à la frontière comme un humain et non comme un ennemi. Sans que cette hospitalité soit un droit pour l’immigrant.
Le droit international, tout imparfait qu’il soit, devrait permettre de traiter ces questions comme il convient. Ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugiés politiques doivent en bénéficier. Mais la jurisprudence française permet également d’autoriser à devenir résidents français des étrangers qui, sans être personnellement persécutés pour leur activité politique, peuvent craindre pour leur vie s’ils retournent dans leur pays. Tous les ministres de l’intérieur jusqu’aux années 2000 – M. Pasqua inclus – avaient donné des directives dans ce sens à l’administration. Quant à ceux qui ne peuvent satisfaire à ces critères, il est du devoir de la république de garantir leur vie en mettant sur pied des centres d’accueil, avec des logements « en dur », des sanitaires, l’intervention de médecins et la prise en charge des enfants. Les mineurs isolés doivent être mis sous la protection de DASS conformément au droit français.
Nous savons qu’il y a, comme dans toutes les migrations depuis que le monde humain existe, toutes sortes de personnages peu recommandables. Les migrants ne sont pas le nouveau prolétariat pur chargé de sauver le monde. On y trouve aussi des délinquants, des trafiquants, etc. et ceux-ci doivent évidemment être traités comme tels. Sans faiblesse. Mais qu’on ne vienne pas alléguer la crainte du terrorisme. Les terroristes des deux dernières années étaient le plus souvent de bons Français, bien de chez nous, qui n’ont nulle besoin de se mêler à cohorte des migrants pour accomplir leurs forfaits.
Il est également clair que la classe dominante – qui n’accueillera pas un seul migrant dans ses hôtels particuliers et ses villas de luxe – voit d’un bon œil ces « flux migratoires ». Le patronat allemand n’en avait pas fait mystère et le PDG d’Airbus Industrie vient de déclarer qu’il faut assouplir le code du travail pour intégrer mieux les migrants ! Dresser les ouvriers français contre plus malheureux qu’eux, c’est une bonne vieille stratégie, souvent utilisée pour remplir les poches des actionnaires.
Ce qui doit être dénoncé, c’est la politique des pouvoirs publics qui refusent de donner à ces problèmes les solutions juridiques et humanitaires qui conviennent et laissent pourrir la situation ouvrant la voie à toutes les exploitations politiciennes les plus malhonnêtes. Comme aucun État européen ne voudrait assumer le coût politique et moral d’une politique de répression tous azimuts, par exemple en renvoyant les migrants en Libye ou en les faisant périr en mer (le bombardement des bateaux de réfugiés a tout de même été envisagé), les gouvernements laissent les associations humanitaires et les hommes de volonté colmater les brèches, vider la mer avec une petite cuiller. Mais évidemment cela ne peut durer. Les meilleurs volontés s’épuisent pendant que les craintes se propagent dans la population. Tout se passe comme si les gouvernements laissaient progressivement s’instaurer le chaos, dont les plus malins pourraient tirer le plus grand profit.
Agir, c’est d’abord dénoncer les stratégies guerrières des impérialismes et de notre impérialisme à nous, entièrement intégré dans l’OTAN et incapable de rien faire qui soit utile à la paix et à la reconstruction des pays détruits. Agir, c’est aussi lutter contre les réseaux de passeurs qui dépouillent les candidats à l’émigration et constituent aujourd’hui un des « business » les plus florissants de l’internationale du crime organisé. Agir c’est aussi mettre en accusation cette « Union Européenne » qui ne fait rien mais menace l’Italie parce qu’elle dépense trop pour venir au secours des naufragés. L’ivrogne spécialiste de la fraude fiscale Juncker et ses petits marquis du genre Moscovici portent eux aussi une lourde responsabilité et c’est une vilenie de plus à porter au débit du « machin ».
Appliquer les lois de la république, appliquer le droit international auquel notre pays a souscrit et appliquer le droit naturel qui fait de chaque homme un membre de la « société du genre humain », cela ne doit pas être trop compliqué ! En tout c’est une affaire qui ne doit être laissée ni aux « no border », ni aux exploiteurs de la haine et de la xénophobie.
certes votre article et le précédent soulignent des tas de choses bien justes, mais je ne vois pas clairement la politique que vous proposez.
Imaginons que vous soyez au pouvoir, avec une majorité conséquente, qu'allez vous faire ?
Sur les orientations long terme, pas de problèmes.
Mais cela n'empêchera pas les migrants de continuer d'affluer encore pour au moins une dizaine d'année.
Alors:
allez vous dresser des barrières à l'entrée du territoire ?
(avec les morts et blessés que cela impliquera et la difficulté pratique dans l'immédiat; pas impossible progressivement à grand coup de barbelés et de vedettes côtières coulant les embarcations "illégales")
expulser tous ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile ?
(ce qui en pratique n'est guère faisable, sauf à les mettre dans des bâteaux et les couler en zone maritime internationale, ou les débarquer de force dans d'autres pays !)
créer des camps d'accueil digne de ce nom dans des endroits proche de zones de travail ?
les loger dans des HLM en expulsant les français qui y résident, en attendant de construire de nouveaux HLM en nombre suffisant ?
les laisse s'installer dans des bidonvilles de fortune, en leur assurant soins et nourriture ?
ou autre ?
bref, j'aimerai savoir ce que vous préconisez.