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Prostitutions en France

Lettre bernoise n°43

Par Gabriel Galice •  • Mercredi 29/08/2012 • 0 commentaires  • Lu 2313 fois • Version imprimable


Ma chère France,

La nouvelle ministre française (socialiste) des droits des femmes, Dame Vallaud-Belkacem, entre en fanfare dans sa fonction par une proclamation farouche visant à éradiquer la prostitution par l’érection d’un arsenal répressif.

Charitable intention. N’objectons pas que celle-là même qui fut complaisante avec le port de la burqa se montre avide de légiférer sur les conditions dans lesquelles on ôte nos sous-vêtements ; les bien-pensants de tout poil nous mettraient en charpie pour cette indécente analogie vestimentaire.

La matière mérite une réflexion approfondie évitant l’emporte-pièce. Invoquer le consensus en indiquant d’emblée une direction aussi radicale frise la précipitation. Et, en un domaine aussi anciennement embrouillé, la promptitude est mauvaise conseillère. L’Eglise, jadis, casuistiquement débattit de la conduite à tenir vis-à-vis des prostituées. Auteur de l’un des plus anciens manuels de confession, Thomas de Chobham (1160 ? - 1236 ?) écrit : « Les prostituées doivent être comptées parmi les mercenaires. Elles louent en effet leur corps et fournissent un travail. D’où ce principe de la justice séculière : elle agit mal en tant qu’elle est une prostituée, mais elle n’agit pas mal en recevant le prix de son travail, étant admis qu’elle est une prostituée. D’où le fait qu’on peut se repentir de se prostituer et garder le bénéfice de la prostitution pour en faire des aumônes. » Le pieux homme précise que la prostituée ne doit pas tirer plaisir de son travail ni, par de faux attraits, tromper le client sur la marchandises. Si elle se rend coupable de tels forfaits, « elle ne doit garder qu’une obole et rendre le reste au client, ou à l’Eglise, ou aux pauvres. » (Cité par Jacques le Goff, Pour un autre Moyen-Âge) Les souteneurs des hétaïres furent et sont légion.

Diantre ! Les Français d’aujourd’hui n’ont-ils pas d’autres urgences ? La ministérielle saillie ne vise-t-elle pas à éclipser la « rigueur de gauche » concomitamment annoncée ? La suspicion de Marie-Noëlle Lienemann va dans ce sens. La gauche « culturelle », renonçant aux ambitions de la gauche « sociale », fait la part belle au sexe, de l’homosexualité à la prostitution. M’est avis que ce recentrage bobo rejoint celui préconisé naguère par Terra Nova : abandonnons les classes populaires qui nous délaissent puisque nous les négligeons.

La traite des êtres humains mérite un combat impitoyable qui ne passe pas en première urgence par la pénalisation des prostituées ni de leurs clients. Sarkozy visait les premières, la gauche bobo y ajoute leurs chalands. Les réseaux criminels et les proxénètes devraient êtres les premières cibles. L’Etat français lui-même devrait renoncer à sa posture proxénète morbide, imposant les prostituer sans leur faciliter l’accès aux soins http://www.grotius.fr/france-lacces-aux-soins-des-prostituees/ 

D’autant que les effets pervers des prohibitions sont connus. Déplacer un problème ne le résout point. Ne prônez-vous pas hardiment la liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux ? Les Belges attendaient déjà les expatriés fiscaux français ; ils vont, pour leurs délices,  ajouter un surcroît de clientèle dans leurs maisons de plaisir. La France périphérique va s’adonner au tourisme sexuel (nous autres Suisses avons les salons de massage, sachez-le !), la France centrale se contentera d’expédients. Les concupiscents Suédois combinent les joies du sexe à celles de la navigation en eaux internationales, sur des bordels flottants. Plus dispendieux pour le menu peuple, il va sans dire. La luxure fleurit dans le luxe.

Pour autant, là n’est pas, ma chère France, l’essentiel. Le capital réside en la marchandisation du monde, en laquelle les socialistes français se vautrent depuis des lustres, jouant d’aventure les vierges effarouchées. La corruption gangrène les démocraties marchandes. Les footballeurs vendent leurs pieds (et se tapent des putes), parfois même leurs non-buts, les cyclistes (drogués) leurs jambes, les pauvres leurs organes, les intellectuels leurs idées, les chercheurs leurs travaux, les journalistes des fadaises, les politiciens leurs convictions, les gaullistes la nation, les libéraux la liberté, les socialistes la justice. Naguère, les hôtels courraient le risque de ne pas voir arriver les clients ayant effectué une réservation, désormais, ils demandent une garantie. Comme dans les maisons de passe, on paye avant. Les prostituées sont des promotrices avant-gardistes de toute cette faune vénale. On ne leur pardonne pas d’être les miroirs de nos turpitudes, les loupes de nos mercenariats, les vitrines de nos vénalités. Elles louent des parties de leur corps (comme certaines leur utérus), quand d’autres vendent effrontément l’entièreté de leur âme. Quant à moi, je ne tiens pas la prostitution pour banale, loin s’en faut. Néanmoins nos Tartuffe me truffent. La décence me dissuade de solliciter plus avant la chronique mondaine et judiciaire, qui n’épargne pas de si loin nos pudibonds socialistes, récemment parés à porter au pinacle un client patenté des péripatéticiennes, au surplus suspecté de proxénétisme. Il s’en est fallut de si peu, morbleu ! Or donc, devenus adeptes de l’économie des marchands, qu’ils nomment pudiquement « de marché », les socialistes français en exonéreraient hardiment le plus vieux commerce du monde.

L’avenante ministre des droits des femmes ne me donne pas le sentiment de pécher par naïveté. Cumulant sa charge avec celle de porte-parole du gouvernement, elle sait ce qu’elle dit, sinon de quoi elle parle. Le négoce des convictions ne m’insupporte pas moins que celui des corps.

Ton Guillaume tel que tu le perçois : dessillé.
 

Berne, le 6 août de l’an de grâce 2012, jour de la Transfiguration


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