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Quand les "campistes" perdent la boussole

Le conflit entre le sultan d'Ankara montre à nouveau que le "campisme" (idée que le monde se divise en deux camps) est une très mauvaise politique

Par Denis Collin • Internationale • Dimanche 13/10/2019 • 0 commentaires  • Lu 1885 fois • Version imprimable


 L’offensive de l’impérialisme ottoman contre les Kurdes fait à nouveau éclater la confusion qui règne dans les esprits quand tout principe moral, toute analyse politique ont été remplacés par le schéma binaire de la division du monde en camps, camps auxquels nous sommes sommés de tous bords de nous rallier. Par exemple, pour les uns, il y a le camp du bien, les USA, l’UE et leurs affidés et tous les autres font partie du camp du mal (Poutine et les Russes, la Chine, etc.) Pour les autres, le camp du bien est constitué par la Russie, le Chine et tous les ennemis d’Israël, les autres étant classés dans le camp du mal. Ainsi on voit aujourd’hui des gens soutenir de facto la Turquie contre les Kurdes au motif qu’Israël soutiendrait les Kurdes, ce qui serait le signe imparable de leur vilénie. Cette façon de voir, si bien partagée chez les « antisionistes » et autres « antiimpérialistes » patentés combine l’aveuglement sectaire et la bêtise. Il y a des gens qui ne voient que deux couleurs, le blanc et le noir et pas même le gris. Ils en font partie. Essayons de donner un aperçu de la situation concrète qui laisse peu de place au ratiocinations sectaires.

-          Avec l’aval de l’impérialisme US, le sous-impérialisme ottoman turc se lance à l’offensive des Kurdes du PKK (un parti qui se réclame d’un communisme devenu « autogestionnaire ») et de sa branche armée syrienne, le YPG. La Turquie, en dépit de quelques froncements de sourcils a visiblement pour l’instant le feu vert de Poutine. Les « amis de la Syrie » se réjouissent de cette situation qui marque la déconfiture de la coalition.

-          L’UE, dont les intérêts en Turquie sont très importants (notamment pour l’Allemagne) émet quelques protestations de principes et laisse faire Erdogan. Il est vrai que la France et la plupart des autres grandes puissances misent sur l’islamisme saoudien ou « frériste » (Erdogan et le Qatar sont les principaux soutiens de « Frères musulmans ») et dont l’ordre islamique doit régner.

-          Le PKK, en butte à la répression menée par Erdogan, a tenté de jouer sa propre carte et, en prenant une part active très importante dans la lutte contre « l’État islamique », a tenté de marquer quelques points. Mais il se trouve maintenant face à la « sainte alliance » contre-révolutionnaire qui n’a aucune envie de voir monter la revendication d’un État kurde qui emporterait une province de l’Irak, une province syrienne, une province iranienne et une province turque, mettant à bas tout le système des États au Proche-Orient, système des États qui, nonobstant les rivalités entre les uns et autres, assure l’ordre social et la discipline idéologique.

-          Dans toute cette affaire, comme dans la réalité globale mondiale, et ce en dépit des obsessions des antisionistes professionnels, Israël ne joue qu’un rôle très secondaire. Et la nette évolution à droite de l’électorat israélien a sûrement quelque chose à voir avec le sentiment de marginalisation de l’État hébreu. On agite qui le « danger sioniste », qui la « lutte contre l’antisémitisme » quand cela peut être utile, mais en vérité dans le monde des grands tout le monde s’en moque comme d’une guigne. Israël bénéficie d’ailleurs du soutien de l’Arabie Saoudite et avec le Hamas d’un côté et le Hezbollah de l’autre, le gouvernement israélien a les ennemis dont il peut rêver.

La seule boussole sérieuse est celle de la lutte des classes sociales et des intérêts de la démocratie en tant que mouvement de peuples. Aujourd’hui soutenir les Kurdes contre la Turquie, c’est soutenir la démocratie et contribuer à isoler le dictateur d’Ankara dont la situation intérieure a été sérieusement fragilisée par les dernières municipales en dépit d’une répression qui ne faiblit pas. Rappelons aussi à nos bons anti-impérialistes que la Turquie est un des piliers de l’OTAN et qu’avant de dénoncer les Kurdes ils pourraient réfléchir à deux fois à cet aspect des choses. 


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