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Regards suisses sur la burqa

Par Gabriel Galice •  • Vendredi 07/05/2010 • 1 commentaire  • Lu 1975 fois • Version imprimable


Tandis que Belges et Français prennent le taureau par les cornes en légiférant hardiment contre le port de la burqa et autres dissimulations du visage, les Suisses observent, commentent ou expérimentent cantonalement.

 

La motion du Grand Conseil argovien invoque à la fois « le droit à l’autodétermination de la femme et les droits humains correspondants », « nos traditions et valeurs » et « les contrôles de police » dans « une société moderne. »

 

Sous le titre « L’offensive contre la burqa », et le sous-titre : « Le Grand Conseil argovien veut interdire le port du voile intégral dans l’espace public suisse. Une décision applaudie par la droite et les musulmans progressistes », Le Temps du 5 mai publie un article signé de Patricia Briel. La motion a été adoptée par 89 voix contre 33. Présentée et soutenue par la droite, elle est repoussée par les socialistes et les Verts. Le Parti Démocrate Chrétien a déposé en 2006 et 2009 deux interpellations parlementaires au plan fédéral. La réponse du Conseil Fédéral, en date du 24 février, ménageait la chèvre et le choix : masquer totalement le visage constitue un obstacle à l’intégration mais le voile intégral facilite l’accès des femmes à l’espace public. Farhad Afshar, le président de la Coordination des organisations islamiques suisses, approuve cette normande position. Saïda Keller-Messahli, présidente du forum pour un islam progressiste, ne partage pas cette vision pusillanime. « C’est certes un problème marginal en Suisse, mais il faut être attentif au message que donne la burqa. Porter le voile intégral, cela signifie : je ne veux pas communiquer avec vous. » C’est un signe d’auto-exclusion. » Singulièrement, la droite tenue pour dure, l’UDC, dite « populiste », se montre plus prudente. La motion déposée le 17 mars par Oskar Freysinger (veut-il se faire pardonner l’opposition aux minarets ?) se limite à proposer un article à la loi fédérale interdisant la dissimulation du visage dans trois cas seulement : si la personne s’adresse à une autorité, dans les transports publics ou lors d’une manifestation sur le domaine public. La gauche, pour sa part, attend de voir si le phénomène prend de l’ampleur avant d’envisager de se montrer plus sévère. Curieuse façon de combattre l’incendie que d’attendre sa propagation.

 

Les arguments des musulmans partisans du voile ne brillent pas par leur universalisme ou leur cohérence. Ils invoquent le droit de la personne ou celui des communautés religieuses. Farhad Afshar : C’est aux personnes impliquées dans une religion de décider comment elles doivent se vêtir. » Faut-il organiser un référendum parmi les musulmans du monde ? de Suisse ? Le président Bourguiba avait banni le voile pour libérer la femme tunisienne. Et si des femmes chrétiennes ou agnostiques décident de porter la minijupe en Arabie Saoudite ? La mauvaise foi n’est pas loin quand les critères changent avec la latitude. Il faut choisir de prôner la liberté individuelle partout ou les mœurs collectives en tous lieux. Les arguments d’Elisabeth Badinter, sur la question du voile, ont leur poids.

 

En fin de compte, l’argument de la dignité pèse peu tandis que celui de la sécurité peut emporter l’adhésion. Deux délinquants ont braqué un bureau de poste en France sous une burqa, un avion a dû atterrir à Calcutta pace qu’une femme refusait de montrer son visage. Bref, il suffirait d’interdire dans tout l’espace public d’être masqué d’une façon ou d’une autre. Resterait le cas des personnes défigurées par une malformation, un accident, une maladie, qui souhaiteraient dissimiler leurs traits mais pourraient justifier de leur état en cas de contrôle.

 

L’être humain est un animal symbolique (Pierre Legendre) autant que politique. La politique classique ayant perdu ses lettres de noblesse, elle revient, assombrie, sous le voile de la religion. L’Etat, discrédité par les néo-libéraux, ne jouant plus son rôle de totem, l’église, la mosquée, la synagogue, prend la place laissée vacante pour organiser les sociétés humaines.

 

Certains estiment que ces questions de burqa servent à masquer la misère économique, la paupérisation du peuple, la politique régressive qui prévaut dans les démocraties de marché. Je ne pense pas qu’il faille choisir entre aliénation et exploitation. La religion est l’opium du peuple parce qu’elle est l’esprit d’un monde sans esprit, réifié, marchandisé. La religion est plus innocente que les clercs ou pseudo prophètes qui, politiquement, parlent en son nom.

 

L’islam de marché est tendance, voilé ou non. Qu’importe le flacon religieux, mental, spirituel, pourvu qu’on ait l’ivresse marchande et la fièvre consommatrice !

 


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Commentaires

par Pierre Montoya le Mardi 11/05/2010 à 16:21

                                 Enfin avec M. Galice, on sort du "socialisme de sacristie" et des "laïcités" à géométrie variables . La compassion pour ces femmes voilées l'emporte , le plus souvent , sur la raison et les principes républicains. Le lumpen fait roi faute d'en faire le peuple. Pour certains l'explication vaut excuse et tout ce qui explicable n'est pas forcément excusable.Il est bon de rappeler la position de Bourguiba, qui désignait le voile, "le misérable chiffon" et "l'épouvantable suaire". Mais il n'est plus de "combattants suprême". Il est ausii nécessaire de rappeler les positions des organisations laïques, ouvrières et marxistes des pays musulmans, ( elles y sont interdites et les militants sont pourchassés et assassinés et le voile y est porté ou obligatoire) tel le PCOI, sur la question du voile
                                    Femmes cloîtrées dehors et dedans par toutes les religions. Qu'en sera t il des femmes lorsque les religions auront atteint leur volonté dominatrices sur la société civile et qu'elle société nous reservent elles.
                                 Votre article monsieur Galice est clair et courageux. L'obscurantisme n'a jamais été précurseur de liberté de démocratie ni d'émancipation.



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