Notons en passant, qu’il est très curieux que le leader du Front de Gauche, après sa bonne campagne présidentielle, ait jugé pertinent d’affirmer que le problème était non l’UE, non la BCE, mais … Marine Le Pen ! Au point que la campagne législative du Front de gauche trouve son point culminant dans l’affrontement titanesque entre MLP et JLM. Il semble que Jean-Luc Mélenchon ait des chances sérieuses de battre la fille de Jean-Marie Le Pen, et évidemment sa victoire serait une bonne chose et permettrait sans doute que la voix du leader du Front de Gauche soit présente et se fasse entendre au Parlement. Mais ce bien relatif ne saurait dissimuler la faute politique qui consiste à prendre pour cible un adversaire de second ordre, ce qui permet au PS de poursuivre tranquillement sa politique de soumission aux disciplines de l’UE et, accessoirement, de négocier tranquillement et dans le dos de Mélenchon, des accords locaux – et plus si affinité – avec le PCF.
Car c’est bien le MES, accepté par les socialistes, sous réserves de quelques amendements homéopathiques hypothétiques, qui constitue le problème majeur. Et le MES, c’est la politique du couple infernal Merkel-Sarkozy – ou plutôt la politique de maîtresse Merkel suivie docilement par son valet Sarkozy. Et la politique du MES a deux objectifs :
1) sauver le capital financier en faisant éponger ses dettes par des ponctions massives sur les classes populaires ;
2) brise la résistance du mouvement ouvrier et syndical européen en généralisant ce que le gouvernement allemand (du plan Hartz IV de Schröder à Merkel) a déjà partiellement réussi à imposer sous le nom de « flexibilité du marché du travail », ce qui en bon français veut dire : liberté pour les patrons de licencier comme ils le veulent, réduction drastique des assurances contre le chômage et abaissement massif des salaires, dans un pays comme l’Allemagne qui ignore la notion de salaire minimum. Avec un résultat bien connu : l’Allemagne s’enrichit, mais les Allemands s’appauvrissent.
Même du point de vue des économistes officielles, la politique d’étranglement suivie à l’égard de la Grèce paraît aberrante. Le chroniqueur vedette de BFM-TV, François Lenglet le répète : les gouvernements auraient dû laisser les créanciers – les grandes banques européennes – payer les frais de leurs prêts hasardeux ; les crises du capitalisme, répète Lenglet, se règlent toujours de la même manière, par « l’euthanasie des rentiers ». Ce que ne comprend pas Lenglet, c’est que c’est le capitalisme tout entier qui est devenu un capitalisme rentier, un capitalisme prêt à détruire ses propres bases nationales, et comptant sur l’exploitation des gisements de main d’œuvre « low coast » dans les pays émergeants pour se refaire une santé. L’aveuglement des économistes s’expliquent tout simplement parce qu’ils ne comprennent pas que le capitalisme européen a d’ores et déjà signé son acte de décès. Après la Grèce, on le sait, c’est au tour de l’Espagne, de l’Italie, peut-être aussi de la France, mais aussi de la vertueuse et très protestante Hollande qui ne parvient plus à réduire sa dette publique. Les rentiers européens ne veulent rien lâcher, les patrons se gavent de super-bonus et autres « coups de chapeaux » et dans leur gloutonnerie mortifère ils entraînent tout le monde avec eux.
Ex-ministre sarkozyste et successeur de DSK, Mme Lagarde, chez qui le cynisme des grands bourgeois le dispute à la bêtise la plus crasse, demande aux Grecs de payer leurs impôts s’ils veulent sortir de la crise. Elle oublie de dire que, pour elle, le problème est facile à régler. En vertu de son statut de fonctionnaire international, elle est exonérée de l’impôt sur le revenu pour son salaire de quelques 373000 € par an… Mais surtout elle oublie de dire que les mesures imposées aux Grecs par la « troïka » ne visent que les salariés et les retraités, c’est-à-dire ceux qui paient leurs impôts parce que leurs revenus sont connus, alors que les capitalistes, les spéculateurs … et l’Église orthodoxe grecque ne sont pas du tout mis à contribution. Tel est le niveau des grands dirigeants de la gouvernance internationale, ceux qui sont donc tout à fait qualifiés pour décider quelle est la « la seule politique possible ».
Pour autant, il ne semble que les solutions avancées par certains courants de la gauche « souverainiste » soient très pertinentes. Si la sortie de la Grèce de l’euro intervient, l’addition sera salée. Les plus riches s’en tireront en gardant leurs euros et les pauvres disposeront d’une monnaie dévaluée de 50% et donc d’un pouvoir d’achat taillé en pièce. Car le problème n’est pas l’euro mais bien le capitalisme ! Penser qu’on peut se sauver à l’intérieur du cadre national, en reconstituant un bon vieux capitalisme national protectionniste, voire mercantiliste, c’est ne rien comprendre à la réalité des rapports de production.
Les actuels dirigeants français commettent la même erreur mais en sens inverse. Ils pensent, eux, que l’on peut se sauver par un bon capitalisme européen et en relançant la « croissance ». Mais la « croissance » n’est rien d’autre le processus d’accumulation du capital, processus qui ne peut se poursuivre que tant que le taux de profit se maintient à un niveau suffisant pour permettre la reproduction élargie du capital. Or, comme nous avons eu de si nombreuses fois l’occasion de l’expliquer, la crise financière – et aujourd’hui la crise des « dettes souveraines » – n’est pas le résultat des actions de méchants capitalistes financiers mais le résultat « normal » de la crise du capital en général, en tant que mécanisme produisant de la valeur. L’endettement n’est que le moyen provisoire de produire du « capital fictif ».
Autrement, les premiers aussi bien que les seconds, les souverainistes radicaux aussi bien que les sociaux-démocrates croient (naïvement ?) qu’il n’y a pas d’autres solutions que celles qui se limitent à l’horizon du capitalisme. Et toutes ces chimères se fracasseront sur la réalité.
Nous reviendrons, dans un prochain article, sur les propositions qui permettraient, partant de la situation actuelle et de la nécessité de conjurer la catastrophe, permettraient d’amorcer, progressivement, une sortie du capitalisme.
Décidément, un p'tit tacle à Mélenchon au passage semble indispensable :
Alors comme ça, Mélenchon délaisserait un probleme majeur (le MES) pour s'occuper d'un probleme mineur (M. Le Pen). Le Front National, « un problème mineur ». Je l'avais encore jamais entendue, celle-là ! Un parti d'extrème droite qui progresse d'un million et demi de voix, « un problème mineur » ! Heureusement que mélenchon s'en occupe, du « un problème mineur », parce que dans les autres partis, on semble fort bien s'en accomoder.Quant au problème majeur, s'il y en a bien un qui a tiré la sonnette d'alarme dans les premiers, c'est bien le député européen Mélenchon. Le 3 février 2012 avec un article intitulé "Le nouveau traité de l’Europe austéritaire" et 3 jours apres un autre article détaillant le MES "Le « remède » de la Troïka qui saigne les Etats" Sans compter les longs passages d'explication du MES dans ses discours de campagne. Accessoirement, il réclame depuis le début un référendum pour la ratification de ce traité en France.
Au lieu de considérer la candidature de Mélenchon comme une « faute politique », vous pourriez savoir gré à Mélenchon de s'occuper à la fois du problème mineur et du problème majeur, non ?