Montesquieu écrirait une belle Lettre persane sur l’agitation autour de Sakineh, cette Iranienne condamnée à la lapidation. Pastichons-le au mieux, en reprenant littéralement des phrases des lettres 83, 85 et 95.
La Justice élève sa voix ; mais elle peine à se faire entendre dans le tumulte des passions. Les persécutions que nos Mahométans zélés ont fait aux Guèbres les ont obligés de passer en foule dans les Indes et ont privé la Perse de cette nation, si appliquée au labourage et qui seule, par son travail, était en état de vaincre la stérilité de nos terres. S’il faut raisonner sans prévention, je ne sais, Mirza, s’il n’est pas bon que dans un Etat il y ait plusieurs religions. J’avoue que les histoires sont remplies de guerres de religion. Mais qu’on y prenne bien garde : ce n’est point la multiplicité des religions qui a produit ces guerres, c’est l’esprit d’intolérance qui animait celle qui se croyait dominante. Nos ayatollahs condamnent à la lapidation une pauvre femme mise à la question.
Le roi de France prend chevaleresquement sa défense, sa Reine assure la condamnée que son auguste mari « plaidera votre cause sans relâche et que la France ne vous abandonnera pas », la duchesse du Poitou endosse le libelle, le prévôt des marchands de Paris embouche sa trompette, un écrivain bien en cour bat le rappel. Chacun se met en avant, feignant de servir une si noble cause servant de paravent. Le roi de France malencontreusement fait des coupes claires dans le budget du précieux ministère des affaires étrangères qui devrait l’éclairer. Ses diplomates avisés des mœurs de notre Perse lui auraient enseigné que les tonitruants champions de Sakineh peuvent précipiter sa perte tant nos ayatollahs sont divisés, aveuglés, orgueilleux, chatouilleux à ce qu’ils nomment la dignité de la patrie mais qui n’est au fait que leur fatuité. Parler au nom du Grand Allah leur procure l’importance que leurs propres talents ne sauraient leur valoir.Un collège de vertueux plaiderait plus sûrement la cause de l’infortunée. Le plaisant cortège germanopratin rassemble quelques princes et courtisanes connus pour leur débauche, leurs turpitudes et leur incivilité. Quelques modèles de vertu figurent heureusement au nombre des défenseurs. Qui, comme moi, voyage sait que la proportion d’honnêtes ou de déshonnêtes gens est constante en tous ordres et en tous pays. Et nos dervis et ayatollahs se gardent tout comme leurs Tartuffes de pratiquer les préceptes qu’ils enseignent doctement.
On dit qu’un monarque d’Egypte fit avertir le roi de Samos de sa cruauté et de sa tyrannie, et le somma de s’en corriger. Comme il ne le fit pas, il lui envoya dire qu’il renonçait à son amitié et à son alliance. Le roi de France craint trop la rivalité des autres royaumes pour s’aliéner vraiment les faveurs marchandes de notre Roitelet des Rois. Connu pour ses bravades plus que pour sa bravoure, Nicolas Ier brave mal son impopularité et tonitrue contre les étrangers du dedans et du dehors, contre la populace, pour faire oublier les démérites et insuccès de sa politique. L’impératrice d’Allemagne est plus avisée, qui sait ne pas heurter en public l’honneur et l’image de ses sourcilleux vis-à-vis, sans se priver de les sermonner de belle façon, en commerçant avec eux. Le Grand Vizir ottoman se mêle de la partie, sans doute avec une fortune moins incertaine.
Sakineh est bien seule, au fond de sa geôle, entourée cependant de plusieurs docteurs de la loi fanatiques, de maints lapideurs avides et de nombreux affidés intéressés d’abord d’eux-mêmes, selon leur règle du JE.
La lapidation à notre époque est un acte barbare et inhumain mais aussi le résultat de l'obscurantisme d'une religion. Il faut combattre cette barbarie par tous les moyens à notre disposition. Cette lapidation est la politique de l'homme envers la femme qui se doit d'être soumisse et respectueuse pour ne pas dire vertueuse. Jeter des pierres sur un corps jusqu'à mort s'en suit est moyenageux et abominable. Les protagonistes de ces châtiments ne méritent aucun respect.