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Tout se tient

Par Denis Collin • Actualités • Lundi 07/01/2008 • 0 commentaires  • Lu 1573 fois • Version imprimable


À quelques semaines des élections municipales, les états-majors s’activent fébrilement. On annonce un engagement actif du président qui devrait, une première, participer à des meetings électoraux pour soutenir les candidats de l’UMP. La « poutinisation » du régime se poursuit donc à rythme accéléré et avec une orientation affirmée : un gouvernement fantoche aux ordres du secrétaire général de l’Élysée, un parlement plus que jamais réduit au rôle de chambre d’enregistrement. Et une opposition disloquée, absorbée dans le parti dominant ou transformée en opposition de sa majesté. Les trois pouvoirs fusionnés sous la direction du chef suprême - avec la mise au pas de la justice par Mme Dati - et le « quatrième pouvoir », la presse, entièrement occupée à photographier les amours de Carla et Nicolas n’a évidemment plus une seule colonne pour parler des questions sérieuses. Pourtant le premier acte de l’année 2008 se joue dans le mois qui vient. Selon le calendrier officiel, c’est le 4 février que les parlementaires réunis en congrès devraient adopter les modifications de la constitution ouvrant la voie à la ratification du traité de Lisbonne, un « traité modifié » dit-on par antiphrase pour signifier qu’il n’est que la reprise de feu le TCE rejeté par le peuple en 2005.

 

Normalement, c’est-à-dire si le mandat avait un sens, l’opération devrait capoter. Tous les partis « d’opposition » et certains parlementaires de la majorité sont ou opposés au fond du traité, ou partisans du traité mais à condition qu’il soit adopté par référendum. Qu’il s’agisse de Mme Royal ou de M. Bayrou, ils sont l’une et l’autre partisans du traité mais on fait campagne au printemps dernier en affirmant : pas de nouveau traité sans référendum. Ainsi, si tous les députés élus sous ces deux bannières auxquels on pourrait ajouter les « souverainistes » de l’UMP, refusaient de voter la révision constitutionnelle le 4 février, alors il manquerait à Sarkozy quelques voix pour atteindre la majorité requise des trois cinquièmes. Il serait alors contraint de procéder par la voie référendaire.

Mais le chanoine Sarkozy peut partir en voyage tranquille. Le PS a déjà annoncé qu’il s’abstiendrait sur la révision constitutionnelle, et même certains de ses dirigeants ont fait savoir qu’ils voteront cette révision. Autrement dit les dirigeants du PS ont décidé :

1° de bafouer la volonté populaire en permettant que la décision explicite du peuple soit contournée par un vote des députés.

2° de bafouer les engagements pris envers les électeurs au printemps dernier.

3° de voler au secours de Sarkozy qui commence à fléchir sérieusement dans les sondages et notamment dans cette large fraction de l’électorat populaire que les discours de bonimenteurs du parolier Guaino avaient pu égarer.

Or la question européenne et celle des municipales sont liées. Ces élections locales devraient et doivent être l’occasion de frapper un grand coup contre la politique de guerre sociale contre les salariés que mène le gouvernement. Une politique, rappelons-le, entièrement conforme aux directives et accords pris au niveau européen. Le passage aux 41 annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein, la concurrence dans le secteur de l’épargne populaire (« livret A ») qui servait jadis à financer le logement social, la destruction du code du travail, revendiquée par le MEDEF dans les négociations en cours actuellement sur la « flexibilisation » du contrat de travail, l’attaque contre la protection maladie (avec le système des franchises), cela est entièrement conforme aux directives européennes, et notamment pour les retraites et le démentiellement des services publics à la conférence de Barcelone dont les conclusions ont été signées par Jacques Chirac et Lionel Jospin.

Mais comment peut-on rassembler contre Sarkozy et ses lieutenants à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, etc., si on commence par le soutenir sur l’essentiel ? C’est évidemment impossible ! Ceux des socialistes (plusieurs centaines dit-on) qui se présenteront sur des listes UMP ne font que tirer les conséquences logiques de la position politique de la direction du PS sur la question européenne ou sur les autres questions centrales comme les régimes spéciaux ou la réforme universitaire où l’on a pu voir Hollande, Royal, Dray et d’autres personnages de moindre calibre se relayer pour soutenir le fond de la politique du président en se contentant d’en critiquer la méthode. Ceux des socialistes qui veulent faire liste commune avec le MODEM et tourner définitivement le dos à l’alliance à gauche pour revenir aux combinaisons de « troisième force » d’avant le congrès d’Épinay, ceux-là aussi sont très conséquents. Ils prennent acte du fait qu’entre la direction du PS et François Bayrou, il n’y a pas l’ombre d’une divergence sérieuse, sinon que François Bayrou est souvent plus ferme contre Sarkozy que les ténors de la rue de Solferino - comme on l’a vu récemment sur la question laïque, ce qui est tout de même un comble.

La coutume, en ce début de janvier, est de présenter ces vœux. 2007 a été une année catastrophique pour la gauche. Parti comme c’est parti, 2008 peut être pire. Car c’est maintenant l’application pratique du programme Sarkozy qui est à l’ordre du jour. Concrètement, dans chaque détail. Le mouvement ouvrier est sorti éreinté de l’ère Thatcher ; ce que veut Sarkozy, c’est exactement la même chose et le calcul de ses commanditaires est le même : si au terme de son premier mandat Sarkozy est rejeté par la population, ils espèrent une solution de rechange, avec une ou un socialiste domestiqué, parfaitement adapté à son rôle de parti social-libéral, une sorte de caniche des bourgeois dans le genre Blair, et c’est ce qui se met en place sous couvert de « rénovation du PS ».

Ceux qui croient qu’il existe encore dans le PS une résistance de type vieille social-démocratie se bercent d’illusions. Fabius et Emmanuelli sont aux abonnés absents sur la question européenne - ils se sont ralliés à l’abstention pour ne pas diviser le PS. Dès lors toutes leurs rodomontades « de gauche » ne sont que des pitreries destinées à amuser la galerie. Que le PS ait rompu tous ce qui le rattachait à la protestation sociale et aux traditions du mouvement ouvrier, qu’il ne soit qu’un parti du même genre que parti démocrate de Mme Clinton ne signifie pas la « mort du PS ». D’un certain point de vue, le PS se porte bien : il dirige de très nombreuses régions (20 sur 22), des grandes villes et peut même en gagner certaines lors des prochaines élections. Mais le PS socialiste n’existe plus.

S’impose donc l’exigence qui commence à se faire jour de la construction d’une nouvelle force sociale à gauche. C’est dans cette perspective que nous inscrivons notre réflexion sur site et c’est dans cette perspective que nous prendrons des initiatives dans les semaines qui viennent.

Nous avons publié sur ce site de nombreux articles de réflexion programmatique que nous soumettons à la discussion. Parmi ceux-ci, signalons :
-  Denis COLLIN
Il faut un nouveau parti pour la gauche socialiste et républicaine
-  Jacques COTTA :
La République Sociale : de la parole aux actes ! Reconstruire une gauche en miettes
- Jacques COTTA :
Régler le sort des travailleurs pauvres, chiche !
- Denis COLLIN et Jacques COTTA :
Quand tu es né tu ne peux plus te cacher

Denis COLLIN


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