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Bref retour sur une politique rejetée
Le jour de janvier 2015 où Syriza offrait avec plus de 35% des voix pour la première fois le pouvoir à la gauche et « gauche de la gauche » est bien lointain. Les derniers arguments de campagne -«Nous votons dimanche pour notre vie»- martelé par Syriza pour mettre en garde contre le retour de la droite grecque au pouvoir, n’ont évidemment pas porté. Plus que les énièmes déclarations, c’est l’expérience des faits qui a joué.Les prêts successifs faits à la Grèce ont surtout enrichi ses créanciers et actionnaires. De facto, la politique à laquelle Tsipras s’est rangé a placé la Grèce sous tutelle jusqu’en 2060. Le leader de Syriza a fait du zèle, se vantant de présenter un excédent budgétaire primaire record de 3,5%, au delà des exigences de la Troïka, résultat dû à une pressurisation sans précédent des classes moyennes.
Tout cela s’est fait à l’écart de grandes mobilisations populaires qui se sont estompées dans le temps, ce qui sans doute est un des résultats les plus palpables de Syriza au pouvoir. Aux yeux de l’oligarchie Alexis Tsipras avait réalisé un sans faute. Désarmant les masses, défaisant le mouvement social, appliquant la politique de l’UE, servant sur le fond les intérêts du capital financier et des grands capitalistes grecs, démoralisant ses troupes, il avait rempli sa fonction. Il ne lui restait donc plus qu’à laisser la place.
Tsipras et Syrisa responsables, mais pas qu'eux
Alexis Tsipras n’est pas une victime du peuple grec qui aurait manqué à son égard de reconnaissance minimale. Sa défaite est d’abord son oeuvre. Il paie la trahison de la parole donnée. Curieusement d’ailleurs c’est cet acte, ce déni des engagements pris qui lui attire la sympathie et le soutien d’une bonne part de commentateurs parfois prompts à défendre les vertus, dont par exemple Laurent Joffrin dans « Libération ». Le patron de « Libé » écrit en effet: « «Trahison», donc. Mais c’est aussi supposer qu’il y avait une autre politique évidente, plus progressiste, qu’il aurait écartée par duplicité coupable. Or cette politique consistait à sortir de l’Union, ce qu’il a refusé, en accord sur ce point avec la majorité des Grecs. Une fois laissée seule face à ses créanciers (qui n’auraient pas disparu par magie), la Grèce aurait-elle évité l’austérité ? Rien n’est moins sûr. »Laurent Joffrin qui parle de Tsipras a le mérite de mettre au centre non le leader de Syriza mais la politique à laquelle il s’est pliée et qu’il a impulsée. C’est bien la question de l’UE qui est centrale, le maintien dans le carcan européen avec les conséquences connues pour la gauche grecque mais aussi et surtout pour le peuple qui l’avait portée au pouvoir. « La Grèce aurait-elle évité l’austérité? ». Sans doute pas, mais elle l’aurait décidée, assumée, subie aussi dans un but précis, celui de sa souveraineté, de son indépendance, de sa fierté.
La question que pose Joffrin en appelle quelques autres. La trahison serait-elle signe de lucidité? d’intelligence? de réalisme? Un mode de conduite pour qui veut réussir? Car sans promettre pas de victoire possible, et sans trahir pas de casse minimale. « Traître ou homme d’Etat ? » questionne le directeur de « Libération ». L’homme d’état serait donc celui qui aurait la sagesse de se taire avant les élections sur les dangers à affronter, et qui une fois au pouvoir serait capable de se plier pour faire le contraire de ce qu’il avait promis avant d’avoir été élu? On ne peut à la fois se morfondre du « divorce » des masses avec la politique, et vanter au nom d’un prétendu réalisme la trahison de la parole donnée.
Les choses auraient-elles été différentes si Tsipras avait fait un autre choix? Nul ne peut le dire, sinon en se perdant dans des spéculations qui souvent font l’économie de responsabilités partagées.
- Les responsabilités partagées dans la situation grecque, ce sont d’abord celles de du gouvernement français et de François Hollande en 2015, du premier ministre Manuel Valls et du ministre de l’économie Emmanuel Macron qui dans un jeu de rôle bien rôdé avec Angela Merkel vont pousser Tsipras dans la nasse, jouant comme dans un commissariat les « gentils flics » lorsque Merkel occupait le rôle de la « violente ».
- Les responsabilités partagées, ce sont aussi les encouragements et les soutiens apportés à Tsipras de la part d’une « gauche » française, parti communiste en tête, qui n’a cessé de le conforter dans cette voie sans issue, celle de la soumission à l’union européenne au nom du réalisme et de la raison. Les partisans d’une « autre Europe », d’une « Europe sociale », d’une « Europe plus humaine » qui soumettent toute orientation à la discipline de l’UE et de l’Euro, ont aussi joué leur rôle à distance dans la déconfiture grecque.
Leçon générale
Cela appelle deux remarques qui nous concernent directement:1/Lorsque les représentants de "gauche" ou "gauche radicale" une fois portés au pouvoir appliquent la politique austéritaire qu'ils condamnent officiellement et qu'ils sont censés combattre, ils préparent le pire... Ils ne sont pas victimes mais responsables de la catastrophe qui s'ensuit. Ce qui est arrivé à Tsipras et à Syriza n’est malheureusement pas très original. Comme représentant momentané des couches exploitées, des ouvriers, des salariés, il a été « une des dernières ressources politiques de l'impérialisme dans la lutte contre la révolution prolétarienne ».
Comme lui avant l’expérience qui vient de s’achever, les partis socialistes et les partis communistes ont joué le même rôle, ce qui explique d’ailleurs le niveau auquel ils se trouvent dans la plupart des pays européens.
2/Alors que Geoffrey Pyatt, ambassadeur des USA en Grèce, félicitait Tsipras "pour l'excellent travail effectué par Syriza qui sera poursuivi par la Nouvelle Démocratie", voila une partie de la "gauche" française -le PCF en tête- qui a soutenu Tsipras sans faillir, jusqu'à cette couverture de l'Humanité dimanche indiquant "Syriza rempart face à la droite"?
Quel rempart!
Servilité vis à vis de l'UE, respect des institutions européennes, de l'Euro et des diktats qui nient la souveraineté des peuples, application de mesures contraires aux intérêts des salariés, des ouvriers, de jeunes, des retraités, des exploités, tout un programme qui nous concerne et dont on voit en Grèce où il mène.
Jacques Cotta
le 9 juillet 2019
Tout à fait d'accord avec votre analyse de Syriza au pouvoir.
En France ceux qui se prétendent de Gauche (je parle ici d'étiquette) et qui veulent quand même rester dans l'UE (LFI,PCF,Génération-s de B. Hamon) devraient s'intéresser de plus près à l'histoire de Tsipras et Syriza qui ont choisi (naïveté,cynisme? ) de renoncer à la Souveraineté Nationale (donc monétaire) et de trahir ainsi les intérêts populaires pour la défense desquels ils s'étaient faits élire.
Tant que LFI-PCF-Hamon ne comprennent pas qu'il faut envisager sérieusement la sortie sans délais de l'UE, il est clair pour moi qu' inutile de voter pour eux car ils ne pourront jamais appliquer une politique sociale favorable aux classes populaires car les traités européens les en empêcheraient.
Leurs discours actuels ne sont mensonge d'estrades!