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UN CONGRES POUR ASSURER L’ALTERNANCE ? ou CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ?

Avant le congrès de Reims du Parti Socialiste

Par Jean-Louis Ernis • Actualités • Jeudi 30/10/2008 • 1 commentaire  • Lu 2291 fois • Version imprimable


Les 14-15 et 16 novembre prochain, Reims accueillera le congrès du parti socialiste. La ville connue dans le monde entier pour son champagne, symbole d’humilité…, aura l’honneur de voir le sacre du futur roi ou de la future reine de la rue de Solférino.

Après l’université de La Rochelle et le dépôt des motions, pour les uns ce sera le congrès du renouveau, pour d’autres au contraire ce sera le congrès de tous les dangers. Certains ont même pensé que compte tenu de la crise financière, le report pouvait être envisagé. S’agissait-il de gagner du temps ?

Comme dirait l’humoriste : allez savoir ?

Voilà pourquoi je me risque à quelques réflexions dans le but de découvrir si ce congrès sera motivé par une simple volonté d’assurer l’alternance préservant ainsi le fond d’une politique appliquée depuis près de 20 ans ou si la recherche d’une alternative crédible sortira majoritaire des débats.

Je pourrais me voir opposer que n’étant pas adhérent de ce parti, il ne m’appartient pas de commenter la vie du principal (en nombre d’élus) parti d’opposition. Mais, à partir du moment où les partis politiques, tous, ou quasiment tous, se donnent pour objectif essentiel de consulter les sondages d’opinion et parfois de les organiser, pour définir non pas leur politique mais leur stratégie de communication, la réflexion d’un simple citoyen de gauche ne me semble pas faire preuve d’usurpation.

Depuis quelques mois, les déclarations des leaders et les publications n’ont pas manqué. 21 contributions ont été remises au Bureau national le 2 juillet. 6 motions déposées le 23 septembre.

Je n’évoque pas là, les actes divers comme le vote des parlementaires socialistes au congrès et les commentaires de quelques uns qui s’en suivirent, sur la réforme de la constitution qui a encore fait pâlir la rose.

Je ne perdrai pas non plus de temps sur l’université de La Rochelle où semble t’il l’activité s’est davantage déroulée dans les restaurants pour tenir des conciliabules d’appareils que dans l’hémicycle pour débattre, par exemple, de la situation des 8 millions de personnes tombées sous le seuil de pauvreté.
Ceci dit, un seul coup d’œil de quelques dixièmes de secondes en direction de la tribune suffisait pour comprendre les limites du débat puisque le sigle « P.S.E. » était placé de telle façon qu’en regardant l’orateur vous ne pouviez échapper à la référence d’une structure inféodée à l’Europe libérale et fédérale qui a fait campagne pour l’adoption du T.C.E. et de l’hypothétique Traité de Lisbonne.

Et pourtant, pour obtenir une véritable politique de gauche en France, il est indispensable que le P.S. prenne l’initiative d’une réhabilitation des valeurs de gauche au sein du P.S.E. car il est vrai que le système est tel que sans élargissement des idées de gauche à l’Europe, une politique de partage des richesses produites en France est compromise.

Alors, les expressions de candidats déclarés et de personnages influents méritent quelques analyses.

Au cours de l’été, l’un des prétendants au sacre n’a pas hésité, volume à l’appui, à associer libéralisme et socialisme. Pour cela, il est allé puiser dans les racines de nos valeurs, expliquant que les intellectuels du 18ème siècle « inventeurs » des Lumières adossèrent leur raisonnement au libéralisme.
Il s’agit là d’une perfide roublardise pariant sur la crédulité des masses. Je n’ai pas vérifié cette assertion, mais au cas d’espèce je fais confiance, il faut simplement se rappeler qu’à cette époque la question était de s’opposer et d’anéantir un système despotique vieux de plusieurs siècles, assis sur un principe divin qui faisait que le roi assurait sur son territoire la représentation de Dieu.
Alors, qu’à cette époque les opposants à ce régime aient fait du libéralisme leur credo, cela n’a rien d’étonnant.
Mais aujourd’hui, la signification du mot libéralisme est totalement différente puisque, de fait, elle est associée au mot tyrannie : tyrannie économique, tyrannie financière, tyrannie du capital.

La crise actuelle est une signification éclatante de cette tyrannie.

Ainsi, ce n’est certainement pas de ce côté que l’espoir d’une alternative viendra.

Autre indication troublante.

Elle vient de celui qui, en 2005, nous a fait espérer, quelques temps, en franchissant le rubicond pour porter le drapeau socialiste du non au T.C.E.

Au lendemain de l’annonce du gouvernement (fin juillet dernier) de mettre fin au remboursement à 100 % des dépenses dues aux affections de longue durée, l’ancien jeune Premier Ministre de François Mitterrand, interrogé par un journaliste de France Inter sur ce dossier, fit part de son « offuscation » d’une telle proposition.
Le journaliste cherchant à en savoir plus, demanda quelle serait la bonne réforme, puisque déficit il y a, selon la formule désormais consacrée ?
La réponse ne se fit pas attendre : « il y a bien d’autres économies à réaliser »

C’est donc une confirmation, le consensus gauche/droite, y compris sur la protection sociale est bien réel. Le refus d’abonder les recettes est confirmé, même au moment où les « sursalaires » des P.D.G. des grosses entreprises, les stocks-options et autres parachutes dorés, sont honteusement distribués, sans oublier les dividendes d’au moins 15 % versés aux actionnaires.

A gauche comme à droite, les seules réformes à réaliser sont les coupes sombres dans les dépenses sociales appelées, sournoisement, réformes de structures pour être conformes aux normes européennes dans un système de concurrence libre et non faussée.

De ce côté-là, également, l’espoir est déçu.

Est-ce étonnant ? Depuis le plan Juppé de 1995, le parti socialiste, mais plus largement, la gauche plurielle, ont eu la possibilité de conforter la sécurité sociale en réhabilitant ses bases originelles. Elle a eu cinq ans (1997/2002) pour s’affranchir des ordonnances prises en 1996.
Le gouvernement de Lionel Jospin s’en est bien gardé, surfant sur l’embellie économique (je n’en précise pas les origines) qui apporta mécaniquement des cotisations sociales supplémentaires. Sachant que les économies contemporaines sont soumises à l’effet de yo-yo – la période actuelle le confirme - la gauche a refusé d’aborder la question des périodes de basse activité, de même qu’elle a nié la prise en compte des coûts supplémentaires dus aux progrès de la science.
Certes, un fonds de réserve des retraites avait été mis en place en 1999 dont le but était de consolider le régime à partir de 2020. Si ce choix partait d’une bonne intention, il n’en comporte pas moins le risque d’une exposition aux lois du marché et de la spéculation, s’éloignant des fondamentaux de la Sécurité Sociale. Il semblerait que ce fond évalué aujourd’hui à 35 milliards d’euros aurait perdu 11 % de sa valeur depuis le début de l’année.

L’espoir ne peut davantage venir de celle qui se prend pour la madone, et dont le mysticisme est affolant. Utiliser à longueur de discours des formules aux origines bibliques ou assimilées comme « pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » ou « Aimez-vous les uns les autres ou disparaissez » rend la frontière très perméable avec les discours de Latran, Riyad et du CRIF du Président de la République.
De plus, l’aveu fait quelques temps après la présidentielle de mai 2007, de ne pas avoir cru au programme qu’elle mettait en avant, comme le SMIC à 1500 € et la généralisation des 35 H, entame très sérieusement son crédit politique.

Et ce n’est pas sa « prestation » du zénith à Paris le 27 septembre qui peut rassurer.

Alors il faut regarder du côté de la déclaration de principe d’avril dernier.

Cette période de pré congrès a été marquée par ce qu’il est convenu d’appeler « la déclaration de principe ». Celle-ci avait pour objet de rapprocher les points de vue des militants. Personnellement, je n’ai pas de critique à opposer à cette démarche. Mais la question était posée de savoir, pour quoi faire et pour aller où ?

Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les détails de cette déclaration, depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Cela a déjà été fait et bien fait par d’autres et je partage le point de vue de ceux qui pensent que c’est un texte qui confirme la droitisation de ce parti.

Je veux cependant faire part de mon avis sur l’abandon de la symétrie parti socialiste/parti révolutionnaire, en clair le refus du parti socialiste de pratiquer la lutte de classes.

Je n’abandonne pas, bien au contraire, les principes de la lutte de classes, j’y suis très attaché mais je considère que les structures politiques d’une nation, c'est-à-dire les organes qui ont la charge de la gestion de l’intérêt général se doivent de rechercher la concorde de la population dont ils ont momentanément la responsabilité.

Aussi, je défends la conception de la lutte de classes, comme l’indispensable outil des salariés organisés en syndicat. En ce sens, je crois pouvoir dire que je suis fidèle à l’esprit et à la lettre de la Charte d’Amiens ? Je rappelle que Jaurès était favorable à cette organisation de la société.

En fait, cet abandon du P.S. n’est que la régularisation d’une immense hypocrisie vieille de 88 ans.

En effet, depuis le congrès de Tours de 1920, à quel moment, à quelle période, le P.S. a-t-il pratiqué la lutte de classes ? Je n’en ai pas souvenir.

Voilà pourquoi, je n’éprouve pas d’intérêt pour les partis de classe. Je m’interroge d’ailleurs sur la portée démocratique de cette conception de l’organisation de la société. L’intérêt du principe démocratique veut que se réalisent des alternances et des alternatives selon un calendrier constitutionnel or, je ne voudrais pas être, un jour, gouverné par un parti des patrons.

Oh ! Je ne suis pas dupe, les partis politiques représentés aujourd’hui au Parlement ne sont, pour la majorité d’entre eux, que les faux nez du patronat et donc du capital, mais on a vu dans le passé des avancées sociales non négligeables arrachées, y compris à des gouvernements de droite.

La question est celle du rapport de force quelque soit la couleur politique des gouvernants.

A titre d’exemple faut-il rappeler que ce que nous appelons le « pacte républicain » s’est construit au fil du temps sous des gouvernements de gauche comme de droite avec des ministres socialistes, communistes mais aussi gaullistes et démocrates chrétiens ?

Outre la protection sociale, son financement et sa gestion paritaire, faut-il rappeler les conventions collectives et leur réactivation après la grève du 11 février 1950 qui apportèrent des améliorations au Code du Travail ? Faut-il rappeler les accords interprofessionnels sur l’assurance chômage et ceux des retraites complémentaires ? etc… etc…

Ces acquis ne sont pas les résultats du mouvement révolutionnaire.

Je considère qu’il ne faut pas confondre la nécessaire révolution, ce fut le cas en 1789, et la prise en mains de l’avenir du régime, dont la commune de Paris fut un exemple, avec le mouvement de la révolution permanente.
Quand les fondamentaux existent, même s’ils sont menacés, et ils sont menacés, le réformisme doit suffire, c’est une question de volonté et de cohésion.
Ne dit-on pas que l’on a les élus que l’on mérite ?

Il en est de même pour les régimes.

Par ailleurs, je ne vois pas bien le rôle de chacun dans une conception parti de classe/syndicats.
En fait, nous ne sommes pas sortis du vieux débat qui opposait Guesdes et Jaurès, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle.
Je suis convaincu que c’est une erreur de circonscrire un parti aux seuls salariés, travailleurs et ouvriers.
Que fait-on des petits paysans, sont-ils d’affreux productivistes alliés des multinationales de la semence et des engrais ? Sont-ils ces gros propriétaires terriens qui se gavant d’aides européennes ? Pourquoi rejeter les petits artisans au prétexte qu’ils n’ont pas de bulletin de salaires et pourtant, ils travaillent bien souvent de leurs mains et ils subissent, eux aussi, les affres d’un capitalisme financier pur et dur ?

A une époque de ma vie militante, j’ai côtoyé un docteur en médecine dont l’engagement pour le respect de la dignité humaine valait bien celui de certains salariés.
Par ailleurs, sommes-nous sûrs que tous les membres de la classe ouvrière soient suffisamment motivés pour modifier le cours des choses ?
En 1895, Fernand Pelloutier, Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Bourses du Travail déclarait : « ce qui manque à l’ouvrier, c’est la science de son malheur » Pelloutier est décédé en 1901.
Plus d’un siècle après ces mots, peu de choses ont évolué. Au cours de ces dernières années n’est-ce pas une partie du monde ouvrier, flatté par des incantations populistes, pour le moins, qui formait les bataillons électoraux de l’extrême droite ???

Par ailleurs, les textes auxquels plusieurs d’entre nous se réfèrent – Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen –la République sociale et les programmes politiques que nous qualifions d’exemplaires comme le Conseil National de la Résistance ne proposent pas la lutte de classes pour la gestion de l’intérêt général.

Ils font du respect de la dignité humaine par la répartition des richesses produites le socle de la République sociale.

Ceci dit, c’est bien le seul passage de la déclaration de principe du P.S. qui attire positivement mon attention. Le reste me laisse pour le moins dubitatif.

Tout d’abord espérons que le congrès de Reims précisera le concept d’économie sociale et écologique de marché. Pour l’instant, ce concept reste nébuleux, peut-être même pour ses auteurs. La notion d’économie mixte ne veut rien dire. Un parti de gauche doit définir clairement ce qui relève du secteur concurrentiel et ce qui est réservé à la solidarité nationale, au sens républicain du terme, c'est-à-dire exclu du mercantilisme. Pour la protection sociale, c’est la formule bien connue « chacun cotise selon ses moyens et reçois selon ses besoins » qui doit prévaloir.

Il doit aussi définir et garantir des services publics sur des activités, essentiels à la vie des citoyens.

* * * * * *

En clair, en lieu et place des formules ampoulées et volontairement nébuleuses, le Parti Socialiste doit d’engager sur un minimum de valeurs républicaines.

Mais avant toute chose, je le répète, pour se donner une véritable chance de réussir, son action doit s’exercer concomitamment également au plan européen. Le congrès devrait lui donner les moyens de devenir le chef de file d’une réorientation à gauche du parti socialiste européen et en particulier organiser la fin des paradis fiscaux.

Sans cette indispensable évolution, il sera très difficile, en France, de mettre en place durablement une politique de répartition des richesses produites et, pour ce qui nous concerne, retrouver une authentique République sociale chère à Jean Jaurès.

Concernant la laïcité, il doit s’engager clairement à abroger la loi du 24 août 2004 qui impose aux communes et aux intercommunalités de participer aux dépenses des écoles privées, et à imposer aux chaînes publiques de télévision un temps d’antenne égal aux représentants des religions, des courants agnostiques et athéistes.

Sur la question du service public, il doit ramener et conforter dans le giron de l’Etat toutes les activités à caractère national vitales pour les citoyens (santé – éducation – fiscalité – intérieur – justice – équipement…) Il doit proscrire le principe des délégations de gestion au secteur privé de même que le partenariat public/privé.
A titre d’exemple et compte tenu que l’eau va devenir un enjeu crucial pour les années à venir, il doit extraire de l’affairisme la distribution et le traitement de l’eau.

Concernant la protection sociale, le P.S. doit s’engager sur le retour aux fondamentaux qui avaient prévalu à l’élaboration des ordonnances de 1945 (santé – famille – vieillesse) ainsi qu’à la mise en place de l’assurance chômage de 1958. Pour assurer un financement pérenne, élément indispensable à la fiabilité du système, pas un élément de revenu en relation avec le travail ne doit être soustrait au versement intégral des cotisations sociales (stock-option – parachutes dorés –intéressement – participation – heures supplémentaires…) Si cela ne suffit pas, il doit se donner les moyens de recourir à une fiscalité plus importante sur les dividendes issus de la spéculation.

La fiscalité, dans son ensemble, doit également être revue. La notion républicaine de séparation de l’ordonnateur et du comptable, très menacée depuis plusieurs années, doit retrouver une place fondamentale dans l’édifice fiscal. L’impôt direct et progressif doit être conforté, ainsi que l’impôt sur les successions.

Enfin et sachant que cette liste est loin d’être exhaustive, l’article 1er de la constitution doit être confirmé dans les faits, une République indivisible, posant ainsi la question de la régionalisation.

Le congrès de Reims ne pourra faire l’économie de se positionner sur la question envisagée par le Président de la République, d’une réforme des collectivités territoriales, en d’autres termes, de la suppression des départements.

La sauvegarde de quelques fauteuils ne pourra être l’argument crédible et déterminant.

L’argument avancé du mille-feuille est réel, mais encore faut-il s’interroger de savoir pourquoi au cours des 15 dernières années on a ajouté plusieurs strates (intercommunalité – pays, dont les seules raisons d’exister viennent des fonds accordés par l’U.E.) ?

L’acte II de la régionalisation (gouvernement Raffarin) doit faire l’objet d’un examen approfondi. La mise en concurrence des régions, notamment au travers des aides économiques, pose un véritable problème au sens de l’indivisibilité de la République.

Il est plutôt rationnel que des activités publiques soient confiées à un groupe de communes (transport de personnes – gestion de l’eau – gestion des déchets – parc de logements sociaux – réfection de voirie) mais pourquoi ne pas avoir pérennisé les syndicats à vocations multiples et spécialisés ?

La raison est simple, nous retrouvons la patte de Bruxelles. Les pays et les intercommunalités ont pour objectif de supprimer les cantons et les départements, de créer des régions (grandes si possible – 6 ou 7) en les rendant économiquement et fiscalement autonomes pour les mettre en concurrence les unes aux autres.
Ainsi, on obtient une pression sociale sinon « naturelle » au moins automatique et la concurrence libre et non faussée fait son œuvre.
L’argument des länder allemands est souvent avancé, mais il ne tient pas.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la construction éclatée de l’Allemagne n’avait d’autre objet que de supprimer le principe d’un pouvoir centralisé qui avait conduit au IIIème reich.

Cette construction, si légitime qu’elle fut pour ce pays, n’en améliore pas pour autant les conditions sociales de son peuple, la précarité et la paupérisation gagnent également du terrain, outre Rhin comme partout ailleurs en Europe et l’Allemagne n’est pas davantage épargnée par la crise financière actuelle.

Notre attachement à la construction républicaine de notre pays, n’est ni un dogme, ni un caprice, mais le réflexe de valorisation d’un système social qui nous a valu d’être apprécié dans le monde entier (conventions collectives - service public républicain…)
Or seul l’Etat/Nation est en mesure de nous assurer ce qu’il est convenu d’appeler le pacte républicain. Le slogan l’Europe vous protège est une ignoble provocation, car précisément l’actuelle construction européenne détruit les garanties sociales qui ont été progressivement mises en place pendant une quarantaine d’années, en prolongement de l’œuvre du Conseil National de la Résistance.

C’est sur ces questions, entre autres, que le parti socialiste doit préciser ses volontés pour aller vers une alternative à la politique menée depuis plus de vingt ans, et ainsi redonner confiance à l’électorat populaire français.
Il n’y aurait rien de pire que de profiter de la crise financière et économique actuelle pour maintenir le statu quo.



Jean-Louis ERNIS


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Commentaires

Ouvrons la discussion, par Denis Collin par la-sociale le Samedi 01/11/2008 à 11:29

Cher Jean-Louis,

Ton article présente le grand mérite de soulever les questions politiques de fond et il me semble qu’il devrait être le point de départ d’un débat ample qui devrait se poursuivre sur le site et ailleurs.

 

Tu abordes deux points essentiels, le premier qui concerne l’analyse du moment et les questions politiques posées par l’évolution du PS et le deuxième qui touche au fond et c’est ce deuxième point qui, selon moi, devrait nous occuper au premier chef.  Je vais cependant dire quelques mots de ton premier point.
Tu écris : 

pour obtenir une véritable politique de gauche en France, il est indispensable que le P.S. prenne l’initiative d’une réhabilitation des valeurs de gauche au sein du P.S.E. car il est vrai que le système est tel que sans élargissement des idées de gauche à l’Europe, une politique de partage des richesses produites en France est compromise.
Le PSE (le parti socialiste européen) n’est pas, pour moi, une force politique réformiste qui pourrait éventuellement servir de point d’appui au combat politique qui est le nôtre. C’est un « machin » typique des institutions corporatistes de l’UE, quelque chose d’assez semblable à la CES dans le domaine syndical. Je ne crois qu’on puisse attendre quelque chose comme « l’élargissement des idées de gauche à l’Europe » parce que, pour moi, l’UE et l’Europe sont deux choses très différentes. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer à la réunion de décembre 2007 organisée par « Devoir de résistance ». Évidemment, cela ne tranche pas la question des partis nationaux qui adhèrent au PSE. La situation devrait être envisagée au cas par cas. 

Je partage l’analyse que tu fais des principaux candidats à la direction du PS (Delanoë, Aubry-Fabius ou Royal), tous sur la ligne du consensus droite-gauche. De même ce que tu dis sur la responsabilité des gouvernements de gauche est-il parfaitement pertinent. Que tu veuilles, à titre pédagogique, exposer ce que devrait être le programme minimum du parti socialiste s’il veut rester un parti de gauche, pourquoi pas ? Encore que je croie que nous n’en sommes plus là. La lecture des ouvrages de Martine Aubry, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë ou Manuel Valls suffit pour montrer que ces gens-là ne parlent plus le langage de la gauche (voir « Variations “de gauche” sur le libéralisme » par Blaise Magnin, Le Monde Diplomatique, novembre 2008) et que donc la pédagogie rencontre ses limites. La vieille SFIO n’était pas reluisante, le PS des années 70 n’était pas si révolutionnaire qu’il en avait l’air, mais au moins on y parlait un langage commun à tout le mouvement ouvrier. Ce n’est plus le cas et, personnellement, je n’irai pas essayer de proposer un programme pour le PS d’aujourd’hui.

Venons-en maintenant aux questions principielles que tu soulèves et qui me semblent plus importantes que le point précédent – qui relève largement d’appréciations conjoncturelles. Tu dis :

Je n’abandonne pas, bien au contraire, les principes de la lutte de classes, j’y suis très attaché mais je considère que les structures politiques d’une nation, c'est-à-dire les organes qui ont la charge de la gestion de l’intérêt général se doivent de rechercher la concorde de la population dont ils ont momentanément la responsabilité.

Aussi, je défends la conception de la lutte de classes, comme l’indispensable outil des salariés organisés en syndicat. En ce sens, je crois pouvoir dire que je suis fidèle à l’esprit et à la lettre de la Charte d’Amiens ? Je rappelle que Jaurès était favorable à cette organisation de la société.

Mais tu ajoutes:

 

je n’éprouve pas d’intérêt pour les partis de classe. Je m’interroge d’ailleurs sur la portée démocratique de cette conception de l’organisation de la société. L’intérêt du principe démocratique veut que se réalisent des alternances et des alternatives selon un calendrier constitutionnel or, je ne voudrais pas être, un jour, gouverné par un parti des patrons.

Je dois dire que je suis globalement d’accord avec ce point de vue. Pour les raisons que tu donnes après et pour d’autres encore. Marx déjà polémiquaient contre ceux qui croyaient que, en dehors du prolétariat, toutes les autres classes de la société ne formaient qu’une « masse réactionnaire ». Et puisque tu évoques la question des classes moyennes et notamment celle des paysans, on rappellera que le même Marx avertissait que le prolétariat devait en faire son allié, faute de quoi « le solo de la classe ouvrière se transformerait en chant funèbre », ce qui est arrivé avec la Commune de Paris…

Pour cette raison je ne rejette pas la notion de « peuple », bien au contraire et je trouve assez répugnantes les polémiques contre le « populisme ». Comme Gramsci, je crois que la transformation sociale n’est possible que sur la base d’une « réforme intellectuelle et morale » qui seule peut fonder le « développement de la volonté collective nationale-populaire vers l’achèvement d’une forme supérieure et totale de civilisation moderne » (Cahiers de prison, XIII).

On peut aller un peu plus loin. L’idée marxiste du « parti ouvrier » conduisant à la dictature du prolétariat me semble devoir être rejetée, l’expérience historique ayant montré son inanité. La classe ouvrière, classe dominée ne peut pas devenir une classe dominante — d’ailleurs dans l’histoire aucune classe dominée n’est devenue classe dominante. Le pouvoir de la classe ouvrière n’a jamais que le pouvoir d’une bureaucratie (dominée par les intellectuels issus des classes moyennes) qui parlait en son nom.

En lecteur attentif de Machiavel, j’ai tendance à penser qu’aussi loin que nous puissions envisager l’évolution raisonnable des sociétés humaines, il y a aura toujours une division entre les « grands » (qui veulent dominer) et le peuple qui ne veut pas être dominé). Le meilleur régime est celui dans lequel le peuple peut être protégé contre la domination et c’est précisément cela la définition du régime républicain.

Une fois ceci posé, sur lequel je crois nous tomberons facilement d’accord, il me semble qu’on en doit déduire des conséquences. Tant que l’économie est dominée par le capitalisme, aucun consensus populaire à long terme ne peut être garanti et aucune protection contre la domination ne peut exister, sauf à penser qu’on pourrait réconcilier durablement les exploités et les exploiteurs, ce qui s’appelle justement « corporatisme ». Donc être vraiment républicain est quelque chose qui pousse au radicalisme social qui suppose la nationalisation intégrale du système bancaire, l’encouragement au développement des associations ouvrières et des SCOP, l’existence de services publics. J’avais exposé dans Revive la République (Armand Colin, 2005) quelques propositions dans ce sens (pour tout dire les trois derniers chapitres sont programmatiques) et je persiste à penser que cela constitue une bonne base.

Denis COLLIN



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