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Un vent d’Ancien régime souffle sur la France avec ses courtisans, ses favoris, ses privilèges, son arbitraire. La situation oscille entre un pouvoir ultra autoritaire et la cour du roi Pétaud.
Un peuple désorienté se sent de moins en moins en République, de moins en moins en démocratie. Car il y a un peuple, car il y a une aspiration républicaine. La grande manifestation après le massacre de Charlie hebdo en fut une projection. Les rassemblements spontanés dans toute la France, et symboliquement sur les Champs Elysées, à l’occasion de la victoire à la coupe du monde de football en furent une autre de même que les déclarations des joueurs affirmant leur attachement à la France et à la République. On peut évidemment gloser sur le côté « populiste » de tels gestes. Mais laisse-t-on aux citoyens d’autres voies pour affirmer leur existence, leur fraternité, leurs aspirations ?
Les citoyens sont de plus en plus coincés entre un pouvoir central qui ignore leurs droits et des communautaristes qui veulent les renvoyer à des identités parcellaires. Nous avions déjà évoqué, il y a quelques lois, le cas de Rokaya Diallo qui dénonce avec permanence un supposé « racisme d’Etat » à la française. Apparemment appréciée par la presse américaine, elle vient de se répandre dans les colonnes du Washington Post pour y stigmatiser une fois de plus la France. Se sentir plus à l’aise aux Etats-Unis n’est pas nouveau ; fustiger une histoire de France en se référant à celle des Américains est pour le moins étrange. Faut-il par exemple rappeler que ceux-ci n’acceptèrent de livrer du matériel à la 2ème DB de Leclerc qu’à la condition qu’il n’y aurait plus de combattants noirs dans ses rangs ? Faut-il rappeler que les Noirs américains n’obtinrent la citoyenneté qu’en 1964 ?
Toute l’Histoire de la République est un combat permanant pour la citoyenneté, l’égalité au-delà de toutes les différences, pour les principes énoncés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il est quand même significatif de voir les déferlements racistes dans d’autres pays européens après la victoire de la France, comme si le mélange particulier dans cette équipe était inadmissible, impensable, condamnable. Mais non, les communautaristes n’en ont cure : le modèle français est, à leurs yeux, par essence diabolique.
Qu’il y ait en France des racistes est évident, mais la République n’est pas raciste.
Le retour des argumentaires ethniques est la conséquence de politiques qui tournent le dos à un contrat social humaniste et social, qui s’éloignent de plus en plus des principes qui sont à la base de nos institutions républicaines. Tant de groupes ensuite manipulent cette situation pour faire avancer leurs intérêts particuliers sans réfléchir à l’intérêt général. Et l’autoritarisme du pouvoir fait son miel de ces divisons artificielles.
Nous vivons une étrange démission. La volonté d’affaiblir l’Etat, de relativiser la volonté humaine, s’étend de plus en plus et les dernières palinodies autour du gouvernement et de la Présidence réduisent l’intérêt général à la dimension de la peau de chagrin. Faut-il s’étonner alors de voir chaque groupe, chaque communauté, revendiquer sa part ? L’explosion n’est pas inévitable, mais il faut, dès aujourd’hui, un véritable sursaut républicain au-delà des différences. Appeler à l’élection d’une Assemblée constituante est le symbole démocratique et pacifique qui pourra rassembler les volontés aujourd’hui parcellisées.
André Bellon
Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale
Auteur de « Ceci n’est pas une dictature »
Le 22 juillet 2018