La nécessaire reconstruction des institutions vient du fait que les oligarchies possèdent depuis longtemps les dites institutions (justice, police, conseil national électoral…). Pour remplacer l’ancienne classe politique, il faut donc avancer pas à pas, au fur et à mesure que de nouvelles compétences surgissent au sein du peuple. Les présidents précédents finirent par trahir les électeurs et les mêmes craintes naquirent après l’installation au pouvoir de Correa mais depuis presque trois ans sa politique rassure les forces sociales d’où le succès électoral d’hier.
Que dire alors des adversaires du pouvoir ?
Comme en Bolivie, ils sont regroupés dans une région riche, là où le NON l’a emporté d’un fil : Guayaquil. Un milliardaire est à leur tête, Jaime Nebot le maire de Guayaquil.
L’incontestable victoire électorale de la gauche va-t-elle changer les stratégies des uns et des autres ?
En ayant perdu beaucoup de relais au sein de l’Etat, les oligarchies sont-elles neutralisées ?
Si par rapport au Venezuela, la stratégie de Correa est plus discrète (pas question par exemple d’abandonner le dollar comme monnaie nationale), par rapport à la Bolivie, elle a évité l’écueil de l’autonomie.
Ceux qui veulent se plonger dans les détails de la nouvelle constitution, la trouveront sur le site du journal La Hora (je travaille à l’édition d’une traduction), pour le moment, je me limite à évoquer le calendrier qui naît de la nouvelle configuration.
Il s’agit d’un nouveau calendrier électoral centré plus que jamais sur l’élection présidentielle. C’est un phénomène à étudier, que celui de la présidentialisation des républiques. A mes yeux, il tient aux nécessités du Roi Marketing, qui a besoin pour exister d’un produit à vendre, à savoir l’image d’un homme ou d’une femme. Or le roi marketing impose la mort du politique puisqu’il ne vise pas à créer une conscience sociale mais à s’aligner sur les idées dominantes.
De plus, cet homme ou cette femme élu ne manque pas de rappeler à chaque occasion qu’il ou elle doit sa victoire à Dieu (il m’est arrivé d’intervenir sur cette question dans un article précédent sur l’Equateur). Si la constitution équatorienne développe les pouvoirs du peuple, elle confirme en même temps cette personnalisation dangereuse du politique. Correa a beau dire à ses proches qu’ils peuvent, comme lui, postuler à la charge suprême, tout le monde en doute.
Ce calendrier électoral n’est cependant pas le seul en vu. Dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats, tous les magistrats de la Cour suprême terminent leur mandat, 21 seront repêchés par un tirage au sort pour la nouvelle Cour nationale de justice. Et dans les 180 jours c’est un Conseil national de justice qui va être mis en place.
De même, dans les 15 jours, doit se mettre en place le concours qui permettra de créer le Conseil de la participation citoyenne.
Avec des infrastructures plus démocratiques, le pays va-t-il enfin sortir de la misère qui fait que des milliers d’Equatoriens tentent l’aventure de l’immigration pour survivre ? Juste avant le vote, Correa a augmenté les salaires de 10 à 15%, un petit bol d’oxygène pour les travailleurs du pays, un pays qui a tout pour lui. La terre agricole est d’une extrême richesse et peut très bien nourrir tout le pays. Les richesses minières ne manquent pas, aussi le contrôle du pouvoir sur les multinationales devrait permettre enfin que la consommation nationale ne se fasse plus au prix fort. Mais est-ce possible sans nationalisation ? Pour le moment le choix de Correa repose sur la négociation et le contrôle public. Pourra-t-il tenir longtemps ? La suite des événements dans ce petit pays sera un apport spécifique à la réflexion générale de la gauche. 29-09-2008 Jean-Paul Damaggio