J’écrivais dans mes notes à la date du 5 avril à propos de la campagne présidentielle cette conclusion :
« Je ne sais pas si je voterai dans cette élection d’où rien de bon ne sortira. J’observe que de nombreux citoyens vont s’abstenir, que même des groupes sociaux s’organisent pour agir en faveur de l’abstention. C’est un mouvement que je comprends. Par ailleurs une fraction importante de l’électorat de gauche, effet politiquement différé du mouvement social contre la loi ElKhomri, se regroupe derrière Mélenchon, bien que ce dernier ait fait tout ce qui était en son pouvoir de faire, pour que son mouvement « France Insoumise », suite à la destruction du Parti de Gauche, échappe au contrôle de ceux et celles qui soutiennent sa candidature. Si je vote Mélenchon au premier tour ce sera sur une motivation très précise : tout ce qui concourt à la destruction du Parti d’Epinay est un bien pour les salariés et la jeunesse. Malgré lui, car n’oublions pas que la référence au mitterandisme chez lui n’a rien de sentimental, Mélenchon ne peut réaliser son ambition qu’en marchant sur les os du parti d’Epinay. Que le PS ne soit plus le parti en capacité d’assurer la survie des institutions de la Vème république intéresse tous ceux et celles qui veulent renverser ce régime pourri. On peut donc faire l’effort de voter Mélenchon. »
Le caractère très mouvant de la situation politique, la percée de Mélenchon qui rallie aujourd’hui des secteurs importants de la classe ouvrière et de la jeunesse, le mouvement de ceux et celles qui jusqu’à ce jour envisageaient l’abstention ou le vote blanc et qui sont conduits à voter pour le candidat de « France insoumise », sans le plus souvent partager ses positions, doit nous conduire à modifier notre propre appréciation. Ainsi la position des amis de Gérard Filoche exprimée dans « Démocratie et Socialisme », qui se sont battus avec acharnement pour l’unité Hamon-Mélenchon, fondée d’ailleurs sur le retrait de Mélenchon, est hautement significative. Aujourd’hui ils écrivent : «Jean-Luc Mélenchon est devenu le vote utile à gauche. » Mais laissons un instant de côté le théâtre d’ombre de l’électoralisme dans la Vème république et revenons à la méthode que nous donne le marxisme pour apprécier la situation présente. La survie de la Vème république a été assurée par l’alternance et la capacité du parti de Mitterand d’en assurer la continuité. S’il n’y a plus demain de parti du président, ni à droite, ni à gauche, le mouvement social qui monte en puissance depuis la bataille contre la loi El Khomeri, s’engouffrera dans la brèche. Nous sommes à un moment où la crise du régime va libérer une situation de nature pré-révolutionnaire : même avec les pauvres outils que laisse au peuple les institutions de la Vème république pour exprimer ses aspirations, la percée de la candidature Mélenchon est aujourd’hui significative de ce mouvement profond. Malgré la forêt de drapeau bleu-blanc-rouge, malgré la Marseillaise, malgré le caractère bonapartiste de sa candidature, malgré sa politique à l’international, malgré tout ce qui peut aujourd’hui nous opposer idéologiquement à lui, il est porté par un mouvement qui dépasse de très loin sa propre personne, et sa volonté de devenir un président-bonaparte de la fin de la Vème république.
Apprécions que tout ce qui peut permettre d’hâter la crise finale de la Vème république est bon à prendre, et celle non moins appréciable de la fin du parti d'Epinay, qui a assumé toutes les turpitudes et toutes les trahisons des intérêts vitaux de la classe laborieuse depuis 1983.
Alors votons Mélenchon !