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Alors, en marche avec Rastignac?

Par René Merle • Actualités • Lundi 08/05/2017 • 1 commentaire  • Lu 1690 fois • Version imprimable


Après les résultats, me revient la chanson scoute (quelque peu pétainiste à son corps défendant) qu’au lendemain de la Libération, les moniteurs des laïques colonies de vacances de La Seyne nous faisaient entonner : 

Va d’un bon pas,
Ne faiblis pas,
La route est ta meilleure amie
Mon gars,
Va d’un bon pas,
Ne faiblis pas,
C’est une amie comme il n’y en a pas

Voilà, c’est plié, notre jeune Rastignac accède au pouvoir suprême. Donc, « En Marche », et d'un bon pas... Je ne destine pas ces lignes écrites à chaud à mes amis qui n’ont voté Macron que pour écarter le pire, sans se faire d’illusions sur la suite, et qui comprennent que l’on ait pu voter blanc ou s’abstenir...
Je n’écris pas non plus pour les enthousiastes, aux tee-shirts si délicieusement pastel, qui garnissaient les estrades. Sans doute beaucoup de ces jeunes winners appartiennent à cette catégorie sociologique urbaine où, milieu familial aidant, l’on est persuadé qu’avec une bonne éducation, un bon choix scolaire (pourquoi pas celui d’un établissement privé : le Président y fit ses débuts et son épouse y enseigne), un lycée d’excellence avec accès aux meilleures classes prépa, une bonne pratique de l’anglo-américain, plus une bonne dose d’intelligence et de travail, le chemin de la vie heureuse est grand ouvert. Et le rapport à l’Europe comme à l’outre Atlantique leur apparaît aussi naturel que la respiration. 
Je n’écris pas non plus à destination (d’ailleurs pourquoi me liraient-ils) des jeunes des quartiers populaires qui ont choisi le bulletin Macron, afin que leur potentiel d’initiative et de courage se réalise enfin dans une société plus « ouverte », grâce notamment à l’ubérisation libératrice des énergies. La pérennisation de la Loi Travail ne les choque guère, voués sociologiquement qu’ils sont à l’enfermement du ghetto, aux petits travaux de la démerde, ou tout bonnement au chômage.
Mais c’est à vous que je m’adresse, chers lecteurs, démocrates confirmés, qui en votant Macron n’avaient pas d’autre ambition que de continuer à vivre décemment, tranquillement, heureusement, dans une société dépassant l’éternel affrontement Droite-Gauche par un œcuménisme pragmatique…
Et c’est bien à vous que je m’adresse, chers lecteurs et amis qui ne se sont pas fait faute de me reprocher un procès d’intention au Prétendant, et, pire, de ne pas prendre mes responsabilités contre l’extrême-droite.

Sur le premier point, « procès d’intention », je me permets de vous renvoyer au point de vue que donna le 4 de ce mois un homme respectable et respecté, M. Le Pors, ancien ministre (communiste), aujourd’hui sans parti :

http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2017/05/04/emanuel-macron-cet-homme-est-dangereux/

Sur le second point, « irresponsabilité devant la menace fasciste », je dirai d’abord, sans raconter ma vie, que mon père fut résistant et que, ma vie durant, j’ai essayé d’être fidèle à ses principes. Mais en l’occurrence, je n’ai aucunement l’intention de me culpabiliser. Je n’aurais pas voté blanc si l’atmosphère médiatique et sa prégnance ne m’avaient pas persuadé que Mr Macron serait en tête. Et je n’avais aucune envie de lui donner le blanc-seing d’un vote massif : le souvenir est trop cuisant de ce qu’avait fait J.Chirac de ses 82 % de voix, dont la mienne… Mais si l’expérience Macron est une « cagade », comme on dit par chez moi, il ne faudra pas s'étonner que cette fois, hélas, une majorité de Français se retrouveront dans une extrême droite dédiabolisée, flanquée des gros contingents de la droite extrême. La Pologne et la Hongrie vivent actuellement cette triste expérience, à laquelle l’Autriche a échappé de justesse. 

À ceux qui me font ce reproche de ne pas avoir eu une attitude antifasciste, je dis encore : « plutôt que culpabiliser des démocrates qui ont refusé de choisir entre le pire et le moins pire, bougez-vous un peu, allez au contact des électeurs du Front National, mettez-les devant leurs responsabilités ». Et je leur dis aussi : « Faites pression sur votre favori pour que son quinquennat ne soit pas le prolongement aggravé des deux précédents… ». Les deux arguments sont inséparables.

Un mot encore sur l’électorat du Front national. Il est évident que, en particulier dans les zones de désindustrialisation, une partie des prolos découragés a cru bon se tourner vers le FN (on peut comprendre leurs raisons, mais il n’est pas question de les en excuser). Mais attention, on nous enfume maintenant avec la théorie des deux France, la populaire votant FN, la privilégiée votant contre le FN. On vote largement FN dans presque toutes les campagnes. Et, dans l’agglomération où j’habite, les quartiers résidentiels votent FN autant, sinon plus, que les quartiers populaires. Que je sache d’ailleurs, la ville varoise de Fréjus (qui s’est donnée pour maire FN le conseiller de Mme Le Pen), n’est pas une citadelle prolétarienne…
En fait, ce qui a empoisonné une grande partie du corps électoral depuis la guerre d’Algérie est la haine de l’Autre, c’est-à-dire de l’Arabe qui, après avoir obtenu l’indépendance, s’en vient en France « pour profiter des avantages sociaux et propager le communautarisme » (je mets évidemment des guillemets).
Je me suis expliqué là-dessus il y a presque vingt ans, dans un article de Libération (14 avril 1998), et m’y retrouve toujours :

« La droite extrême enracinée en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur »
http://merlerene.canalblog.com/archives/2014/08/10/31799467.html

 


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Commentaires

par Pascale Cherrier le Samedi 13/05/2017 à 07:54

 "En marche ! " ...arrière...



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