Rappelez vous le 29 janvier au soir. Dans toute
La situation s’inscrit totalement, au lendemain du 19 mars, dans ce que préfiguraient les grandes manœuvres au lendemain du 29 janvier. Rappelons-nous :
- Première étape : dès le soir du 29, couvrant presque la bagarre des chiffres, le Président de la république se dit ouvert. Il recevra d’ici une semaine les responsables syndicaux. Ceux-ci, loin de faire valoir l’impatience des millions dont certains sont au bord du précipice, acceptent. Rendez-vous donc 7 jours plus tard, début février !
- Deuxième étape : Dans les entreprises, dans les services on s’interroge sur la façon de procéder des responsables au regard des enjeux. Vide syndical, mais aussi vide politique total sont au cœur de la réflexion. Du coup, roulement de mécanique. « Sarkozy devra faire avec la mobilisation, sinon on s’y mettra à nouveau, encore plus fort » disent d’une seule voix les responsables des grandes centrales syndicales.
- Troisième étape : réunion à l’Elysée comme prévu. Les responsables sortent de là en se disant « ébranlés ». Pas moins ! « Il y a eu des avancées » déclare Bernard Thibault, propos dont le sens est repris par les autres responsables, François Chérèque, Jean-Claude Mailly, etc.…. Mais là encore le discours passe mal dans la vraie vie. Car pendant qu’on est « en haut » sur le point de se congratuler, « en bas », dans les entreprises, les relations se tendent. Le chômage technique, les plans sociaux, les fermetures se succèdent à un rythme infernal. Du coup, changement de ton au sommet, ou presque. « Les avancées sont insuffisantes… ». Et d’annoncer une nouvelle journée encore plus importante que la précédente. Quand ? Dans deux jours, trois peut-être ? Juste assez pour battre le fer lorsqu’il est encore chaud ? Non, le 19 mars décident ensemble tous les responsables, Thibault, Chérèque et Mailly en tête…
Ouf ! Les ministres déconfits au soir du 29 janvier reprennent des couleurs.
Un appel qui ne préfigure rien de bon
Après avoir rencontré le président de la république voila que les responsables syndicaux appellent à une nouvelle journée de manifestation et de grève. Sur ce terrain plane l’ombre des journées d’action à répétition, dont l’efficacité est avérée pour la perte d’une journée de salaire, mais fort peu pour l’obtention de quelque avancée sociale. Pourtant, dans le climat d’ensemble d’accélération de la crise économique et sociale, les millions de salariés, d’employés, d’ouvriers, de retraités et de jeunes frappés cherchent les moyens de s’exprimer. Une question est posée, centrale dans la situation : si la crise du mode de production capitaliste ne laisse comme issue que l’aggravation des conditions pour des millions et des millions d’individus, si la sortie de crise dans ce système ne peut se faire qu’au détriment de la vie de ces millions, alors quelle réponse politique, quelle alternative, quelle issue pour que la grande masse ne soit pas victime de la remise sur pied du système capitaliste dont les crises sont une constante.
C’est alors que les organisations politiques de « gauche », toutes réunies, signent un texte dans la perspective de la mobilisation du 19 mars qui fait figure de nouveau programme commun. On y trouve la signature du Parti socialiste, du parti communiste français, du parti de gauche, du NPA, des alternatifs en tout genre ou encore des alter Ecolos…
Outre le constat qu’il n’existe décidemment pas de grosses divergences sur le fond entre tous ceux qui rivalisent à coup de listes électorales pour avoir des élus aux élections européennes, on y trouve un aveu d’impuissance totale pour offrir une alternative politique à celle qui est menée aujourd’hui par Nicolas Sarkozy et son gouvernement. En réalité, tous étant alignés sur la gestion du système établi, les divergences, s’il y en a, ne peuvent exister qu’à la marge.
Les termes sont éloquents. Ainsi, peut-on lire en guise d’introduction à cette déclaration commune:
« Depuis l'imposante journée de grève interprofessionnelle et de manifestations du 29 janvier, la mobilisation sociale se poursuit avec force. La grève reconductible dans les universités, les actions dans les hôpitaux, la persistance de la grève générale en Guadeloupe et son extension à la Martinique et à la Réunion en témoignent. Aucune réponse concrète n'est apportée par le gouvernement ».
Les mots ont un sens. Le gouvernement n’apporterait donc « aucune réponse concrète ». C’est ne pas voir, ou ne pas vouloir voir, la nature de la crise que nous traversons et en conséquence le contenu des réponses qu’apporte bien le gouvernement.
La crise qui traverse le pays et le monde est une crise non financière comme cela a été rabâché, mais une crise du capitalisme, c'est-à-dire d’un mode de production qui ne parvient plus à réaliser l’accumulation et la rotation du capital. Ce qui se passe dans l’automobile est révélateur. La crise vient de loin comme crise de surproduction, c'est-à-dire comme l’incapacité à écouler les marchandises, donc à réaliser le profit. Ce qui est vrai là ne l’est pas moins dans tous les secteurs. Il s’agit d’une crise du système. Et le gouvernement prend bien une série de mesures pour répondre à cette crise. « Pas suffisamment concrètes » nous dit-on. Mais de quoi s’agit-il ? Au compte de quoi ces mesures, dans quel but ? Cela nul ne désire vraiment l’aborder.
Lorsque le président évoque la moralisation du capitalisme, il dit dans la « novlangue » dont il a coutume que l’objectif est de sauver le capitalisme de la banqueroute. Et pour cela les mesures sont là, clairement affichées : plus de 370 milliards d’euros dans un premier temps, des dizaines de milliards supplémentaires ensuite pour sauver banques et spéculateurs. Des dizaines de milliards d’euros pour aider les grandes industries automobiles. Cela pour aider à remettre sur pied des marques dans l’objectif de licenciements massifs, indispensables à la relance de la machine capitaliste.
Et dans ce contexte –on pourrait d’ailleurs multiplier les exemples- les responsables syndicaux et politiques du PS, PCF, PG, NPA, etc.… considèrent qu’il « n’apporte pas de réponse suffisante », qu’il « n’en fait pas assez » ! Pas assez pour sauver le système peut-être. Ce qui est d’ailleurs la cohérence réelle de toutes les discussions sur l’ampleur des plans de relances ici et dans le monde.
Mais pour les salariés, les employés, les ouvriers, les retraités, les jeunes, n’en fait-il pas trop ? A moins de considérer qu’hors du système capitaliste en place, point de salut…
Pourtant une situation explosive ! Mais quelles réponses à la hauteur ?
La réalité est là, insupportable pour des millions de nos concitoyens directement menacés de sombrer. Chaque minute en effet, plus d’un travailleur est rejeté au chômage. Dans la lignée de ce qui s’est amorcé aux Etats-Unis depuis le déclanchement de la crise dite des « subprimes », aucune région du monde n’est épargné. Les chiffres en France dépassent tous les pronostics, les plus pessimistes. L’industrie avec Continental, Total, ou encore la pétrochimie, les laboratoires, le textile, l’aérospatiale et évidemment l’automobile, tout est maintenant touché au cœur après que les sous-traitants ont été les premiers à subir la crise et ses effets.
Les milliards distribués pour sauver le système sont d’ores et déjà budgétés sur le dos de la collectivité. Les autorités indiquent que les services publics et les fonctionnaires devront se rendre à l’évidence. Ils coûteraient trop cher donc seraient condamnés.
Dans l’éducation nationale, des dizaines de milliers de postes sont en passe d’être gommés. Dans la santé, ce sont aux hôpitaux que madame Bachelot décide de s’attacher, avec comme première conséquence les difficultés à pratiquer la médecine de proximité. La sécurité sociale est mise à mal, les assurances privées lorgnant sur la manne que représente le marché de la santé. Le président de la république annonce un objectif de retour à l’équilibre pour 2012. Ce qui en clair signifie la fermeture de centaines de services et de structures au nom d’une rentabilité sur laquelle se penche avec assiduité la fédération hospitalière de France que dirige l’ancien ministre socialiste Claude Evin.
Cette situation d’ensemble est explosive. Explosive parce que par millions les citoyens n’en peuvent plus, incapables de prévoir l’essentiel. L’emploi, le travail, le salaire, la santé, l’éducation, les services publics, tous nos droits fondamentaux, des droits constitutionnels, sont aujourd’hui remis en question.
Voila la raison pour laquelle la stratégie des journées d’action, dans laquelle s’inscrivait clairement celle du 19 mars après le 29 janvier, ne parvient pas, même si elle désoriente et démoralise, à casser, voire à limiter, une mobilisation qui au contraire va crescendo. Mais dans ce contexte, la question centrale de l’alternative politique en terme de programme va prendre une place de plus en plus cruciale. Car tous sentent bien que la question qui est posée est celle de la remise en question d’un système de propriété des moyens de production qui génère les crises aujourd’hui comme hier, et sans aucun doute comme demain s’il demeure le système en place. Une question dés lors traverse toutes les couches de la société. Quel gouvernement à la place de celui qui est à l’œuvre ? Et donc quelle orientation pour éviter que la même politique produise les mêmes effets ?
Des responsables politiques – et syndicaux sur le terrain des intérêts immédiats à défendre- ne devraient-ils pas aujourd’hui, comme élément de rupture avec l’organisation économique et sociale qui organise la crise et rejette des millions dans la misère, poser quelques mesures d’urgence au centre de leur programme ?
-> L’expropriation sans rachat des expropriateurs, c'est-à-dire la nationalisation des moyens de production, sans indemnisation des actionnaires qui depuis des lustres se gavent sur le travail au détriment de l’intérêt général…
-> La mise en place d’un grand secteur nationalisé bancaire, seul à même de maîtriser la monnaie, le crédit et donc d’aider les entreprises qui les unes après les autres mettent la clé sous la porte alors que les fonds débloqués permettent aux banques d’éponger les dettes et aux spéculateurs de se remettre à spéculer….
….
Mais les responsables politiques et syndicaux sont loin, très loin, de poser en ces termes les questions. D’où des réponses en terme d’action qui mérite le détour.
Bernard Thibault dans le texte une fois encore
A la veille du 19 mars, Bernard Thibaud était interviewé par le journal « le Monde ». Constant, le leader de la CGT n’a pas bougé d’un pouce sur les positions qui lui ont fait annoncer, au lendemain du 29 janvier une nouvelle date de protestation pratiquement deux mois plus tard…
Qu’on en juge !
-> Question : Qu’allez vous faire après le 29 mars
-> Réponse : Si la mobilisation est plus importante que le 29 janvier, de sera un évènement politique. Cela signifiera que le désaccord s’amplifie avec la politique du gouvernement et celle des entreprises.
-> Question : En clair ?
-> Réponse : Le chef de l’état doit accepter de discuter nos propositions. Il ne peut pas dire que c’est une crise sans précédent et partir du principe que les réformes sont décidées, et qu’il ne faut pas changer de cap. Cela nous emmène à continuer la mobilisation. On décidera au lendemain du 19, que le 1er mai ne soit pas protocolaire mais revendicatif. Et pour entretenir la mobilisation nationale avec des initiatives qui pourraient par exemple être régionales.
Voila en effet qui a le mérite de ne pas manier la langue de bois. Le responsable national de la CGT annonce, alors même que la mobilisation du 19 n’a pas encore eu lieue, alors que nul ne sait l’ampleur qu’elle aura, que la perspective est un nouvelle journée de manifestation dans… un mois et demi et d’ici là une série d’initiatives régionales, alors que tout dans la situation présente appelle une réponse politique et sociale d’ensemble.
La déclaration de Bernard Thibault, d’une telle netteté, n’est-elle pas à la fois preuve d’inquiétude et de faiblesse. Inquiétude sans doute de voir déferler encore plus nombreux les ouvriers et salariés qui pourraient bien être tentés de s’émanciper du cadre fixé par les centrales syndicales. Faiblesse car l’annonce avant même la tenue du 19 mars faite par le responsable de la CGT indique sans fard qu’il n’y a rien à attendre des consignes syndicales pour poser des exigences alternatives au système capitalistes pour sortir de la crise…
Nicolas Sarkozy et le gouvernement doivent être apeurés par une telle détermination, une telle échéance, un tel enthousiasme… Dés lors rien n’interdit plus la marche en avant de la politique gouvernementale qui pour sauver le capitalisme au nom de sa moralisation bien sûr soutient, voire conseille, les entreprises qui « ne peuvent plus différer leur réorganisation », c'est-à-dire les plans de licenciement encore plus massif qu’aujourd’hui.
Les licenciements, question centrale
En réalité, l’orientation des organisations syndicales –journée d’action à répétition jusqu’à épuisement des troupes- est sur leur terrain complémentaire de l’orientation politique qui rassemblait il y a encore peu de temps toutes les organisations politiques, PS, Parti de gauche, MRC, NPA et autres alternatifs ou alter mondialistes sur la réponse à apporter aux licenciements.
Jusqu’à ces derniers jours où est apparue une différence sur la façon d’appréhender la question des licenciements, la question était centrée sur les licenciements boursiers, ce qui sans le dire explicitement impliquait une certaine compréhension des licenciements dans les entreprises qui ne pourraient faire autrement.
Nous avons analysé ici la racine d’une telle position qui se résume au combat pour améliorer le système en éradiquant le « méchant capitalisme » en opposition au « capitalisme raisonnable, humain ».
Nous avons montré en quoi cette position était à la fois sans fondement et totalement ignorante des réalités économiques et sociales. Les licenciements sont en effet tous équivalents, de grosses entreprises bénéficiaires comme de petites PME ou autres sous-traitants, car leur racine, une fois encore, se trouve dans le système lui-même qui génère la crise. Il n’y a pas une crise financière dont les rapports sociaux seraient étrangers, mais bien une crise du capitalisme qui se réfracte sur les marchés financiers avec grande violence.
Observons ce qui se passe actuellement dans la vallée de l’Arve. Comme le relate le journal « Le Monde » du 18 mars 2009, la première concentration mondiale d'entreprises spécialisées dans le décolletage (usinage de petites pièces en métal), qui se trouve là au pied du Mont-blanc, connaît aujourd'hui les pires heures de son histoire. Les 500 sociétés installées autour de Cluses, sur une trentaine de kilomètres, employant 11 000 salariés, dépendent en effet pour 60 % de l'industrie automobile.
La brutale chute des ventes de voitures neuves a eu un impact immédiat sur ce secteur d'activité, l'un des moteurs traditionnels de l'économie haut-savoyarde. " Les commandes ont baissé de 30 % à 70 % depuis plusieurs mois ", confirme Lionel Baud, président du Syndicat national du décolletage (SNDec). Avec des conséquences instantanées sur l'emploi. Un processus qui remonte à la mi 2008, expression d’une crise de surproduction se réfractant sur le terrain économique et social. Les travailleurs intérimaires ont été les premières victimes, représentant les 2/3 des 2000 chômeurs supplémentaires recensés sur le secteur clusien. Le chômage y a augmenté de 65,2% en une année et le pire serait à venir.
Ces licenciements n’ont rien de boursiers ! Ce ne sont que des licenciements produits par la crise de surproduction que le capitalisme provoque. Faut-il pour autant les accepter ? Poser la question, c’est évidemment y répondre, à l’opposé de la position défendue par le parti socialiste, le parti de gauche, et quelques autres… Faudrait-il en effet expliquer que tout se joue sur le filet de sécurité « offert » aux employés, comme monsieur Chérèque s’y est employé sur le terrain ébroïcien ces derniers jours ? Faut-il demander un bon aménagement permettant une gestion sociale du chômage en lieu et place de l’emploi, du travail, du salaire ? Faut-il se ranger derrière la fameuse « sécurité sociale professionnelle » si chère une fois encore à Bernard Thibault et François Chérèque, synonyme de l’acceptation des suppressions d’emplois, liquidation des métiers, institutionnalisation de la précarité ? Ou au contraire faut-il, au risque de remettre en question le système lui-même de la propriété privée des moyens de production, exiger l’interdiction de tous les licenciements ? Et pour cela mettre en avant les revendications politiques minimales qui correspondent à l’intérêt collectif.
Sans attendre, face à l'urgence, comme l'indiquent déjà militants et élus du PCF, du PS, du PG, d'organisations syndicales ou d'associations aux côtés de citoyens qui s'engagent, l'interdiction des licenciements et la défense de nos droits fondamentaux, école, santé, logement, etc... devrait imposer l'unité de toutes les organisations ouvriéres et démocratiques, des associations et syndicats, sans plus tarder.
Plus profondément, quelques mesures inévitables déjà évoquées précédemment remettant en cause la propriété privée des moyens de production, remettant à l’ordre du jour la nationalisation, devraient être au cœur du débat pour qui voudrait réellement combattre la catastrophe que subissent des millions de compatriotes avant d’autres qui ne sont encore touchés, mais qui sont sur la liste, souvent sans le savoir.
Mais si la gauche aujourd’hui n’offre aucune perspective alternative, ce n’est pas d’abord faute de combativité des salariés, des ouvriers, des employés, des retraités, des jeunes. C’est d’abord faute d’un programme en rupture avec le système établi.
Jacques Cotta
Le 20 mars 2009
Que dire , à part que nous , je , aimerions et souhaitons cette rupture .Je suis en colère quant aux pseudo "propositions" faîtes par les responsables syndicaux ! idem pour les formations politiques ! Ce système ne fonctionne pas , n'est pas fait et bon pour le peuple et seulement fait pour une minorité , une très petite minorité !
Faut il que les bases syndicales virent leurs représentants , sûrement !
Comme je l'ai écrit hier , beaucoup de désarroi dans les yeux des responsables et militants syndicaux dans le Loiret Ce ne sont point de mauvais bougres , ici aussi il y a manipulation mentale des masses au sein des bases via le sommet des différents chefs syndicaux .Et pourtant que de monde dans les rues !
Il y a bien quelque chose qui cloche , je l'ai vu au niveau des comportements des personnes dans la rue , plombées , assommées , atterrées , aveuglées et désespérées.
Depuis une bonne année maintenant , j'ai vu les comportements changer suite aux différentes manifestations , rassemblements ou ceux qui appelaient se sentaient "forts" , tout du moins étaient satifaits d' avoir mener à bien leur action ...Ce n'ai vraiment pas ce que j'ai vu hier .Je n'en ai pas tellement dormi , cette année passée aux cotés de militants , la découverte du militantisme , beaucoup de choses me sont revenues en tête.
Excellent papier !!