Mais une chose est certaine, massivement le NON vient de la gauche.
Socialement d’abord : le poids du vote NON est inversement proportionnel au salaire. Les ouvriers et les employés sont massivement hostiles au TCE, alors que les classes moyennes supérieures y sont massivement favorables.
Socialement encore : la CGT, la FSU, l’UNEF ont directement appelé à voter NON. Force Ouvrière, sans prendre une position directe (comme elle l’avait fait lors du référendum contre de Gaulle en 1969) ne ménage pas ses critiques à l’égard de la soi-disant Constitution européenne. La CGT-FO a même claqué la porte en réunion de la CES, pour protester contre l’appel de cette organisation intégrée à voter oui.
Politiquement ensuite : les électeurs de gauche se retrouvent massivement dans le vote NON. L’électorat socialiste, bien que très partagé (à l’instar de sa composition sociale, car le PS est devenu aussi un parti de la bourgeoisie libérale) penche cependant à gauche. L’électorat vert est aussi nettement opposé à sa direction qui fait campagne devant des salles vides. Et on assiste, pour la première fois depuis longtemps, à une mobilisation politique de ce « peuple de gauche », socialiste, communiste, républicain, trotskyste ... dans les innombrables meetings et réunions publiques tenues jusque dans les plus petits bourgs, tant par le PCF, PRS, que les amis d’Henri Emmanuelli ou ATTAC.
L’unité de la gauche se fait sur le NON.
C’est bien pourquoi on tente de regonfler la baudruche Le Pen en vue d’effrayer l’électorat socialiste hésitant. Las ! Le Pen n’est plus qu’un vieillard décati qui fait campagne sans bruit dans des salons d’hôtel. Si Villiers surnage, Pasqua (et sa maison avec lui) coule. Pas de chance pour les partisans du oui.
Si le NON rassemble la gauche, en revanche, il est clair que le OUI rassemble la droite, plus de 80% des électeurs UMP et 70% des électeurs UDF s’apprêtent à voter OUI. La droite classique a reçu le renfort attendu de la deuxième droite, celle qui dirige le parti socialiste - peut-être faudrait-il mettre des guillemets... En faisant de la « concurrence libre et non faussée » leur dogme premier, les amis de Hollande (qui est au socialisme ce que le « caprice des dieux » est au fromage) et ceux de DSK (un spécialiste bien connus en conseils aux mutualistes...) doivent maintenant dire qu’ils sont contre tout dirigisme économique et qu’ils sont libéraux en économie. Conséquent, Moscovici vote au Parlement européen une résolution qui avait pour objet de renvoyer à la poubelle la directive Bolkestein. Avec le PSE (les shröderiens, les blairistes ou les staliniens repentis qui dirigent la Pologne), il fait bloc avec les partis de droite. On remerciera Moscovici pour cette honnêteté et cette indispensable clarification.
Quel que soit le résultat du référendum, le 30 mai au matin, plus rien ne sera comme avant dans les rapports politiques dans ce pays. Il faut se préparer à en tirer les conséquences.
Le 14 mai 05 - Denis COLLIN
Les résultats du référendum du 29 mai confirment avec éclat ces analyses. La carte du non recoupe largement la carte électorale de la gauche. Le Pas-de-Calais bat des records du NON. La Nièvre et les Pyrénées orientales, la Somme et la Seine-Saint-Denis, la Haute Normandie ou le Limousin. Partout où la gauche est forte, a des traditions, le NON l’emporte largement. Cela se vérifie jusque dans les détails. Evreux, ville du président de l’Assemblée Nationale, qui appelait à voter oui (le fantôme de son père a dû se réveiller en sursaut !), il y a 55% de NON (soit le score de la gauche en 2004) et des points à 75% dans les bureaux des quartiers HLM.
Les ouvriers, les paysans, les jeunes (grande surprise pour les médias branchés !) votent NON. Preuve par l’absurde : la Vendée villieriste vote oui. Et l’Alsace à poussées lepénistes aussi...
Reste à savoir quel vote genre de NON a émis cette gauche populaire. C’est une autre affaire sur laquelle nous reviendrons.
D.C. / 2 juin 2005