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École : Quelques propositions pour une action d’urgence

Par Denis Collin • École • Jeudi 15/02/2007 • 0 commentaires  • Lu 2288 fois • Version imprimable


Tout le monde en convient, la situation de l’instruction publique dans notre pays n’est pas bonne. Sous la pression des lobbies patronaux, des modes intellectuelles changeantes, des interventions de toutes sortes de groupes d’influence ... et de l’idéologie dominante du « tout pour le marché », les réformes successives ont engagé notre système scolaire dans des impasses alors que la nécessité d’une solide formation de bases pour tous les jeunes s’impose plus que jamais. Sous prétexte d’« employabilité » et « d’adaptation » au « monde moderne » (c’est-à-dire aux exigences du profit maximum), tous les progrès incontestables de la démocratisation de l’instruction au cours des trois décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale sont en train d’être remis en cause, livrant une jeunesse désarmée à un système économique pour lequel les humains sont transformés en ressources humaines.

Il suffit pour s’en convaincre de juger les résultats du système à l’aune de ses propres objectifs. En 1984, toute la nation, à travers ses représentants, toutes tendances confondues, se fixait l’objectif d’amener 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Plus de deux décennies plus tard nous en sommes encore très loin (environ 60%) et surtout, bien que les programmes et les exigences aient été considérablement “ allégés ”, rien n’indique que nous soyons en mesure d’atteindre un jour cet objectif puisque, depuis quelques années, nous assistons à un début de régression, c’est-à-dire à l’inversion d’une courbe séculaire d’élévation du niveau scolaire de la population. Des masses considérables continuent de sortir du système sans diplôme ou avec des diplômes sans la moindre valeur. La ségrégation scolaire s’est aggravée : ainsi le taux d’élèves issus des classes populaires intégrant les grandes écoles s’est effondré. La promotion par l’école est devenue largement un mythe.

On arguera que, sous l’influence des gouvernements de gauche, en particulier, l’éducation est devenue le premier budget de la nation et que, par conséquent, ce n’est pas la bonne volonté des gouvernements qui peut être mise en cause. Les comparaisons internationales donnent un autre éclairage à ces arguments et ce n’est pas un éclairage toujours flatteur pour la France. Si on rapporte les dépenses publiques pour l’éducation au total des dépenses publiques, la France se situe au 14e rang des pays de l’OCDE, et au 8e rang quand on les rapporte au PIB. Si on prend un indicateur significatif qui est celui des salaires des enseignements (un bon témoin de la considération qu’on porte à l’éducation), la France se situe, suivant les indicateurs, entre le 14e et le 18e rang, loin derrière des pays comme la Corée... Au point où nous en sommes, la pire des choses serait de refaire la énième « grande réforme » qui ne pourrait qu’affronter dans le meilleur des cas le scepticisme désabusé des professeurs qui voient chaque ministre imposer ses lubies et celles de ses conseillers. Il faut agir en se donnant quelques principes :
-  Restaurer la dignité des professeurs durement mise à mal ces dernières années et redonner son sens à la vocation de l’enseignement.
-  Agir sur ce qui est le plus facile : les horaires des disciplines, les programmes des disciplines existant actuellement, l’organisation de la vie scolaire.
-  Ne pas bouleverser les structures mais les faire évoluer prudemment là où c’est strictement nécessaire.
-  Rester raisonnable en matière budgétaire. Les promesses jamais tenues discréditent toute volonté politique.
-  Cesser de penser que l’école résoudra tous les problèmes de la société ! Les enfants malheureux à l’école le sont d’abord parce qu’ils sont malheureux hors de l’école et la seule chose digne que la république puisse leur offrir est un havre de paix relative où ils puissent se consacrer à eux-mêmes, c’est-à-dire à leur instruction et au développement de leur esprit et à la maîtrise de leur corps.

Restaurer la dignité des professeurs

Rien n’est possible sans l’engager des professeurs, un engagement dont on sous-estime trop souvent combien il est exigeant et épuisant. Les décrets de 1950 régissant le statut particulier des professeurs s’appuient sur quelques principes qui pourraient sans dommage être remis en vigueur :
-  Les professeurs ne sont pas des fonctionnaires comme les autres ; c’est pourquoi ils n’ont pas d’horaires de travail mais des obligations de service en dehors desquelles ils organisent librement leur travail qui n’est le plus souvent ni quantifiable ni directement contrôlable. Les spécialistes du « management » peuvent le déplorer mais c’est un fait qui tient à la matière même du travail des professeurs.
-  Dans l’enseignement secondaire qui est un enseignement disciplinaire, la légitimité de la parole du professeur repose sur sa maîtrise de sa discipline qui est aussi la garantie de l’objectivité de l’enseignement.
-  L’enseignement tel qu’il a été conçu dans la tradition républicaine est un enseignement « libéral » : le maître ou le professeur est libre de la manière de mettre en œuvre les programmes et l’inspection a pour seule fonction de vérifier que c’est bien cela qui est fait en classe et de conseiller le professeur dans l’accomplissement de sa tâche. L’enseignement général est libéral en un deuxième sens : il est, autant que faire se peut, indépendant de toute finalité utilitaire immédiate et vise d’abord le perfectionnement de l’élève dans tous les domaines. Ce qui veut dire qu’il ne peut être soumis aux pressions extérieures, économiques, religieuses, politiques, associatives...

Ce sont ces trois piliers qu’il faut défendre

1°en abrogeant les mesures sur le remplacement qui permettent de mettre un professeur, pour quelques heures, dans une classe qu’il ne connaît pas et même pour une discipline qui n’est pas la sienne. Il faut aussi abroger les décrets Robien sur la bi-disciplinarité.

2° en restaurant la liberté pédagogique des professeurs, ce qui suppose qu’on cesse de les assujettir aux « projets d’établissements » et aux « conseils pédagogiques » qui se mettent en place, instances où tout le monde est censé pouvoir se mêler de ce qu’il ignore. La seule « équipe pédagogique » utile est celle des professeurs d’une classe donnée qui peuvent coordonner leurs actions sur cette classe et décider de mesures individuelles pour les élèves en difficultés.

3° en redonnant toute sa valeur à la culture générale, y compris la culture classique, notamment celle des langues anciennes, en voie de disparition, ou l’enseignement de langues comme l’allemand qui deviennent des « langues rares » et presque exotiques.

4° en défendant le droit à faire une carrière qui ne soit pas soumise aux caprices des politiques du moment ou à l’animosité d’un chef de service.

5° En rattrapant le pouvoir d’achat perdu depuis 25 ans, c’est-à-dire en revalorisant le point indiciaire et en cessant les pratiques indignes concernant les remboursements de frais engagés par les professeurs pour leur activité (déplacements, stages, etc.)

6° En préparant l’avenir, c’est-à-dire en rompant avec la politique malthusienne de recrutement qui conduira à une grave crise dans les années à venir compte tenu de la dynamique démographique de notre pays : départs massifs en retraite des professeurs ... et augmentation du nombre des élèves en raison d’une augmentation de la population prévisible : les enfants qui passeront le bac en 2024 sont déjà nés !

Agir au niveau du primaire

Il est assez courant d’entendre que le collège est le maillon faible du système. Mais c’est oublier que le collège doit gérer une situation dont il hérite : le nombre d’enfants qui entrent en 6e avec une maîtrise très insuffisante de la lecture grève de toute façon les ambitions que le collège pourrait s’assigner. Le passage quasi-automatique du CM2 à une 6e indifférenciée rend impossible la tâche des enseignants de collège. La question clé est donc bien celle de l’instruction initiale. Il est urgent de restaurer l’enseignement primaire dans ses fonctions essentielles : apprendre à lire, écrire et compter. Ce qui implique qu’on en finisse avec les multiples “ activités d’éveil ” plus ou moins indéterminées, avec la multiplication des intervenants extérieurs pour redonner leur place aux “ fondamentaux ”. La question des « méthodes » est de ce point de vue secondaire. La bonne méthode est celle qui marche ! Le problème est le temps passé par les élèves à lire et surtout à écrire, bref le temps passé à se familiariser avec la langue des livres, c’est-à-dire celle dans laquelle les élèves devront s’instruire.

Il faut restaurer des horaires d’apprentissage de la maîtrise de la langue française dignes de ce nom et replacer l’enseignement de la grammaire au centre de cet enseignement, car la grammaire est l’essence même de la pensée. Il faut également redonner à l’apprentissage du calcul “ à la main ” toute sa place. On peut améliorer les méthodes par lesquelles ces disciplines sont enseignées mais non abandonner la discipline en tant que telle. On doit savoir faire des divisions (avec des décimales) en entrant au collège. Les écoliers japonais n’ont généralement pas droit aux calculettes et consacrent une part importante de leur temps au calcul mental. On peut en revanche s’interroger sur la pertinence de l’enseignement des langues étrangères “ dès la maternelle ”... Une bonne connaissance de la grammaire de sa propre langue, voilà la seule condition sérieuse d’un bon apprentissage des langues étrangères quand le moment viendra. Sauf à penser que la France est un État dont la règle est le bilinguisme, anglais/français ... On pourrait se limiter dans ce domaine à une initiation à une langue étrangère en CM2 - autant que possible pas l’anglais qu’ils auront toujours le temps d’apprendre !

Ce n’est pas revenir à l’école de nos arrière-grands-parents. L’initiation à l’histoire à l’école peut facilement se combiner avec une initiation à l’art - apprendre à regarder un tableau peut faire une excellente leçon d’histoire. La géographie et les sciences naturelles permettent aussi d’apprendre à dessiner...

Enfin, on devrait donner toute la place nécessaire aux arts de la mémoire, récitation, chant, si précieux pour la suite.

En ce qui concerne les rythmes, il serait nécessaire de réfléchir à une modulation en fonction du niveau, beaucoup plus importante qu’elle ne l’est actuellement. L’enfant en CP et l’enfant en CM2 n’est pas le même ! Ses besoins, ses capacités de concentration sont très différentes et l’on pourrait trouver des moyens pour que les horaires scolaires ne soient pas identiques de 6 à 11 ans.

En ce qui concerne la petite enfance, les vertus de l’école maternelle sont reconnues et il serait absurde de la dissoudre dans un « service public de la petite enfance ». Il reste qu’on peut se demander s’il est bien raisonnable de mettre « à l’école » des enfants de 2 ans ou 2 ans et demi.

Refondre progressivement l’enseignement secondaire

Il faut certainement commencer par renoncer à l’idée qu’on doit tout apprendre à tout le monde et au même rythme. Que tous doivent disposer des mêmes possibilités offertes et que l’on agisse pour combler les handicaps et remédier à l’échec scolaire, cela va de soi. Mais cela ne veut pas dire que le collège unique sous les formes actuelles soit un dogme intangible. Il n’est tout simplement pas évident qu’un enfant soit prêt, à 11 ans, à passer d’un seul coup sous l’autorité de multiples maîtres en suivant des disciplines nettement séparées, scandées par la tranche horaire de 55 minutes. Le système du vieux CEG, animé par ces instituteurs spécialisés qu’étaient les PEGC ne manquait pas de vertus et pouvait constituer pour bien des élèves une voie les conduisant au brevet et éventuellement au passage en seconde, rattrapant les élèves de la filière lycée. Pouvons-nous, en changeant ce qui doit être changé, tirer les leçons de ces anciennes expériences et déterminer ce que nous pouvons en faire aujourd’hui ?

De même, en quoi serait-il scandaleux et contraire à l’égalité républicaine de rétablir des filières ? Pourquoi faudrait-il nécessairement faire de la physique au collège. On s’en est très bien passé pendant des décennies... Pourquoi sous couvert de “ technologie ” les élèves devraient-ils apprendre “ les lois du marché ” et quelques autres faux savoirs de la même farine ? Dans l’enseignement initial, les disciplines ne valent pas par leur finalité directe mais par leur caractère formateur pour l’esprit. Ce que l’un apprend en faisant du latin ou du grec, l’autre le pourrait en s’initiant à la loi d’Ohm. Au lieu qu’aujourd’hui on prétend tout faire, mais on supprime de fait les langues anciennes pendant que le bilan de l’enseignement scientifique au collège est catastrophique. En proposant de recréer des filières technologiques dès le niveau de la 4e, Jean-Luc Mélenchon avait mis les pieds dans le plat et provoqué les cris d’orfraie. Ce sont pourtant des propositions qui méritent l’attention. On remarquera que les champions de “ l’élève au centre ” et des “ parcours diversifiés ” s’obstinent au-delà de toute raison à faire entrer tout le monde dans le même moule.

Enfin, nos découpages ancestraux ne sont pas forcément éternels. Si on pense qu’il faut repousser à la fin de la seconde les spécialisations pour le baccalauréat et donc les choix d’avenir les plus importants, mettons le brevet à la fin de la seconde et rajoutons une année pour la préparation du baccalauréat. Ce serait mettre en accord la règle avec les faits, puisque très nombreux sont les élèves qui effectuent la totalité du parcours secondaire en 8, 9 ou 10 ans. D’autres hypothèses peuvent être soumises à la réflexion. En gardant l’organisation actuelle du secondaire, on pourrait rétablir une année de propédeutique en faculté en vue de limiter l’échec massif de la première année de licence, échec qui tient largement à l’insuffisante préparation des élèves à des études universitaires spécialisées.

Rétablir les disciplines

Il ne s’agit pas de mettre en cause la nécessité d’améliorer les techniques pédagogiques. Les enseignants n’ont pas attendus les discours des « spécialistes » pour s’interroger sur leur pédagogie. Mais il faut affirmer bien fort que les « réformes » imposées au cours des dernières années, notamment les réformes Allègre au lycée ou les « parcours diversifiés » au collège, conduisent directement à la destruction de la transmission du savoir. L’introduction de disciplines aux contours indéfinis comme l’ECJS ou de pratiques comme les TPE se fait au nom de l’idéologie « constructiviste » : l’élève trouve en lui-même son propre savoir et s’il échoue c’est essentiellement parce que les professeurs l’empêchent de s’exprimer. Sous couvert de “ mettre l’élève au centre ”, il s’agit de l’enfermer dans ses propres préoccupations, de faire de sa subjectivité le critère ultime de tout jugement, de désapprendre ce qu’est la recherche de l’objectivité. On commence à voir les effets ravageurs de ces lubies sur les élèves des séries scientifiques, ce qui dit bien que le mal est maintenant profond.

Pour les dernières années du cycle terminal on a vu proliférer les options, chaque élève pouvant faire son “ petit marché ” dans la gamme des “ produits ” offerts par l’éducation nationale. Les effets délétères de ces propositions qui flattent le consumérisme scolaire sont déjà bien connus : dislocation des classes, emplois du temps infaisables, dispersion des efforts des élèves, transformation du baccalauréat en une interminable épreuve qui conduit de fait à vider les lycées dès la fin mai ... et, du même coup, au développement des arguments pour en finir avec le bac.

Parallèlement, se développe une idéologie selon laquelle le professeur n’a pas à être compétent dans sa discipline, mais seulement compétent en pédagogie. On pourrait rappeler ce mot d’Alain : “ Si les pédagogues ne sont pas détournés vers d’autres proies, il arrivera que les instituteurs sauront beaucoup de choses et les écoliers ne sauront plus rien. ” L’expérience montre au contraire que les professeurs qui ont le plus de mal à enseigner sont ceux qui dominent moins bien leur propre discipline. L’autorité du professeur, ce n’est rien d’autre que l’autorité que confère la parole légitime et celle-ci ne peut provenir que de la possession d’un savoir rationnel validé.

Quelques propositions peuvent être envisagées.

(1) Supprimer purement et simplement les innovations de l’ère Allègre (TPE, ECJS) et rétablir les enseignements disciplinaires dans toute leur rigueur, avec les mesures adéquates pour renforcer la qualification des enseignants, qui, il faut le reconnaître, laisse parfois à désirer - en autres choses, en raison du caractère disloqué des études universitaires. Cela n’exclut évidemment pas que soient encouragés par des mesures incitatives les travaux interdisciplinaires, non en prétendant faire des collégiens et des lycéens des thésards avant l’heure ou en les initiant au « copier/coller » comme le sont la majorité des TPE actuels, mais en organisant les synergies entre disciplines, trop rares aujourd’hui parce que les programmes sont conçus sans la moindre cohérence, alors qu’à l’évidence s’imposent des rapprochements entre littérature, art et histoire ou entre philosophie et sciences, etc.

(2) À la place de l’ECJS, on devrait introduire un enseignement élémentaire du droit au lycée, obligatoire pour toutes les séries (nul n’est censé ignorer la loi, mais c’est la seule chose que l’école n’enseigne pas !). Cet enseignement prolongerait utilement l’éducation civique du collège et de l’école primaire.

(3) Repenser un certain nombre de programmes qui se fixent des objectifs démesurés et conduisent finalement, devant l’impossibilité d’atteindre ces objectifs, à multiplier les à peu près, et finalement le mépris de la vérité. Comment comprendre quoi que ce soit aux phénomènes physiques les plus complexes (météorologie par exemple) si on ignore les bases de la physique ? Et surtout cesser de courir après la nouveauté : l’école élémentaire (jusqu’au bac), par définition ne peut guère enseigner que les savoirs d’hier en matière scientifique : ceux d’aujourd’hui, c’est le travail de l’enseignement supérieur.

(4) Revenir sur la réforme Jospin et rétablir un plus grand nombre de filières pour le baccalauréat tout en supprimant les multiples options. Il se serait pas aberrant d’avoir 7 ou 8 bacs généraux fondés sur deux ou trois dominantes et deux ou trois sous-dominantes : cela permettrait une large diversité de choix pour les élèves sans avoir des horaires interminables.

(5) Définir clairement ce qu’on attend d’un élève passant le baccalauréat. Doit-il ou non savoir maîtriser la langue française ? Quel niveau d’exigences pour chacune des disciplines ? Il est temps, quoi qu’il en soit, d’en finir avec la planification “ à la soviétique ” des taux de réussite à ce qui doit rester le premier grade universitaire.

(6) Faire un bilan enfin sérieux des IUFM. Il serait sûrement plus judicieux de rétablir des pré-recrutement de fonctionnaires dès la première année d’Université (comme les IPES qu’ont connus les plus âgés d’entre nous) et de concentrer l’année d’apprentissage après réussite au concours à une formation pratique “ sur le terrain ” avec un maître de stage en la personne d’un professeur chevronné. La pédagogie, c’est un savoir-faire, c’est comme nager, ça ne s’apprend pas par les cours théoriques des professionnels des “ sciences de l’éducation ”.

Permettre aux élèves de travailler

L’école ne peut fonctionner et remplir sa mission que si le respect de l’autorité y est garanti. On soutient trop souvent que les élèves ont les mêmes droits que les professeurs, que l’école fonctionne sur les mêmes principes démocratiques que la société dans son ensemble, que les conseils de discipline sont des sortes de tribunaux et que chacun peut y bénéficier de l’assistance d’un avocat. Toutes ces balivernes ont miné la discipline dans les établissements scolaires. S’il est légalement impossible d’exclure de classe un élève perturbateur, si le zéro est une intolérable humiliation - une circulaire avait interdit le zéro l’espace d’un trimestre - il est alors inutile de demander aux enseignants d’enseigner et à l’école d’inculquer des valeurs civiques. Il n’est pas question de revenir au “ lycée-caserne ” napoléonien. De nombreux élèves à problèmes sont en réalité des jeunes en détresse et on doit réfléchir à des mesures adaptées permettant de les prendre en charge - ce qui signifie qu’il faut mettre un terme à la régression des effectifs en assistantes sociales, infirmières, psychologues et médecins scolaires.

Le développement des internats, si cela ne reste pas une vague promesse, est une bonne chose. Outre que ces internats pourraient protéger des jeunes en difficulté (familiale ou autre), ils seraient aussi un moyen de refaire du lycée ou du collège un foyer de vie culturelle (cinéma, théâtre, musique, sport) - puisque, par définition, les internes ne s’envolent pas quand la cloche sonne . Au collège en priorité, mais sans doute aussi au lycée, il faut rétablir les études surveillées jusqu’à 18 ou 19 heures - sur demande des parents. Ce qui implique que soient recrutés des surveillants en rétablissant le statut des MI/SE : un surveillant est un étudiant (donc qui a le bac !) et qui fait des études (la réussite aux examens pouvant être un critère de renouvellement du contrat l’année suivante). Disons-le aussi, même si cela devrait aller de soi, les propositions qu’on entend ici et là sur le retour à la discipline à l’ancienne (port de la blouse ou de l’uniforme, etc.) sont absurdes. Entre le « il est interdit d’interdire » et le « lycée-caserne », la vertu est, comme le plus souvent, dans le juste milieu. La classe doit rester ou redevenir le lieu du travail et le lieu où les élèves ont la parole uniquement à propos de ce qui est en question dans le cours, en respectant les règles de base de la civilité . Mais en dehors de la classe, il faut les laisser souffler !

Conclusion

Au total, l’objectif de « 80% d’une classe d’âge au niveau du bac » était loin d’être absurde et devrait rester un objectif qu’on peut atteindre en s’en donnant les moyens. Mais on ne peut courir après les chiffres en détruisant progressivement les contenus pour se “ mettre au niveau des élèves ”, comme cela est de plus en plus souvent la règle (voir les corrections du bac !).

Les jeunes ne seront pas forcément les moins attentifs à ce discours. Pour qui les connaît un peu, leur angoisse devant la gestion du chaos, qui est la règle l’école, et leur besoin de sécurité sont patents. On remarquera également qu’on peut agir vite sur ce terrain sans dépenser beaucoup d’argent. Il serait facile de montrer combien les “ réformes ” des dernières années ont gaspillé les fonds publics. Les propositions exposées ici sont, au contraire, la plupart du temps économes puisqu’elles aboutiraient à diminuer le nombre global d’heures de cours. Le principal effort porterait sur le personnel de surveillance. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre l’effort en matière de moyens budgétaires (une “ réfiliarisation ” partielle de l’enseignement secondaire demanderait mathématiquement la création d’un assez grands nombres de postes de professeurs). Je veux simplement souligner que la course aux moyens n’a aucun sens si on ne se met pas d’accord sur les tâches et les finalités de l’école. Il ne faut pas non plus tomber dans la course à la baisse indifférenciée des effectifs par classe. Certaines classes (les séries technologiques par exemple) demandent des effectifs réduits (15/20, c’est souvent un maximum) alors que 35 dans des « bonnes classes » ne posent aucune difficulté. Le saupoudrage des dédoublements n’est pas très efficace mais une aide personnalisée en certaines disciplines peut se révéler très utile.


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