France, Italie, deux pays voisins, si proches et si différents, dont les récents résultats électoraux montrent que, devant la crise et le « libéralisme » des directives européennes, les opinions publiques ne réagissent pas de la même façon.
Dans les deux pays, la droite « institutionnelle », qui se réclame du PPE (Parti populaire européen) est en panne. Elle s’est pris une claque en France et ne peut redevenir la première force politique du pays sans l’appui des centristes. En Italie, Forza Italia de Berlusconi n’obtient que 16,82 %. Mais si UMP et FI demeurent naturellement aux aguets, le principal est ailleurs.
Alors qu’en France, l’engagement « libéral » du PS se solde par un effondrement électoral, son alter ego italien du centre gauche, le Parti démocrate (PD) gagne 10 points et obtient le score inégalé de presque 41 % des exprimés (il y a eu 58,69 % de votants, pourcentage supérieur au pourcentage français).
Son leader autoproclamé, et ensuite entériné, le jeune et gourmand blairiste Renzi, totalement converti au néo-libéralisme, a assis son succès sur un mélange d’autoritarisme rassurant (faisant passer en force son déblocage institutionnel avec l’appui de Berlusconi), de démagogie sociale (allègements fiscaux pour les PME et les petits contribuables), d’européanisme assumé mais tempéré par l’exigence de concessions de Bruxelles sur les normes contraignantes… Le tout sur fond de réductions drastiques des dépenses publiques !
On mesure quel vide, quel décervèlement politique, quelle résignation ont suivi le suicide du puissant parti communiste italien, consommé en 1991 au profit d’un curieux rejeton né de ses des noces avec l’ex-Démocratie chrétienne !
Voilà qui bien évidemment ne peut qu’inspirer des dirigeants socialistes français en plein désarroi. Dès avant le scrutin, François Hollande avait annoncé de toute urgence une réforme institutionnelle, Manuel Valls une baisse ou une suppression d’impôts pour les petits contribuables…
Mais ce qui « marche » (provisoirement) en Italie ne « marche » pas en France. Car si le PS français et le PD italien ont chacun leur trublion, ce sont des trublions fort différents. En Italie, le mouvement 5 étoiles de l’agitateur Grillo (21,16 %) est un conglomérat de mécontents de tous horizons, médiatiquement réunis dans l’idéologie sans autre perspective que le « coup de balai » aux politiques. Son recul conséquent de cinq points aux dernières élections montre d’ailleurs sa fragilité. On sait au contraire que le trublion français est une force unifiée, organisée, soudée par un nationalisme baptisé patriotisme, qui depuis des décennies assure son implantation nationale.
En Italie, la xénophobie, voire le racisme fleurissent dans les rangs de Forza Italia, et sont pleinement assumés par la Lega Nord, qui a repris vigueur et même fait des petits au Sud. Mais si le PD avec Renzi surfe sur la tentation présidentialiste à la française, les Italiens ont été vaccinés avec l’épisode fasciste et ne sont pas prêts à soutenir une résurgence de l’autoritarisme fasciste et nationaliste (le parti néo-fasciste désormais respectabilisé s’est depuis longtemps fondu dans la droite institutionnelle). À ce type d’autoritarisme les Italiens ont préféré, il y a peu, l’ubuesque et vulgaire autoritarisme consumériste de Berlusconi, ce néo-fascisme soft et consensuel qu’annonça Pasolini avant d’être massacré…. Dans ces conditions, on conçoit que la séquence française actuelle, avec la victoire du FN, laisse nos Italiens quelque peu déconcertés.
Un mot encore sur la Gauche de la Gauche…
En France, l’effondrement électoral du PS ne profite en rien au petit conglomérat du Front de Gauche, qui stagne à 6 % et ne crie pas victoire !
En Italie, le PD hégémonique a vu apparaître à sa gauche un autre petit conglomérat, « L’Altra Europa », proclamé de « gauche radicale », qui chante victoire… pour avoir dépassé d’un poil les fatidiques 4 %, seuil nécessaire pour obtenir des députés (ils en ont obtenu trois).
En France comme en Italie, le FdG et l’Altra Europa ont pratiqué la référence incantatoire au conglomérat de la gauche radicale grecque "Syriza" (membre du PGE, Parti de la gauche européenne, comme le FdG français). Son leader Tsipras a été invité par le FdG à Paris. Et en Italie, c'est Tsapiras qui était en tête de la liste L'Altra Europa con Tsipras. Syrisa est arrivée en tête avec 26,46 %.
On remarquera que le slogan de L'Altra Europa, "Prima le persone", est le même que celui du FdG, "L'Humain d'abord". Ce qui est très sympathique, mais ne mange pas de pain.
Mais Rifondazione Comunista aussi bien que le PCF, tous deux composantes de ces conglomérats de gauche, et tous deux partisans d'une "autre Europe" ne partagent en rien les positions du Parti communiste grec KKE, (6,1%), radicalement anti UE.