L’originalité de l’élection québécoise 2012 tenait à la traduction « politique » qu’allait produire l’imposante lutte des étudiants du pays (surtout ceux de Montréal), lutte largement soutenue par une partie de la population. Pour Jean Charest, qui décida de dissoudre l’Assemblée pour se sortir cette épine du pied, sa campagne menée contre les étudiants-enfants gâtés devait l’aider à l’emporter, avant que ne lui tombe sur la tête une autre tuile : les révélations de corruption.
Pour Jean Charest, ce fut une bataille de trop. Non seulement son parti a perdu (Le Parti Libéral (PLQ) passe de 42,08% en 2008 à 31,2% et de 66 à 50 sièges) mais lui-même n’a pas pu se faire élire député. Car en effet, si le système électoral anglo-saxon du pays a des inconvénients quant à la juste représentation de l’électorat, il a l’avantage de ne pas être une l’élection présidentielle : un leader politique peut se trouver à terre.
La Coalition Avenir Québec (CAQ) fondée par les rescapés de la défunte ADQ (droite) et des transfuges du PQ fait donc une percée spectaculaire passant de 16,37% et 7 sièges pour l'ADQ à 27,1% mais n'a que 19 sièges. Ce sont eux qui enregistrent la plus grande progression en captant l’essentiel du vote PLQ perdu.
Dans la tradition québécoise on peut aisément imaginer demain une alliance entre les vestiges du Parti libéral de Charest, et ce nouveau parti si un nouveau leader capable d’unifier l’ensemble émerge. Ensemble ils peuvent au moment où ils le choisiront faire chuter le nouveau pouvoir.
En effet le Parti québécois ne peut prétendre être le grand gagnant de cette élection même s’il obtient à nouveau le poste de premier ministre. Il passe de 35,17% à 31,9% et de 51 à 54 sièges. Paradoxe : il perd des points de pourcentages mais gagne 3 sièges. Il n’aura pas de gouvernement majoritaire stable puisqu’il lui manque 9 députés.
Sans entrer ici plus loin dans les comparaisons, les avancées de la gauche aux dernières élections fédérales avec le vote NPD ne se retrouve pas dans l’élection du 4 septembre.
Concrètement, la lutte des étudiants qui a relancé l’enthousiasme politique (au sens large du mot), si elle a réussi à déstabiliser le système n’a pas suscité une avance large de la gauche. Le gain de QS compense juste la perte en pourcentage du PQ.
Pour moi c’est la confirmation qu’il n’y a pas de lien direct entre une lutte sociale et le résultat électoral immédiat. Parce que sans doute la bataille des idées met des années avant de se traduire en votes. Si on réduit Mai 68 en France aux résultats des élections législatives très à droite de juin 68, on rate totalement la vague de fond produite dans les consciences de tous bords, pendant toute la décennie 70. La victoire de Mitterrand en 81 a été une façon de conclure cette vague. Jean Charest a essayé de faire peur. Avec le temps cette peur va reculer et la nature des enjeux globaux de la lutte vont mieux apparaître. Il n’est pas impossible cependant que les élections servent parfois à imposer des reculs aux luttes sociales.
Mais Québec solidaire n’a cessé de le répéter, faire tomber le gouvernement ne suffisait pas et si l’avancée de ce parti est réjouissante, elle est nettement inférieure à celle du CAQ qui apparaît davantage comme une alternative possible, si le PQ en situation fragile s’effondre. Je pense bien sûr que comme le PQ l’a promis il va annuler la hausse des frais de scolarité et à ce titre la lutte devient victorieuse. Ce qui permet de dire que les grèves étudiantes ne sont pas de même nature qu’Occupy Wall Street par exemple. D’un côté il y avait une lutte syndicale précise et de l’autre un mouvement vague qui s’est réduit à un moment de fièvre. Pour revenir sur ce rapport entre luttes et votes, je repense à la Révolution tranquille au Québec, qui des années après a donné naissance justement au Parti Québécois.
Québec / Elections québécoises : mi figues- mi raisins - Vendémiaire : " Par Jean-Paul Damaggio • Lundi 10/09/2012 "