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En passant par Villeneuve sur Lot

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Mardi 18/06/2013 • 0 commentaires  • Lu 1920 fois • Version imprimable


La simple bastide du Lot-et-Garonne, grâce à son député-maire, est devenue médiatique ce qui ne signifie pas bien connue. Pour mon dernier passage, j’espérais, au salon du livre, y écouter Lény Escudéro présenter son autobiographie mais l’heure du rendez-vous avait changé alors on l’a raté.

D’après Mediapart, les législatives partielles viennent d’en faire le lieu d’un séisme électoral. Des grands mots auto-glorificateurs puisque Mediapart est à l’origine de toute l’affaire.

Non, le séisme n’est pas venu de la majorité d’abstentionnistes mais du score obtenu par le Front national.

Aucune étude d’envergure pour étayer la thèse, juste la reprise d’un résultat qui a certes quelque intérêt à condition qu’il ne soit pas instrumentalisé pour justifier des idées fausses.

Pour France Inter, un journaliste est allé à Sainte-Livrade où les cités ne sont pas au coin de la rue et a constaté que le FN y faisait un bon score. Je le vois mal aller dans les beaux quartiers de Villeneuve sur Lot pour la même enquête ! Même si à Villeneuve le FN est en tête et au-dessus de sa moyenne ! Non, c’est entendu le petit peuple vote FN et sans la moindre raison évidente vu l’absence d’étrangers.

Non, je ne vais pas me lancer dans une thèse pour évoquer le Lot et Garonne et cette élection hors norme. Juste rappeler que depuis 1984 ce département comme le département voisin (le mien, le Tarn-et-Garonne) sont les plus fortement FN de leurs régions, l’Aquitaine pour l’un et Midi-Pyrénées pour l’autre. Avec au départ un écart important entre la vallée de la Garonne fortement FN et les points plus écartés (comme Villeneuve) plus réticents. Le Lot et Garonne cher à Jean-François Poncet est tourné vers Bordeaux et son centrisme ordinaire comme le Tarn-et-Garonne l’est vers Toulouse et son radicalisme bon enfant (certains disent cassoulet). Nous sommes dans des zones paisibles mais où l’effet FN se globalise. Pas surprenant si le tout jeune candidat FN venait de la vallée et pas surprenant s’il a continué à faire avancer les succès électoraux de son parti.

En guise d’avancée il s’agit, c’est vrai, d’un bond mais sans doute relatif : FN passe de 7566 à 8552 voix c’est-à-dire de 15 à 26 %. Vu le maintient en pourcentage des autres candidats on peut penser qu’il prend surtout de voix au PS, c’est-à-dire à des électrices et électeurs souhaitant ainsi exprimer leurs diverses colères.

Tout électorat, passé la barre de 5% est divers, multiple et la raison d’être d’un parti politique c’est de réussir à cumuler ces diversités quand parfois elles se soustraient. Le FN y réussit.

Le Front de Gauche ?

Le Lot et Garonne a été fortement communiste grâce à un paysan hors du commun, Renaud Jean, devenu député dès 1920. Cette tradition est oubliée et n’arrive pas à renaître. Aujourd’hui comme hier les voix PS ne sont pas allés au Front de Gauche comme l’espère ses dirigeants. Bien sûr certains diront (et je connais leur audace) qu’en passant en pourcentage de 4,5 à 5%, c’est tout de même une progression appréciable en ces temps difficiles… En voix la même candidate passe de 2169 à 1670 voix.

Or, je compare législatives à législatives. Si j’ajoutais les résultats de l’élection présidentielle qui est toujours donnée comme référence du poids de ce courant, nous serions encore plus loin du compte.

Je fais là un constat qui mériterait réflexion quant à la stratégie et à l’analyse du F.N.

L’UMP ?

Le succès du F.N. ne serait pas ce qu’il est si le candidat de droite pouvait convaincre mais lui aussi fait les frais de l’opération. L’UMP passe de 27 à 28 % en perdant tout de même 3500 voix ! (de 13 006 à 9431). Son candidat est un cumulard de « haut-vol »dans la « bonne » tradition politique qui pourtant ne fait plus recette. Quand le journal télévisé se contente d’un micro-trottoir pour demander à des gens leur vote, nous sommes au degré zéro de l’information qui est compensée par des questions à des sondeurs qui sont à l’autre bout du néant. Il paraît que ce sont les politiques qui ne connaissent pas la vie des gens. Et les journalistes ? Ils braquent le projecteur sur un supposé « séisme » et l’affaire est dans le sac.

Le PS rageur ?

A h ! si le candidat écolo n’avait pas été là, le PS pouvait presque passer devant le FN et sauver la mise. Oui mais le candidat de droite aurait pu dire alors : Ah ! si le centriste n’avait pas été là…. Car la faute est toujours chez les petits sans moyen et pas chez les gros qui sont aux commandes.

Les Petits ?

Hubert Huertas pour Mediapart fait une référence au Parti d’en Rire : « certains scores extravagants, comme ces 3,28% pour un « Parti d’en rire » en référence à Pierre Dac et Francis Blanche » sans préciser que ce parti est fortement implanté dans la circonscription puisque la candidate Anne Carpentier est la responsable du journal La Feuille… qui dénonce les méthodes de… Média part. Villeneuve sur Lot a en effet cette particularité : un journal qui parle clair à partir d’infos précises. Ce score n’est donc pas extravagant mais ce qui l’est c’est que personne ne fasse observer qu’une campagne électorale pourrait se passer autrement : avec des professions de foi envoyées beaucoup plus tôt pour se dispenser d’affiches et sans y mettre des bulletins qui doublent la dépense sans raison. Question trop simple comme il est trop simple d’imposer le refus du cumul non seulement des mandats mais des fonctions. Ils siègent avec trois mandats (sénateur – président du conseil général – président d’une intercommunalité) et ajoutent à leur carte de visite dix présidences. Des détails qui ne changeraient pas la face du monde mais indiqueraient une direction car au total à Villeneuve comme partout, les citoyens en ont ras-le-bol de la politique et des médias qui tournent autour. Il est trop facile de faire porter le chapeau aux seuls élus.

D’autres mondes sont possibles….

Vu de haut, Hubert Huertas croit que Villeneuve sur Lot est dans le Lot comme d’autres croient n’importe quoi car il est plus ordinaire de brasser des généralités que d’étudier les réalités. En être réduit à voter FN car tout le reste sent trop mauvais, c’est bien sûr pas tenable et encore moins excusable mais une fois de plus ne prenons pas l’effet pour la cause. Hubert Huertas pour donner de l’importance à son article termine ainsi : « L’élection du Lot nous renvoie à une autre époque. Bruxelles et Berlin, accrochés à leur austérité, font furieusement penser à la France du Traité de Versailles, en 1920, agrippée à des sanctions qui humiliaient alors l’Allemagne et les vaincus de 14-18 ». Passionné d’histoire je pourrais aimer ce clin d’œil au passé mais malheureusement il tape à côté car en 1920 c’était aussi la naissance du communisme. Aujourd’hui l’alternative au capitalisme n’est pas au point et pas besoin des votants d’hier pour le savoir. Dimanche prochain nous saurons jusqu’à quel point il est urgent de repenser les combats à venir en faisant le bilan de tant et tant de batailles perdues.

Jean-Paul Damaggio


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