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Faire la grève au Portugal serait-il il un luxe ?

Par Antonio Pereira Nunes • Internationale • Vendredi 16/11/2012 • 8 commentaires  • Lu 2379 fois • Version imprimable


En principe on fait la grève pour gagner quelque chose. On songe alors aux espoirs de tout un peuple défilant le 14 novembre dernier dans 38 villes du Portugal. Sur des pancartes on pouvait lire GOVERNO TROIKA (1) FORA (gouvernement troika dehors).

 

Revenons à la grève. Que va-t-on gagner ce coup-là ? Foutre le gouvernement dehors ? Pour y mettre qui ? Si on a quelqu’un qui nous semble valable pour le remplacer, alors allons-y et vite ! Mais si ce n’est pas le cas on pourra se demander, à quoi bon ?

Cette grève générale, probablement la plus grande dans l’histoire post 25 avril 1974, on peut regretter qu’elle ne soit pas arrivée plus tôt. Là, elle a pu ressembler à un mouvement de désespoir plutôt qu’à quelque chose de nature à changer le cours des évènements. En apprenant le méprisant refus de l’Etat portugais à communiquer les chiffres de l’adhésion à la grève, le goût amer d’un gâchis nous brule la bouche et nous serre la gorge. On peut donc craindre que ce mouvement n’ait été plus qu’un événement parmi d’autres dans l’escalade du mécontentement et face à ce qui ressemble à la liquidation de l’Etat portugais. Ce qui s’y passe aujourd’hui dépasse tout ce que l’on y pouvait imaginer et c’est la porte ouverte à tout et n’importe quoi.

Dans ce fatras, les syndicats portugais tout en restant présents, s’efforçant surtout de ne pas se montrer dépassés par les évènements semblent loin de pouvoir fédérer l’effort citoyen vers une action réellement productive. Le peuple se sentant perdu se retournerait-il vers eux ne reconnaissant plus personne capable de représenter le mécontentement général ?

Vu le discrédit et la médiocrité de la majorité de la classe politique, l’état lamentable des partis de droite ainsi que de l’incontournable Partido Socialista, le manque de représentativité du Bloco de Esquerda, désormais à présidence bicéphale, et du Partido Comunista Português ainsi que l’absence de représentation d’une expression nationale spontanée crée par les évènements (mouvement de Indignés, etc), il est temps que les syndicats jouent leur plein rôle et s’affirment davantage. Dans l’état chaotique da société portugaise d’aujourd’hui les syndicats en perte de vitesse doivent dépasser leur simple vocation revendicative –dans un pays désargenté il y a rien à négocier –, et pourraient accueillir le mouvement citoyen qui cherche désespérément la cohérence nécessaire pour mener à bien leur combat. Dans l’échiquier politique portugais dans les instances internationales, les européennes en particulier, ils devraient accroître leur présence. Dans un pays aux gouvernants vraiment désireux de paix sociale et de l'aboutissement de la crise, aucune négociation avec la Troika ne devrait avoir lieu sans la présence des syndicats. Madame Merkel, dont le gouvernement fait d'ailleurs bien attention aux syndicats allemands, est venue au Portugal le lundi 12 novembre en visite officielle. A-t-elle rencontrée les grandes centrales syndicales portugaises ? Un gouvernement portugais digne de ce nom aurait dû tout faire pour que cela ait lieu, au moins symboliquement.

Un front syndical uni, fort de ses structures, maillon essentiel non seulement pour les travailleurs mais d’une façon générale pour l’ensemble de la population devra être l’instance incontournable de tout vrai projet national.

Les syndicats avec la population face au gouvernement, en sont-ils capables ? Vu l’urgence, plus tôt ça se fera mieux ça voudra. 

 

(1)  Troika : Le FMI, la BCE et la CE.



 A Pereira Nunes


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Commentaires

Maintenant, On y est! par berthierch le Samedi 17/11/2012 à 17:13

Premieres notes sur cet article tres intéressant:
- Au Portugal est un état qui a subit une "discontinuité" majeure en avril 1974 avec perte de son empire colonial et de son oligarchie, la reconstruction publique des partis et syndicats traditionnels et le role important des fonds européens et de l'union européenne dans le financement des infrastructures publiques, y compris de la democratie parlementaire et du "mouvement social".
- Ceci crée des conditions plus favorables à la (re) conquete d'acquis sociaux et de positions politiques dans le pays que dans les autres pays européens, car un gros "noyau militaro-policier" du type de celui  existant en espagne et en grece n'a pas ete reconstruit au Portugal.
- En conséquence, le statu-quo actuel ne peut durer. L'agravation des conditions de vie des portugais est insupportable et des millions de jeunes et moins jeunes exigent des solutions rapides et la fin des tergiversations de "la gauche d'en haut politique et sociale". Sous quelles formes?
- Va t on voir (re) apparaitre des assemblées communales en concurrence avec les administrations existantes? pas des assemblées "de quartier" ou "citoyennes", mais des assemblée de citoyens pour poser et contribuer à resoudre les problemes urgents? quel sera le role des assemblées et organisations au sein des entreprises?
- Au Portugal, il n'est plus possible d'évacuer le role politique, c'est à dire "de pouvoir" de tels organes, comme le font systematiquement les grandes organisations politiques et syndicales en europe. Quel sera le role des elus locaux et de leurs assemblées. idem celui des organes des organes des syndicats au sein des entreprises et des administrations? Quelles modifications constitutionnelles seront imposées dans ces processus?


Pourquoi le Portugal et pas la Grece? par berthierch le Samedi 17/11/2012 à 17:41

Je me permets de me commenter moi-meme. Pas par orgueil, mais pour répondre à une question naturelle.

Tout militant sincere a une conscience aigue de la descente du peuple grec vers une misere planifiée par l'union Européenne. Le but de cette derniere ne peut etre le remboursement integral d'une dette grecque dans un pays qui est de moins en moins capable de generer de tels excedents. La fameuse dette grecque n'est que la somme des exigences des banques non grecques envers leurs etats de se voir indemisées en compensation de creances qui ne seront jamais payées. Il y aura des banques "victimes" en France et en Allemagne. son but est de reduire le cout du travail le plus bas possible, par exemple aux niveaux bulgare, albanais ou ex yougoslavie
.
Non, le peuple grec resiste et va resister pour survivre. Les manifestations n'y suffiront pas. les services publics doivent etre maintenus, l'evasion fiscale et financiere stoppée et mille questions pour defendre le peuple posées. Aucun peuple n'a cessé de resister jusqu'au bout quand ses conditions de survie etaient en jeu.
L'oligarchie grecque et européenne ont l'experience et sans doute l'envie d'un nouveau coup d'etat militaire. Manifester ne suffit pas et l'etat s'organise pour fonctionner malgre la resistance syndicale. Comment affronter directement la question du pouvoir, c'est la question presente en grece. 
Et le parlement ne suffit et ne suffira pas à y repondre.
L'election d'une constituante souveraine ne repond qu'à une partie des questions posées. Quid de la protection de cette assemblée, de la resolution des problemes quotidiens pour le "salut public". Quel gouvernement? Quel(s) pouvoir(s)? Il va falloir sortir de notre ron-ron militant bien rodé!


Re: Pourquoi le Portugal et pas la Grece? par Pereira Nunes le Samedi 17/11/2012 à 23:20

Une grande question qui peut se poser pour le Portugal, Espagne et Grèce, tous les trois des pays sous dictatures il a "à peine" 40 ans, maintenant avec la crise qui n'ira qu'en s'en amplifiant, serait d'imaginer si la question d'une prise du pouvoir par les militaires serait-elle plausible ou pas. Juste pour avoir une idée, si rapidement on compare les ratios du nombre de militaires par mille habitants de chacun de ces pays, pour l'année 2009 on aura 4 pour le Portugal, 4 pour l'Espagne et ... 13 pour la Grèce! a titre indicatif pour la France, toujours pour 2009, le ratio est de 5.
Si on met les ratios en parallel avec la situation actuelle dans ces pays, pour le Portugal cela me semble peu probable  car les effectifs et les motivations des militaires qui ont fait le coup à l'époque étaient d'une nature et d'une dimension sans commune mesure avec ce qui se présente de nos jours. D'autre part l'expérience avortée de l'action des militaires après le 25 avril 1974 est encore très présente dans les esprits.
En Espagne, les séquelles de la guerre de 1936 a marqué ce pays si profondément qu'il m'y semble inimaginable un mouvement armé aujourd'hui. Mais pour la Grèce, l'énorme présence d'effectifs sous les drapeaux uen fois conjuguée à la situation cahotique dans le pays ne permet plus d'écarter d'un revers de main éventualité d'une prise en main par les forces armées.
Je n'arrive pas vraiment à imaginer que cela arrive, mais vu le train où vont les choses et la manière comment s'y prennent les dirigeants des instances européennes ainsi que les gouvernements des respectifs pays, on ne voit pas si qui pourrait empêcher d'envisager des prises de position extrêmes.
D'autres solutions, moins extrêmes, du moins en apparence, existeront pour ces pays c'est sûr. Seront-t-elles dans le sens des interêts des peuples? Ca risque de l'être beaucoup moins.


impossible pronostic "militaire" par berthierch le Lundi 19/11/2012 à 09:53

j'ai seulement indiqué qu'en Grece et en Espagne l'oligarchie dispose d'un appareil etatique et militaire beneficiant d'une continuité qui n'existe pas au portugal face aux mouvements sociaux et populaires.
J'ajoute qu'en la matiere, notre compétence et expérience sont forcément limitées.
Mais c'etait un point second de mes articles, l'essentiel etant la (re) constitution de la force politique des peuples grecs et " espagnol" et leur capacité à porter concretement au niveau politique de l'etat la question de la satisfaction de leurs besoins urgents et donc l'abrogation des mesures anti sociales et anti democratiques en vigueur.
Force est de constater qu'il semble exister au sein de la gauche ( ...de la gauche?) une espece de consensus pour ne pas aborder cette question...même pas celle de l'abrogation des legislations les plus injustes.


impossible pronostic "militaire" par berthierch le Lundi 19/11/2012 à 09:54

j'ai seulement indiqué qu'en Grece et en Espagne l'oligarchie dispose d'un appareil etatique et militaire beneficiant d'une continuité qui n'existe pas au portugal face aux mouvements sociaux et populaires.
J'ajoute qu'en la matiere, notre compétence et expérience sont forcément limitées.
Mais c'etait un point second de mes articles, l'essentiel etant la (re) constitution de la force politique des peuples grecs et " espagnol" et leur capacité à porter concretement au niveau politique de l'etat la question de la satisfaction de leurs besoins urgents et donc l'abrogation des mesures anti sociales et anti democratiques en vigueur.
Force est de constater qu'il semble exister au sein de la gauche ( ...de la gauche?) une espece de consensus pour ne pas aborder cette question...même pas celle de l'abrogation des legislations les plus injustes.


Interrogations par regis le Lundi 19/11/2012 à 16:18

Rien ne se fera sans les peuples et que nous disent-il ? Voir les éléctions dans ces pays. Le retrait de l'UE et de l'euro est loin d'être acquis dans les esprits. Les manifs "monstres" ne changent (hélas) rien. N'es-ce pas le même problème ici ? (les retraites par ex). N'y a-t-il pas un problème de fond à traiter plutôt que de lancer l'action-réaction parfois mirage et paravent ?
Quelle réponse ??


Re: Interrogations par Pereira Nunes le Lundi 19/11/2012 à 17:54

Le retrait de l'UE et de l'Euro est loin d'être acquis et ce n'est probablement pas plus mal. Dans les sondages si on demande si on veut ou pas quitter l'Euro les gens répondent Même Mélanchon ne parle pas de quitter l'Euro, ça devrait causer.
Il y a la réthorique pour gagner les prochaines élections et l'action déterminée par les grandes tendances géopolitiques. Dans la vie c'est la dernière qui compte, pas la première. En Europe plus que probablement nous irons tous vers le fédéralisme sauf que l'on ne le dira pas comme ça, tellement ce mot nous agresse les oreilles. Les hommes de Bruxelles plus leurs copains persistant dans leur entêttement pour ne pas dire leur stupidité, la situation au fil de l'eau ici et là ne s'arrangeant pas vraiment, on traine et on finit par perdre de vue la forêt tellement on a le nez sur l'arbre. Mais pas assez au point d'oublier que les bénéfices ent termes de géopolitique seront probablement bien supérieurs à la pression pour revenir au monnaies individuelles.
Nous savons tous que l'on ne peut pas vivre sans argent. Le problème de fond est là et pas ailleurs.
Pour ce qui est de manifs et des grèves et le fait quelles servent ou pas, il suffit de se rappeler les contorsions réthoriques des uns, la course aux sondages des autres, les exercices d'équilibre axquels tout nos gouvernants se livrent en permanence pour se rendre compte de à quel point ils leur faut conserver les masses populaires et l'opinion qui va avec, de leur coté. Qui plus est en démocratie les élections ne sont jamais très loin.
Si, si les manifs et les grèves servent à quelque chose et peuvent les faire tomber. Les Devaquaire les Juppé, les Villepin et tous les autres, même le grand Charles en ont appris à leurs dépends. CQFD.


Re: Interrogations par Pereira Nunes le Lundi 19/11/2012 à 17:58

Pardonnez-moi. Là où j'ai écrit "....les gens répondent même Mélanchon..." il faut lire, "...les gens répondent NON. Mêmme Mélanchon...". Désolé.



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