S'identifier - S'inscrire - Contact

Fatima moins bien notée que Marianne. Cette nouvelle sociologie contre la science et contre l’intelligence.

Par Fatiha Boudjahlat, secrétaire nationale du MRC à l’éducation

Par Fatiha Boudjahlat • Actualités • Jeudi 21/04/2016 • 3 commentaires  • Lu 3601 fois • Version imprimable


Ce livre offre l’archétype de cette gauche qui s’est égarée et abîmée dans le relativisme culturel et qui sert de caution scientifique et politique aux radicaux du PIR et des islamistes. Un cas d’école…se proposant de faire le procès de l’école. C’est un livre léger et lourd. C’est un livre léger dans la mesure où il se compose de 110 pages, dont une dizaine de pages d’illustrations, alors qu’il s’agit d’évoquer un sujet aussi ambitieux que celui des discriminations scolaires ethnico-religieuses (dont on verra dans le livre que pour les auteurs, les deux ne font qu’un) institutionnelles et individuelles, de les prouver et de les réduire. C’est un livre d’une grande lourdeur parce qu’il se réduit à un réquisitoire contre la République, contre la France, contre ses valeurs. C’est un manuel appelant à l’esprit de revanche.

Etrangement, le premier chapitre de ce livre traitant censément des discriminations est consacré…à la laïcité.

Ce livre est un réquisitoire contre la laïcité, dans la droite ligne accommodante de Bianco, Cadène, Lioger, Baubérot… Dès les premières pages, les auteurs de cet ouvrage veulent associer dans l’esprit du lecteur les discriminations à la laïcité, dont l’élève fantasmée Marianne use comme d’une arme contre la pauvre Fatima. Eh bien, la Fatiha que je suis trouve insupportable que ce premier chapitre, qui compte 24 pages (à ramener sur les 110 pages du livre), soit d’emblée consacré à la laïcité, mère de tous les vices. Elle est qualifiée par les auteurs de « conquérante », « d’instrument de conquête coloniale », d’« extensive », de « dévoyée » et « pour certains politiques [elle est] devenue un instrument d’agression des minorités ». Dans le chapitre 4, sobrement intitulé : Et les profs, ont-ils peur de l’islam ?, elle annihile les différences : « Cette forme de laïcité invite les enfants des diverses immigrations à laisser leur culture et leur identité à la porte de l’école, pendant que les élèves des classes moyennes voient au contraire leurs gouts et leurs choix valorisés par une école qui leur ressemble. » Pour les auteurs, la laïcité est une arme politique au service des blancs de la classe moyenne qui en font l’instrument de la perpétuation de leur domination politique et culturelle. Voila la thèse des auteurs. Les auteurs, dont un fait profession d’être historien, souligne la concomitance des lois sur l’école gratuite, laïque, obligatoire et de la conquête coloniale. Les enfants, vous êtes d’abord musulmans, vous n’êtes que musulmans, et vous êtes colonisés : « Le travail d’inculcation par le « haut » dans l’école, d’une mémoire collective, correspond à une œuvre de réduction des « indigènes », constitués de populations conquises à l’intérieur comme à l’extérieur et toujours « figures de la barbarie » ». Et très vite le nouveau point Godwin est convoqué : Le procès en islamophobie : « L’islamophobie est un phénomène social », construction autour « d’un problème musulman ». Phénomène qui touche l’école, mais qu’elle génère elle-même.

 

Cet ouvrage recèle de malhonnêtetés intellectuelles:

Les auteurs se livrent à une reductio ad islamum des enfants de l’immigration. Les enfants d’immigrés (indifféremment 2èm, 3èm, Xèm génération) n’apparaîtront pratiquement plus que sous le vocable de « musulman » : Cette identité religieuse, première et irréductible, est liée automatiquement à leurs origines. Le travail des auteurs portent sur les musulmans au travers de leurs prénoms, marqueurs religieux, ils associent plus loin voile et « questions d’ethnicité ».... Ce livre devient un manuel de l’essentialisme et du relativisme culturel, dont les auteurs prétendent pourtant se défendre, en même temps qu’un manuel de victimisation. Dès la 2ème page de l’avant-propos apparaît la deuxième malhonnêteté intellectuelle : La thèse du rejet français, républicain, occidental, blanc de l’islam qui suscité une peur fantasmée, est posée sans discussion, comme un préalable dont l’évidence dispense de la preuve et de la démonstration.

 

On ne peut que relever, à la lecture de cet ouvrage, l’obsession de l’ethnicisation des rapports sociaux en droite ligne avec le Parti Des Indigènes. Ainsi page 56 : « La surreprésentation des élèves musulmans dans les filières scolaires à faible rentabilité sociale, telles STMG ou ST2S, montre que la question ethnique n’est pas seulement surdéterminée par la question sociale. A performance égale, ces élèves ont plus de risque d’être orientées vers des filières dévalorisées » poursuivant en évoquant la perpétuation de ces discriminations sur le marché de l’emploi, du logement… F. Durpaire et B. Mabilon-Bonfils citent des tableaux de Baptiste Coulmont pour preuve. Etrange défaite de l’esprit de la part d’un historien et d’un sociologue que de préférer l’explication ethnique à l’analyse socio-économique. Et de faire de l’islam une ethnie, la couleur de peau étant la couleur verte. Soulignons enfin le comique tragique de voir ces auteurs relever aux pages 90 et 91, que « les publications d’ouvrages repérés par l’outil Google Ngram relaient cette mise en intrigue du lien islam/laïcité entre 1945 et 2008. » et islam/terrorisme. Mais leur propre ouvrage valide et perpétue cette « mise en intrigue » ou selon une expression dont ils aiment user, cette « mise en agenda ». Ils ont eux-mêmes fait ce lien dès le premier chapitre.

 

Insuffisance scientifique

C’est une petite prof de collège qui affirme cette insuffisance. Dans cet ouvrage, les idées valent preuve par le seul fait de leur énonciation. Citons l’exemple de cet item proposé à l’occasion d’un sondage d’élèves: « Vous êtes-vous déjà senti discriminé dans le cadre scolaire ? » Poser la question en ces termes induit la réponse. On ne peut que s’interroger sur la méthodologie dans le recueillement et de traitement des informations : Tableau sans précision sur l’échantillonnage (nombre, genre, milieu, durée …). La majorité des réponses à cette question du ressenti discriminatoire, pourtant orientée, a été négative, ce que les auteurs ne relèvent ni n’analysent. Et quel abus d’anecdotes, de ouï-dire, comme celle d’une proviseure qui aurait exigé de tous les élèves de son établissement qu’ils mangent du porc, anecdote ‘intraçable’, et qui ne prouve rien. Autre exemple dans le Chapitre 6 L’école est Charlie, mais pas tous nos élèves. Les titres sont racoleurs, et ne correspondent pas toujours au contenu du chapitre. Dans des entretiens qualifiés, à tort selon moi, de « non directifs », une enquêtrice, page 101, interroge une étudiante en ESPE (école du professorat), se destinant au métier de professeure des écoles et portant le voile. Question de l’enquêtrice : «  Qu’est-ce que vous avez pensé de l’interdiction [du port du voile durant les stages]? Parce que par exemple en Angleterre, il n’y a pas ce genre de choses et même les enseignants peuvent porter le voile ». Réponse de l’étudiante : « Moi je.. », l’enquêtrice (lui coupant la parole) : « Ils n’ont pas cette conception-là ». N’est-ce pas de la direction ? La laïcité est une conception, qui brime qui plus est. Autre indice sémantique de la paresse scientifique des auteurs, le merveilleux « il arriverait même que » page 57. Voila la validation scientifique de deux intellectuels.

 

Puisque l’anecdote vaut argument, je vais vous parler de ma classe de bilangue germaniste de Marseille, du collège Prévert, dans le 13 ème arrondissement, exemple éclatant de réussite. Je suis encore en contact avec eux. Nahada s’est plainte en juillet dernier de n’avoir eu le bac S qu’avec la mention bien, au terme de sa scolarité au lycée militaire d’Aix-en-Provence. D’autres réussites brillantes, celles de Mirhane, Mohamed, Issam (sont-ce des prénoms assez musulmans ?), Nadia, Mathilde etc et de l’étrange Zyad, surnommé le robot parce que sa plus mauvaise moyenne était de 19/20. Noir, fils de comorien, habitant un quartier très difficile, dans un collège APV (REP+ selon la nouvelle nomenclature), lui comme d’autres était en réussite, ambitieux et charmant. L’explication en est plus sociologique qu’ethnique. Son père, aide-soignant à l’hôpital à Marseille, était en fait professeur de maths aux Comores. Les fils de profs réussissent mieux ; c’est connu. Mais les auteurs préfèrent la paresse de l’explication ethnique et de la discrimination qui y forcément liée, plutôt que de réfléchir en termes de rapports sociaux. Et les parents, leur investissement, ne sont jamais évoqués, sauf dans les propositions en fin d’ouvrage, et pas en position d’acteurs. Les auteurs préconisent qu’ils soient plus souvent invités au collège, lors de cérémonies et de rituels comme la remise de diplômes etc. Mais, n’est ce pas une façon de stigmatiser les parents d’élèves qui ne reçoivent pas ces diplômes ? Le misérabilisme dans sa pire caricature. Le plus surprenant, mais pas tant que cela, réside dans l’étrange résonnance entre l’ouvrage et la réforme du collège de Mme Valaud-Belkacem. « Face aux processus ségrégatifs externes (liés au quartier), les établissements peuvent organiser une ségrégation interne, prenant en compte à la fois le sexe, l’origine ethnique et le niveau scolaire ». Les auteurs parlent de classes de niveaux. Ces classes ont presque partout disparu. Les auteurs sont heureux de la disparition des classes à options, alors qu’au collège, elles n’avaient comme critère de sélection que l’engagement. Aucune référence aux parents, qui ne s’engagent pas. Les auteurs fustigent la stratégie résidentielle. Je les renvoie à Zyad. Et je m’étonne que leur assignation identitaire ethnique et religieuse ne se poursuive pas dans la cohérence de la justification de l’assignation à résidence.

 

Un autre exemple de défaillance méthodologique se trouve à la page 55 : « Pour étudier le phénomène au niveau plus local, nous avons collecté les prénoms des élèves de toutes les classes de terminale d’un lycée d’enseignement général du Vaucluse. Les prénoms musulmans 6 fois plus représentés en STMG qu’en série S ou L. » donc l’étude nationale est confirmée au niveau local. En quoi ce lycée est-il représentatif ? Comment a-tt-il été choisi ? Comment l’étude a-t-elle été présentée aux élèves ? Quand s’est-elle tenue ? Qu’est-ce qu’un prénom musulman ? Aucune précision n’est jamais apportée. Un extrait, à ce titre savoureux : « En tenant compte des limites inhérentes à l’indicateur et sans gommer les polémiques initiées par la démarche du maire de Béziers, l’utilisation du prénom a du sens pour faire un diagnostic des ségrégations ethniques entre établissements, entre série et entre classes. » Mais c’est ce diagnostic que le maire de Béziers prétendait faire au travers de ce recensement. Les mêmes qui crièrent à l’abomination raciste de Bob Ménard à l’époque, usent de la même méthode la dotant d’un vernis scientifique.

 

Citons surtout l’exemple de l’étude diffusée en ligne par les auteurs (comme les sondages de M6), par le Café Pédagogique1, la MAIF, les Cahiers Pédagogiques, à laquelle j’avais répondu à l’époque, d’ailleurs. La preuve sur les discriminations prêtées aux enseignants réside dans le traitement de 255 réponses obtenues, sur 800 00 enseignants, et malgré ces différents canaux de diffusion ! Insuffisance qui sert l’idéologie. Les questions portaient sur les représentations qu’ont les enseignants des différentes religions et de leur compatibilité avec la République. Les questions étaient orientées, je l’avais signalé à l’époque dans le questionnaire. Et je commence à sérieusement m’inquiéter de ce que la sociologie ne s’apparente plus qu’à des thèses politiques misérabilistes décorées de chiffres. Page 84 et suivantes : « Lorsque l’on demande si des religions posent problème au quotidien dans les établissements scolaires : 75% signalent la religion musulmane ». Les auteurs y voient la preuve de l’hostilité de principe des enseignants à la religion islamique et donc le signe des discriminations qu’ils feront subir à ses pratiquants. Aucune analyse un peu subtile de ce chiffre n’est faite, chiffre de 75 % qu’il faut d’abord ramener aux 255 réponses obtenues. Les auteurs auraient pu signaler que le ressenti de ces quelques professeurs était à mettre en regard avec le fait que l’islam est la religion qui compte le moins d’établissements confessionnels en France. Les enseignants ne peuvent être confrontés avec des difficultés concernant des enfants pratiquant le judaïsme puisque ceux-ci sont majoritairement scolarisés dans des établissements confessionnels. Quant à ceux scolarisés dans le public, eh bien, le prénom pas plus que le faciès ne permet de les identifier. Que dire des élèves athées ? Non religieux ? Catholiques ? Les auteurs opposent Fatima et Marianne, essentialisant des origines ethniques et leur prêtant une pratique religieuse prédéterminée. Quid de Kenza ? Jennyfer ? Thi Ngoc ben ?

 

A la page 85, un autre graphique signale que la majorité des 255 enseignants identifient, pour ce qui de l’islam, des problèmes relevant de l’absence d’esprit critique ainsi que de l’incitation au communautarisme. Au lien de n’en tirer des conclusions que sur les préjugés des profs, pourquoi ne pas s’interroger et essayer de comprendre que le renouveau islamique chez les enfants de culture musulmane est réel, puisque ressenti par les enseignants du public, et qu’il pose des difficultés ? D’ailleurs, le livret laïcité2 (honni par les auteurs), invite les professeurs à ne pas mettre en concurrence croyance et vérité scientifique, c'est-à-dire que l’évolutionnisme et le créationnisme sont tous deux ravalés au rang de croyance.

 

Autre modalité dans l’argumentation des plus étranges : l’auto, voire l’égo-justification et la référence à un appel pour prouver la validité d’un jugement. Ainsi, l’affirmation d’une communauté nationale ayant du mal à accepter pleinement ces « certains jeunes » est validée par une note qui renvoie alors à un appel signé par Thuram, l’auteur lui-même, M. Durpaire, R.Diallo dans un « Appel pour une République multiculturelle et post raciale ». Les auteurs tirent les conclusions qui les arrangent d’études dépassées ou de personnes issues de leur laboratoire de recherche, dans un douteux entre-soi idéologique. L’auteur se cite lui-même, comme signataire d’un Appel, pour valider sa thèse. Dernier exemple de cette auto justification, page 57 : « S’agissant des effets des stéréotypes ethniques sur la notation, les travaux sont quasi inexistants en France. Mais dans sa thèse récemment soutenue dans notre laboratoire EMA, Iuliana Rossi », dans des conditions d’études hors sol, complexes, voire tarabiscotées. L’idée prévaut, puis on se démène pour la valider et tirer comme brillante conclusion que « la consonance du prénom est le critère le plus discriminant dans l’évaluation ».

 

Les auteurs jouent aux Procuste.

Procuste dans la découpe d’ouvrages pour trouver la citation qui les conforte, avec un sens consommé de l’argument d’autorité, on lit à la page 48 : «  L’école ne se contente pas de subir la ségrégation urbaine et son évolution. Elle fabrique elle-même de la ségrégation, voire en génère. Or il existe selon Mme Duru-Bellat une influence de la composition sociale du public scolaire sur les attitudes et les comportements des élèves et des enseignants. » Si Mme Duru-Bellat l’écrit, c’est que c’est vrai. La citation vaut preuve. Un autre exemple de découpe opportuniste est fourni avec le Chapitre 3 : l’islam dans les manuels scolaires : comment l’école diffuse les préjugés. Un titre plus honnête aurait été : comment les éditeurs de manuels scolaires diffusent les préjugés. L’étude sur les manuels est plus qu’insuffisante. Les auteurs prétendent démontrer que dans les manuels, « l’Islam est réduit au versant radical », « associé à l’étranger » (notamment dans l’iconographie). Puis vient la reprise de la dénonciation d’un contenu catholico-centré. Je somme l’Europe de s’excuser d’avoir surtout connu la chrétienté. Abolissons la chronologie et le passé, l’histoire pour aboutir à l’équivalence du relativisme culturel. L’Europe est autant une terre d’islam que de la chrétienté.

Les auteurs se prêtent d’ailleurs à ce jeu amusant que j’ai découvert sur facebook, des graphiques mettant en évidence les mots les plus utilisés, aux pages 73 et 76. Sans encore une fois prendre en compte la chronologie. La civilisation arabo-musulmane (politique, architecture, culture…) est traitée en 5èm au collège. En 3ème, l’immigration et le terrorisme sont abordés dans le chapitre « géopolitique du monde actuel » et dans « les transformations économiques et sociales en France », d’où les associations de mots que les auteurs dénoncent, islam/laïcité, terrorisme, islam/Al Qaïda. Juste une petite question : pourquoi n’ont-ils pas adopté la même démarche avec le christianisme ? Le graphique aurait pareillement mis en évidence les associations selon l’année des manuels choisis : Inquisition/croisade. Mais il faut tordre les faits et l’histoire pour les mettre au service des thèses des auteurs. D’ailleurs leur première proposition pour en finir avec les discriminations et pour que, je cite « Fatima et Marianne se prennent la main » est, à la page 109, de « Refonder les contenus [enseignés à l’école] au service d’une politique d’inclusion. » Sans quoi, « l’enfant musulman » en vient à «  se rejeter soi-même par l’acculturation ou rejeter l’autre, le fondamentalisme ». F. Durpaire et B. Mabilon-Bonfils sont dans le manichéisme.

Procuste dans le temps, les auteurs citent deux fois des articles de 1991-1992 ! Peut –être que le sujet des discriminations à l’école a déserté les pages de la Revue Française de Pédagogie les 24 années suivantes… ou alors les conclusions n’allaient pas dans le sens de la thèse misérabiliste et ethniciste de l’ouvrage.

 

Suffisance idéologique et incohérence intellectuelle.

Extrait de la page 52 : « La ségrégation en fonction de l’origine ethnique des élèves est bien plus marquée qu’en fonction de leur origine sociale ou économique, [ils ne l’ont à aucun moment démontré, note personnelle] et cette mise à l’écart est un facteur déterminant de leurs acquis scolaires plus faibles en comparaison des autres élèves. Ces disparités ethniques se traduisent par des conséquences pédagogiques, les enseignants adaptant leur niveau d’attentes, leurs critères d’évaluation. Cette adaptation « par le bas » accroît encore les disparités. Cela implique pour ces élèves des conditions de scolarisation peu favorables aux apprentissages et un climat scolaire dégradé. » Les enseignants, qui seraient tout à leur peur de l’islam et à leurs réflexes discriminatoires, sont mis en cause par les auteurs pour l’adaptation bienveillante de leurs évaluations en fonction du niveau des élèves, bienveillance ici discriminatoire mais qui est exigée ailleurs dans le livre. Il est de plus étrange de critiquer ce que préconise justement Mme Duru-Bellat et M. Dubet dans leur ouvrage Les sociétés et leur école: emprise du diplôme et cohésion sociale. Ils y défendent la priorité accordée à l’employabilité des élèves, la nécessité de les orienter en fonction des besoins de l’économie et donc de maintenir un certain nombre dans le niveau de formation le plus bas, l’exigence et l’ambition étant discriminatoires et peu efficaces politiquement et socialement, alors que Mme Duru-Bellat est citée ailleurs comme sommité disant la vérité et le bien (voire plus haut, Procuste).

Dans un défaut de cohérence, les auteurs dénoncent un système scolaire conçu pour discriminer. En reportant un extrait …d’une thèse de sociologie de Fabrice Dhume parue en 2011, l’école fonctionnerait sur un mode discriminatoire, entre autres « dans les stages, sous une forme dominante de coproduction avec l’entreprise, embarquant jusqu’aux élèves, voire jusqu’à leurs parents et fratries, à leurs corps défendant, pour banaliser et prolonger ces processus ». L’accusation relève du scandale d’Etat. Vous ai-je confiée ce que je pensais de cette sociologie…? L’école est désignée comme la complice du patronat, détruisant des familles entières ! En réalité, plus que la malveillance institutionnelle de l’école, c’est le réseau qui joue et c’est l’absence de réseau liée à l’absence de mobilité géographique et sociale qui réduit les choix et les possibilités de stage. Le géographe Laurent Faret soulignait que l’on devait passer « d’une culture de la mobilité à un capital social du mouvement ». Mais c’est là une explication socio-économique, qui ne peut pas plaire à ces tenants de la thèse ethnico-religieuse. Les auteurs auraient pu s’intéresser aux ouvrages de géographes, comme celui de JP Orfeuil : Transports, pauvretés, exclusions. Pouvoir bouger pour s’en sortir3. On y lit ceci : « La capacité à la mobilité est la condition nécessaire, mais certes pas suffisante, à l’insertion normale dans la vie active. Les populations dont le potentiel de mobilité est le plus faible encourent un risque d’isolement, de marginalisation, de pauvreté relationnelle et émotionnelle voire d’exclusion. » Mais non, ce sont les discriminations à l’encontre de leur identité de musulmans qui les marginalisent.

 

Pour illustrer ce réquisitoire, toute la gauche accommodante est convoquée ; de Duru-bellat à Baubérot, en passant par Lioger, dont les propos dans des interviews (les Inrocks) sont mis au même niveau que les ouvrages.  Ils concourent tous à réduire les enfants de parents d’immigrés ou de petits enfants d’immigrés à une identité irréductible et immuable de musulmans, et à les installer dans une victimisation structurelle, quasi-ontologique. L’Etat, la République, l’Ecole, la société, tous blancs, leur seraient hostiles et seraient la cause de leur moindre réussite… Les autres intellectuels ne sont cités que pour gonfler les notes de fin d’ouvrage. Ainsi René Girard n’est cité qu’au travers de son expression de « bouc –émissaire » sans autre explication ou lien fait avec la thèse de l’ouvrage. Cet ouvrage ne pose pas les bonnes questions. Ainsi, les auteurs en appellent à une formation et à un recrutement différent des enseignants, qui doivent maîtriser « savoirs disciplinaires et didactiques », mais aussi savoirs « transversaux (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie…) ». Dans cette nouvelle formation, les auteurs invitent à interpréter des jeux de rôles avec comme exemple à la page 117 : «  Beaucoup d’élèves, dans leur refus de la minute de silence [suite aux attentats], en croyant agir en « tant que musulmans », n’ont en fait réagi que comme adolescents testant l’autorité, en attente d’une position ferme de l’adulte ». Mais cette fermeté, ne sera-t-elle pas interprétée comme discriminatoire ? Les auteurs mettent en demeure les enseignants de bien comprendre les ressorts psychologiques d’un tel refus et de bien réagir, mais pourquoi ne posent-ils pas cette simple question : pourquoi et comment ces adolescents en sont-ils venus à croire et à penser que c’était réagir en bons musulmans que de refuser de s’associer à un deuil national?

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet ouvrage sans rigueur scientifique, dans la posture victimaire, les bons sentiments et le misérabilisme. Le drame est que cet ouvrage est représentatif de cette gauche qui a renoncé à penser la lutte des classes, préférant la posture moralement plus commode et électoralement plus efficace de la lutte des races.

1 Magasine Veille sur l’actualité pédagogique, didactique sur internet.

3 Pourtant paru en 2004 dans la maison d’édition de l’Aube, la même que celle de l’ouvrage de F.Durpaire et B. Mabilon-Bonfils.


Partager cet article


Commentaires

Lien croisé par Anonyme le Mercredi 05/10/2016 à 13:29

Brighelli - Derrière la "laïcité revancharde" d'Emmanuel Macro : "Opportunisme électoral, tout d'abord. Son interview valide les thèses indigénistes. Dans Fatima moins bien notée que Marianne (éditions de l'Aube, janvier 2016 – voir ici), François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils affirment que « la laïcité est pour certains politiques devenue un instrument d'agression des minorités ». La laïcité est fustigée comme « conquérante », « extensive », c'est « une laïcité de conquête coloniale », et on repense au vocabulaire de safari employé par Macron : « chasse Â"


Lien croisé par Anonyme le Vendredi 05/05/2017 à 16:08

« Macron ou Le Pen, la laïcité est perdante », par Fatiha Boudjahlat - Par : "**** Pour une critique complète du livre : http://la-sociale.viabloga.com/news/fatima-moins-bien-notee-que-marianne-cette-nouvelle-sociologie-contre-la-science-et-contre-l-intelligence"


Lien croisé par Anonyme le Mercredi 23/11/2022 à 07:40

Le journal de BORIS VICTOR : Les dernières publications de LA SOCIALE - vendred : "21/04/16 - Fatima moins bien notée que Marianne. Cette nouvelle sociologie contre la science et contre l’intelligence."



Archives par mois


La Sociale

Il Quarto Stato