« Pour échapper à la pernicieuse poursuite d’une vérité unique, Flores d’Arcais a préconisé en son temps une éthique sans foi : la formule me parait excellente pour qui considère l’espoir comme une nécessité humaine et non pas théologique et reprend à son compte la critique de l’aliénation militante proposée, en toute connaissance de cause, par Adam Schaff. »
L’enfant de 68 aujourd’hui
Paolo Flores d’Arcais est un enfant de 68 qui a vieilli sans tomber dans le système. Voilà sans doute pourquoi il n’a pas la notoriété qu’il mériterait. Permanent défenseur de la démocratie qui comme l’espoir ne doit pas être théologique, il vient de faire une proposition en réaction à celles du puissant Eugenio Scalfari, l’ami du président Napolitano. Comme l’a démontré son journal Repubblica son adversaire majeur est le Mouvement 5 étoiles en conséquence il propose de sortir de la crise par une alliance : PD, Monti, PdL ! Plutôt Bersani-Berlusconi qu’un accord Bersani-Grillo ! Pourquoi ? Au nom de la stabilité ! Il sait très bien que dans cette hypothèse Bersani ne serait pas l’homme de la situation mais ils sont nombreux à prendre la relève dans le PD pour une telle dérive.
La réponse du philosophe n’est pas théorique mais pratique. Il pense que la première chose à faire c’est d’appliquer la loi de 1957 qui interdit en fait à Berlusconi d’être élu, loi dont le PD n’a pas osé demander l’application par crainte de la réaction de Berlusconi. Aujourd’hui avec les élus 5 étoiles, aujourd’hui avec la vague de fond dans l’opinion, Berlusconi a pu rassembler un électorat important mais il ne pourrait pas vraiment réagir. Et la mise en accusation de Berlusconi c’est l’effondrement de sa coalition.
Indirectement il s’agirait d’une alliance PD-Grillo sauf que Grillo qui aspire au pouvoir pour lui tout seul ne veut pas entendre parler d’alliance nationale avec le PD (même si localement elles existent déjà).
La réponse du philosophe est pratique car Grillo autant que le PD est dans ce cas de figure au pied du mur. Il a la possibilité de faire vivre la légalité contre l’illégalité si chère à Berlusconi, légalité sans laquelle il n’existe pas de démocratie, en conséquence, refuser, c’est envoyer un bien mauvais signal à l’opinion. C’est dire finalement : « Je n’existe que par la guerre que me fait Berlusconi qui est un allié objectif. » Grillo a gagné car il a su utiliser la télévision… contre la télévision ! Grillo est donc pour une part l’enfant des télés berlusconniennes : c’est parce que Berlusconi a fait des Italiens des accrocs de la télé que Grillo en disant « je refuse » la télé est finalement passé plus que d’autres… à la télé !
En finir avec Berlusconi
La mort politique du leader ne serait pas la fin de la bataille contre son idéologie… surtout si Grillo vient le remplacer, même si pour le moment il se réfère aux mouvements sans leaders comme les indignés : « Le mot leader est un gros mot » dit-il.
Donc Flores d’Arcais pousse plus loin son sens pratique : il lance avec sa revue un appel citoyen à signer pour demander l’application de la loi de 1957. Parce qu’il croit depuis toujours que la lutte pour la démocratie est la seule porte de sortie à la crise du capitalisme, il a trouvé la porte concrète par laquelle la vague 5 étoiles pourrait se transformer en événement politique heureux pour le peuple italien. Dans un débat entre Casaleggio, Grillo et Dario Fo il y a eu cet échange avant les résultats :
« Grillo: Je crois que si le président du Sénat Schifani a laisser échapper qu’il y avait besoin de faire une nouvelle loi électorale pour arrêter les 5 étoiles sinon il va vers le 80%, ça veut dire vraiment qu’ils ont peur de nous. Tout peu arriver comme quelque chose d’incroyable que serait l’entrée au parlement de 80-100 de nos représentants.
Fo : Mais la gauche ne peut s’allier avec la droite contre vous, ça serait obscène.
Casaleggio: Excuse-moi, mais je pense que parmi les partis traditionnels les voltefaces de ce genre sont possibles. Tu veux mes prévisions ? Si le M5S a une forte représentation, Pd, Pdl, Sel, Udc, et même Ingroia, ils donneront vie à une grande coalition comme s’est arrivé avec le soutien à Monti. Rien ne changera.
Fo: Mais pourquoi la gauche devrait faire une grande coalition ?
Casaleggio: Pour la simple raison qu’ils ne seront pas assez nombreux pour gouverner seuls !
(da Il Fatto Quotidiano del 27 janvier 2013)
Le lecteur comprend mieux la position originale de Paolo Flores d’Arcais, celle qui doit avoir tout notre soutien. Voir http://temi.repubblica.it/micromega-online/ Jean-Paul Damaggio