Sommaire
Le FN s’est clairement implanté sur la scène électorale française depuis une trentaine d’années avec des fortunes diverses liées aux aléas de sa vie politique interne (plusieurs scissions autour de la soumission ou non à la personne du « chef », J.M Le Pen), et de la politique des gouvernements de droite ou de gauche. 1984, européennes : 2,210 millions de voix (taux de participation 56,72%) 1988, présidentielle : 4,376 millions (1er tour : 81,35%, 2ème tour : 84,06%) 1995, présidentielle : 4,571 millions (1er tour : 78,38%, 2ème : 79,66%) 2002, présidentielle : coup de semonce dans le paysage français, au premier tour le Front National arrive en deuxième position derrière J. Chirac, repoussant le candidat PS Jospin en 3ème position, au deuxième tour J.C Chirac est élu avec plus de 80% des votants dont les voix de gauche pour barrer la voie au FN. 1er tour : 4,804 millions de voix (taux participation : 71,6%) 2ème tour 5,525 millions (taux participation : 79,71%) 2004, européennes : 1,68 (taux participation : 42,76%) 2007, présidentielle : 3,834 millions (taux de participation : 83,97%) 2009, européennes : 1,09 (taux de participation : 40,63%) 2012, présidentielle : 6,42 millions (taux participation 2ème tour : 80,35%) 2014, européennes : 4,711 millions de voix (taux de participation 43,16%).
Le projet de Marine Le Pen de transformer son parti en un mouvement respectable, « proche du petit peuple écrasé » semble en voie d’être gagné. Mais elle doit faire avec les dérapages anti juif et anti arabe coutumiers de J.M Le Pen son père, et de son hostilité alors qu’il refuse de lâcher à 86 ans la direction « morale », c'est-à-dire quand même raciste, du parti.
Mais le vote « Marine » a encore un caractère protestataire « ni gauche » « ni droite » tout en étant quelque peu xénophobe et raciste. On ne peut pas dire, en effet, que les Français souhaitent voir Marine Le Pen diriger le pays. A moins que l’UMP n’éclate et que ses courants droites radicales ne la rejoignent.
De la responsabilité de la droite
Ces dernières années le FN a bénéficié de la crise de direction de l’UMP touchée par une succession de scandales de corruption (comme les centristes qui ont fait 10%). L’UMP (20,8%), ce parti, forgé autour du candidat pour les présidentielles, a un avenir plutôt incertain (éviction récente de Copé, président du parti, en raison de fausses factures dans l’affaire Bygmalion).Quoi qu’il en soit, les médias ne cessent d’entretenir le mythe du retour de « Nicolas » (Sarkozy). Ils cherchent à faire oublier que « Nicolas » - dont l’attitude « décomplexée », la fascination pour la richesse et son utilisation de méthodes peu conventionnelles - est à l’origine même de cette crise de confiance et de représentativité. En effet il a usé sans vergogne au cours de son mandat et de la campagne présidentielle de 2012 de thèmes repris au FN, surtout ceux qui concernent la sécurité, la défense des victimes, la politique anti rom, etc. Politique qui s’est révélée profiter au FN, car comme le dit Jean Marie Le Pen lui- même, « il vaut mieux voter pour l’original que pour la copie ».
La montée du FN (24,85%) est donc en partie bien de la responsabilité de l’UMP qui ne joue plus son rôle de droite républicaine « rempart » contre l’extrême droite et qui, au contraire, va frayer dans les eaux troubles de celle-ci pour cacher son vide de projet politique.
Mais la gauche et l’extrême gauche, ont aussi leur part de responsabilité.
De la responsabilité de la gauche et de l’extrême gauche dans la poussée frontiste
Le Front National s’est implanté dans le Nord, où il fait ses meilleurs scores et là où son discours « ouvriériste », anti bureaucratie européenne et anti immigration rencontre un écho de plus en plus grand. Ce territoire riche d’une mémoire de luttes ouvrières depuis la fin du 19ème siècle est dévasté par plus de 30 ans de désindustrialisation, de chômage et de misère. Puis dans le Sud/Est, auprès d’une partie de cette population toujours nostalgique de l’Algérie française, à forte implantation de « rapatriés pieds noirs » - et d’une émigration maghrébine devenue française qui « refuserait de s’adapter» aux « valeurs » de la société française – qui généralise les problèmes posés par une minorité islamiste radicale. Là où le discours raciste de J.M. Le Pen trouve ses plus fidèles soutiens.
Marine Le Pen a su devenir populaire chez une petite partie de ces 52% de la population française, ouvrière et employée, qui n’est plus représentée à l’Assemblée Nationale (mais qui fournit les gros bataillons des abstentions, comme les jeunes), et qui sont devenus indifférents aux projets politiques du PS comme de ceux du Front de Gauche voire du NPA.
Mais surtout elle campe sur le boulevard que lui ont laissé la gauche et l’extrême gauche. Elle peut ainsi reprendre à son compte, sans complexe, les analyses politiques émises par ceux-là mêmes qui la combattent (sauf en matière d’immigration, bien sur) en y ajoutant les sujets qu’ils ont délaissé et auxquels sont toujours sensibles une grande partie des Français : la Nation, l’Etat, la Souveraineté nationale, le « Produisons français » (vieil écho de la campagne du PCF de la fin des années 1970/1980)! Elle se permet un langage clairement anti euro, tout au moins aujourd’hui.
La réfutation de ces questions par la gauche et l’extrême gauche est pesante ; ils apparaissent comme préoccupés seulement par le tout sans frontières, les sans papiers et les revendications sociétales, attitude qui masque en fait l’absence d’un projet de refondation du socialisme. Et le FN de bénéficier de cette « honte confuse » qu’ils expriment lorsqu’ils réduisent la France à un passé colonial, raciste et de collaboration avec l’ennemi allemand. Ils ne distinguent que les heures sombres de la République (qu’il ne s’agit pas de nier pour autant). Mais la réalité est plus complexe. Le pays est toujours traversé par deux courants antagoniques profonds qui ont donné corps aux concepts de droite et de gauche. Il ne faudrait pas occulter les luttes de ces résistants, de ces anticoloniaux, anti- esclavagistes, antiracistes, et de ces militants du mouvement ouvrier antistaliniens, tous porteurs de projets libérateurs, fraternels et égalitaires. Sinon à partir de quoi pourront-ils s’appuyer pour une alternative socialiste crédible ?
Marine Le Pen a donc beau jeu de réactiver la « fierté nationale », de se montrer proche des « intérêts du peuple » et des « travailleurs ». Même si l’extrême droite n’a jamais autant aimé la classe ouvrière que lorsqu’elle la faisait défiler au pas de l’oie et en chemises noires ou brunes après avoir cassé sa résistance, et elle a souvent du mal à cacher sa haine envers les organisations de la classe ouvrière.
Voilà pourquoi l’extrême gauche n’a obtenu qu’autour de 1,60% des voix.
Le NPA (± 0,60%) continue de faire de l’ouverture totale des frontières, de la libre circulation des salariés, (circulation crée par les « marchés » pour mise en concurrence du salariat et briser les acquis sociaux), et du clandestin les sujets révolutionnaires de la lutte anticapitaliste et anti impérialiste (le sans papier, ayant supplanté plus ou moins l’islamiste radical combattant). Version Hinterland d’un Internationalisme revisité ? Ainsi il y a eu en Ile de France sur la liste de Besancenot un candidat « sans papier mais régularisé !», très sympathique certes, mais le résultat est là : 0,8% soit une vingtaine de milliers de voix. L’analyse de la situation par le NPA est souvent correcte, tradition trotskyste oblige, mais il n’en tire pas le programme d’actions qui pourrait le faire progresser, bloqué qu’il est dans son sectarisme orgueilleux qui le détourne d’une stratégie de Front unique avec les autres forces de gauche.
Lutte Ouvrière, (± 1%) qui n’est pas moins sectaire, a fait mieux avec son strict programme de transition trotskyste.
Le Front de gauche, ((± 6%) ne peut s’empêcher à chaque élection de dire qu’il est en passe de « dépasser le score du Ps », mais il ne décolle pas. Il est miné par une crise de direction entre sa composante communiste (qui a prôné l’alliance avec le PS) et le Parti de Gauche (qui lui a préféré certains Verts) qui dure depuis les dernières municipales.
Il est toujours inaudible et confus sur la question européenne et celle de l’Euro : Il faut « réformer » la BCE car avec « l’Euro on peut s’en sortir ». Et démystifier « le mirage de la sortie de l’Euro » qui est un « danger politique », « la plupart des maux de notre économie ne viennent pas de l’Euro ». Que faut-il proposer aux masses ? : La « désobéissance aux traités » ! (Guillaume Etievant, secrétaire national à l’économie, 22 avril 2014).
Et pourquoi pas la « guerre des boutons » ? (film d’Yves Robert en 1962, tiré du roman de Louis Pergaud - 1912 - qui met en scène une guerre entre joyeux gamins armés de lance pierres et d’épées en bois).
Comment va-t-il agir pour que l’Allemagne accepte un euro dévalué ? Pour « réformer la BCE » banque centrale qui comme toutes les banques centrales représente les intérêts du capitalisme ? Pourquoi stigmatiser tout projet de sortie de l’Euro, de restauration de la souveraineté nationale, toute tentative de « protectionnisme » et de « contrôle » des frontières pour les industries à caractère essentiel pour l’économie des pays, les biens culturels, les sociétés et les services encore sous le contrôle des Etats etc. L’Europe, le seul ensemble totalement livré au marché mondial ; une classe ouvrière contrainte par une mondialisation du dumping social à un combat perdu d’avance ? La « libre circulation » : elle fait des ravages dans un pays où le chômage touche 10% de salariés et où l’on peut compter près de 10 millions de pauvres, de précaires dont certains n’ont jamais connu le premier emploi ! Elle vient y compris contredire la position du FdG de défense des « biens communs ».
Au-delà de ses causeries en faveur d’une «Alternative écologiste et sociale », Le Front de Gauche donne l’impression qu’il a du mal à se positionner pour une lutte claire contre le rouleau compresseur d’une construction européenne qui dissout les Etats-nations, l’Histoire des différents peuples européens et les solidarités citoyennes. Bref, la soi-disant « alternative » politique du FdG est aussi exaltante que celle d’un Ps scotché à la politique allemande des « réformes Schröder » et de la réduction à 3% du déficit public.
Quant au PS (13%), sous la houlette des Hollande/Valls, il sert la soupe au patronat qui ne cesse de bafouer ses avances malgré les largesses accordées. Que peut-on attendre du nouveau premier ministre, M. Valls, qui admire tant Clémenceau, ce républicain radical, patriote intransigeant, mais peu connu pour avoir eu une fibre « sociale » ? Certainement pas une politique de rupture ou même d’autonomie ne serait-ce que par rapport au « modèle allemand ».
Un exemple, le dernier avatar ubuesque pensé par les deux têtes du gouvernement qui veulent remplacer les 22 régions par 14 autres et supprimer les départements pour des allègements de coûts, et qui fait les délices de tous les caricaturistes. Les départements sont une division administrative héritée de la Révolution de 1789 pour en finir avec l’organisation monarchique en régions ! C’est ressenti par certains comme un retour de la Réaction.
En réalité il s’agit, une fois de plus, de masquer l’absence d’un programme politique et social de lutte anti capitaliste.
Une petite éclaircie dans la vie politique française ?
Peut-être, car pour une partie des militants et des députés, la coupe est pleine. Peu après la nomination de Valls, les « socialistes frondeurs », et « socialistes affligés », viennent de publier une plate forme de propositions économiques et sociales en contre poids à l’austérité prônée par la direction, signé par un groupe de membres du Bureau National de 100 députés et de militants du Ps :
« Socialistes et sociaux-démocrates, nous sommes affligés par l'orientation politique du gouvernement actuel. Nous l'estimons néfaste et démobilisatrice pour les électeurs de gauche qui avaient nettement indiqué vouloir rompre avec le Sarkozysme en 2012. Ce choix fragilise le PS et la gauche dans son ensemble. C’est pour préserver l’identité socialiste et transmettre le témoin aux générations futures de militants que nous décidons de créer un club, ayant pour vocation de montrer qu’un programme socialiste est plus que jamais crédible en France et en Europe », « Il doit regrouper les citoyens actifs, intellectuels, militants associatifs, politiques et syndicaux qui veulent aider la gauche à redevenir une force de propositions et d'action au service de la justice et de l'égalité sociale. Nous n'avons aucun ennemi à gauche et nous entendons, dans un esprit unitaire, mener collectivement la bataille idéologique et politique que la gauche a perdue au cours de ces trente dernières années » (11 Mai 2014).
Des militants du Front de Gauche et des Verts ont assisté à leur première conférence de presse qui sera suivie mi Juin 2014 d’un rassemblement ouvert à toute la gauche « pour un sursaut socialiste » de celle-ci.
Certes, si les préoccupations électoralistes ne sont pas absentes, ces militants ne veulent pas que le tandem gouvernemental libéral/centriste, les conduisent à la disparition. Il ne s’agit pas encore de refonder la gauche sur un projet révolutionnaire. Mais si déjà elle pouvait revenir à ses fondamentaux d’égalité, de fraternité, de liberté, et réactualiser la pensée socialiste, elle offrirait un petit début de recomposition tant attendu qui contrasterait avec le sentiment d’une énième défaite d’un mouvement ouvrier sans solutions qui paralyse le prolétariat depuis la fin des années 1970.
Danielle Riva Juin 2014
(Cet article est extrait du numéro 64 de la revue "Utopie Critique")
Il faut traiter les deux elections comme une seule sequence militante et politique
1-Au sujet du front de gauche au moins à Paris, mais il y a des leçons a tirer pour toute la France.
D'abord le PCF-Laurent a tenté une operation de sabordage du PG en faisant liste commune avec Hidalgo. Ca à couté tres cher d'abord au PCF lui-meme et à l'encadrement militant de la CGT...lequel n'a pas apprécié que les anciens dirigreants de la CGT et de FO soutiennent la liste PS, parti au gouvernement tentant la politique anti sociale que l'on sait!
2-Le PG n'a eu dans les arrondissement aucune politique de listes communes assises sur la discussion de programmes communs. Un certain verticalisme risque de laisser des traces
3-seule la candidate sortante du PG ( dans le XXe, a un degre moindre dans le XIIe)a fait campagne sur un programme detaillé de reponse aux besoins de la population, Ailleurs, on en est beaucoup plus reste a l'ideologie alors meme que le programme detaille du XX avait ete tire en livre de poche.
4-de tels programmes etaient d'autant plus inconnus des electeurs que le materiel accordait une place exagerée au facies des candidats.
5-ces programmes auraient pu illustrer la campagne europeenne du PG au lieu de repartir dans le pathos monetaire propulsé par une équipe de comptables et de sciences po qui ne feront gagner aucun suffrage.
Conclusion : tant que le PG ne postulera qu'au statut de gauche d'une gauche qui fait une politique de droite, il n'a aucune chance d'autant qu'il est muet en politique etrangere sans doute de peur de facher. Il faut qu'il s'aligne sur la perspective de l'explosion sociale et politique que Hollande met en oeuvre.
Tout parti politique serieux doit se preparer des maintenant à une telle perspective qu'en ce qui le concerne, le PCF Laurentniera jusqu'au bout