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Gramsci au secours des bonnets rouges !

Par Jean-Paul Damaggio • Actualités • Jeudi 14/11/2013 • 1 commentaire  • Lu 1620 fois • Version imprimable


Philippe Marlière, sur son blog de Mediapart, veut se distinguer et convoque Gramsci pour expliquer les bonnets rouges. Hégémonie, guerre de position et j’en passe, viennent colmater les brèches de la pensée et je ne l’écris pas pour mieux honorer ma propre pensée que je livre ici sans prétention aucune et après avoir écouté de Bretagne jusqu'ici les voix les plus contradictoires.

Des manifs contre le mariage pour tous, au cas breton

Si on veut mettre dans son contexte les bonnets rouges alors rappelons d’abord que contrairement à une vision de la «gauche», la rue peut appartenir parfois à la droite. Mais, si des millions de manifestants n’ont pas ou peu ébranlé le gouvernement par rapport à sa loi sur le mariage pour tous, ceux de Bretagne, en un rien de temps, ont réussi au moins à bloquer un projet. La TVA va augmenter mais rien ne bouge. L’écotaxe devait s’installer et là c’est une levée de bouclier. Pourquoi cet écart ? Contre la TVA, il n’y a aucun portique à brûler pour faire de belles images télés, car si on veut analyser il faut, une fois de plus, s’en référer aux médias. En de telles circonstances, l’idée des bonnets rouges n’a d’historique que le supplément d’âme qu’il faut donner à l’image télé. Des révolutions oranges au slogan « dégage », de l’occupation des places à « l’occupation » de Wall Street l’image veut dicter sa loi, et la loi de l’image est l’inverse d’une révolution ! Les bonnets rouges de 1675 n’avaient pas besoin d’être fabriqués en urgence, ils étaient le peuple comme le béret basque. Philippe Marlière a réussi à voir : « Il existe au cœur du mouvement des Bonnets rouges une radicalité des petits contre un impôt injuste ». Donc « la référence au mouvement de 1675 n’est pas usurpée. » Il peut y avoir une radicalité mais alors il faut expliquer celle d'aujourd'hui.

 
La question de la fiscalité

Je n’ai en rien envie de défendre l’écotaxe car, en matière de taxe, c’est le principe lui-même qui est injuste. Dans un contexte général où les autorités célèbrent toujours la baisse des impôts (directs) pour constater ensuite qu’il faut augmenter les impôts indirects, l’injustice est celle, prônée par la gauche comme la droite, de céder au moins d’Etat, car l’Etat ne se donne plus les moyens d’une gestion adaptée aux temps présents.

Cent fois répétée, cent fois oubliée, la mise en place d’une réforme fiscale d’envergure restera un serpent de mer tant que le courage du politique sera un tigre de papier.

Avec Sarkozy nous avons eu droit à la réforme d’envergure de la taxe professionnelle, réforme qui a fait crier les élus perdant des recettes totalement injustes puisqu’il s’agissait de richesses allant aux communes déjà riches. Hollande n’a pas osé revenir sur le sujet, comme il n’a rien osé se contentant de chercher le juste milieu qui ne peut pas être juste !

Mais cependant un point précis sur l’écotaxe. Elle a été négociée au départ avec les transporteurs routiers qui, en échange, ont obtenu de pouvoir augmenter le droit au tonnage, fait qui n’est plus évoqué, mais qui est rentré dans les mœurs ! Je suis doublement d’accord sur ce point avec Evariste : « Quant au transport, la substitution du train au camion suppose des voies ferrées, mais on sait combien la SNCF est incapable d’organiser le transport du fret. Et ce n’est pas en mettant l’argent dans les LGV pour cadres supérieurs ou dans les aéroports pour les mêmes en internationalisé, que l’on va réduire le transport des cochons par camion. » En effet l’argent de l’écotaxe était destiné à sauver quelques projets de LGV dont celui de Bordeaux-Toulouse que nous combattons avec énergie depuis quatre ans et qui n'apportera rien de plus au fret ferroviaire ![1] Sur ce dossier LGV notons qu’après les déclarations du premier ministre le 9 juillet annonçant une priorité donnée aux lignes du quotidien, on a assisté à une politique inverse mais moins claironnée sur les ondes : l’accord pour le Bordeaux-Turin et l’accord pour le Bordeaux-Toulouse complété contrairement aux prévisions, par le Bordeaux-Dax qui s’ajoute au Limoges-Poitiers !

 
La question du micro-nationalisme

Gramsci défenseur de la Sardaigne aurait pu être convoqué par Marlière pour évoquer le nationalisme breton qui contrairement à un discours ambiant n’est ni de gauche, ni de droite ni d’extrême-droite mais tout simplement ridicule. On appelle divers gauche le maire de Carhaix qui est en fait un nationaliste prenant en charge le mythe de la Bretagne. J’ai entendu parler « du Breton » comme s’il n’y avait qu’une Bretagne ! Et pas celle de la manif de Quimper contre celle de la manif de Carhaix ! Celle du Nord contre celle du Sud ? « Une hargne jacobine très 3ème République s’est abattue contre les Bretons » nous précis Marlière qui en véhiculant ses propres stéréotypes pensent dénoncer… des stéréotypes.

Là aussi sortons un peu du cadre breton pour penser aux Catalans, aux Ecossais et à tant d’autres régions à travers l’Europe qui n’ont pas connu la hargne jacobine mais qui pensent que pour sortir de l’enfer national, il faut tomber dans le micro-nationalisme ! D’autres plus savant que moi, et j’hésite à citer Gramsci, ont su démontrer que le nationalisme est le meilleur discours contre les nations, que le nationalisme plaide toujours pour l’union sacré quand le fondement de la nation est l’articulation d’une pluralité ! La nation française n’a jamais été celle d’une seule langue, d’une seule religion, d’une seule musique et encore moins d’une seule révolution ! Les nations resteront un projet d’avenir que ça plaise ou non aux nationalistes de tout poils. Sans elles l’Europe ne sera jamais l’Europe, car les Etats Unis d’Europe ne seront jamais ceux d’une seule langue, d’une seule religion etc. Malgré les nombreux efforts des maîtres du monde, le modèle des USA n’a aucun en avenir en Europe et c’est bien pour les USA comme pour l’Europe aussi.

C'est le système lui-même qui alimente le micro-nationalisme en décrétant que l'écotaxe pour les Bretons c'est 50% de moins et pour le Sud-Ouest 30% de moins ! Je ne réduis pas la révolte à la demande de "faveurs" pour les Bretons puisque je pense qu'il y a bel et bien plusieurs Bretagne... mais je prends en compte cette dimension qui peut

 
La gauche de transformation sociale ?

Evariste pointe ceci : « Plusieurs organisations politiques ou syndicales de gauche fustigent ce mouvement parce qu’il est interclassiste et disparate (des élus de gauche, des petits patrons, des agriculteurs de la FNSEA, des ouvriers, des employés, etc.). Sans doute aurait-il été préférable que ces organisations soient capables de représenter la révolte bretonne. Malheureusement, elles n’ont pas été à la hauteur des enjeux et n’ont pas pris la mesure du « ras le bol » social de cette région, qui s’est donc cristallisé en mouvement interclassiste. »

Si je m’en réfère au calendrier, ce point mérite une observation. Le 10 octobre ce sont les syndicats de gauche qui ont décidé de la manifestation de Quimper au cours d’une réunion à Carhaix qui en a surpris plus d’un par son importance. Ensuite seulement, est venu la décision, en dehors de ce rassemblement, de s’en prendre aux portiques et donc c’est très tardivement que les syndicats de gauche, voyant l’effet médiatique du détournement de la manif sur l’emploi annoncée à Quimper, décidèrent le report vers Carhaix. Sans la chute des portiques, quel journal télévisé aurait mentionné à l’avance la manif pour l'emploi de Quimper ? On ne peut critiquer une incapacité à représenter la révolte bretonne sans s’en référer aux conditions générales de la bataille même si les manipulateurs peuvent être dépassés ensuite par les manipulés !

 

De son côté tout l’effort de Marlière c’est pour aider « la gauche de transformation sociale (qui) serait bien avisé de l’aborder (le mouvement des Bonnets rouges) sans apriori idéologique. Les directions des partis doivent faire confiance à leurs militants locaux afin qu’ils entreprennent un travail de rapprochement avec les éléments progressistes de ce mouvement. Car sur nombre de ces bonnets rouges, il y a bien du rouge. »

Entendez : les déclarations de Mélenchon (qui n’est pas cité mais on mentionne la référence aux « esclaves ») furent mal venues alors que la base sait ce qu’il y a à faire. Je n’ai rien à dire en pour ou en contre le discours de Mélenchon car derrière l’écotaxe, questionnons plutôt le fondement des taxes, et derrière la « gauche de transformation sociale », constatons surtout que la transformation sociale est conduite par une droite et une «gauche» unie.

Gauche anti-capitaliste, alternative, écolo ; « l’autre gauche », la gauche de gauche, l’extrême-gauche, la gauche caviar et la gauche gauche… Toute analyse de la transformation sociale doit s’appuyer sur la transformation en cours depuis les années 1980 appelée le néo-libéralisme, le capitalisme de la séduction et qui inclut le capitalisme à la chinoise etc. La caractéristique de cette transformation en cours, c'est qu'elle laisse le mouvement social sans outils, sans repères et sans perspectives. Toujours sur la défensive à demander le meilleur plan social possible...

Toute la démonstration de Marlière va contre le travail de Gramsci… auquel il se réfère mais, comme j’ai le droit de me tromper, j’en reste à ce constat.

Jean-Paul Damaggio


[1] Voir blog alternative LGV Bordeaux-Toulouse


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Commentaires

Lien croisé par Anonyme le Vendredi 31/01/2014 à 14:48

France / Gramsci au secours des bonnets rouges ! - Vendémiaire : "http://la-sociale.viabloga.com/news/gramsci-au-secours-des-bonnets-rouges"



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