Je viens de voir le film de Moretti. Un grand film pour cent raisons. De l’écheveau, je tire un fil. Cet homme à qui est dévolu le pouvoir suprême, afin d’assurer la permanence et le salut d’une collectivité en perdition, et qui refuse ce pouvoir, parce qu’il est trop bon, trop juste, trop moral, trop las, trop homme en définitive, n’est-ce pas en quelque sorte la métaphore de l’attente de ce Prince, au sens machiavélien, Prince que l’Italie attendrait quant tout y fout le camp, quand plus aucun parti, plus aucune idéologie, n’apparaît capable de
la sortir de cette impasse mortifère. Et quand, les dernières élections l’ont montré, bien de ceux qui ont encore une conscience citoyenne, dans le souvenir ressuscité du vieux Parti d’Action, parti hors partis, donnent la victoire locale « à gauche » à des individus atypiques, et non pas aux représentants des partis dits de gouvernement. Mais le Prince, et Denis Collin l’a bien montré dans son « Machiavel », doit, pour être le Salvateur, capable de ruse, de fourberie, de brutalité, de décision quand l’instant propice se présente (et dieu sait s’il est bien bref). Le Melville de Moretti n’est pas de cette trempe, et Moretti ne le condamne en rien de se défausser. Mais la question demeure : quand viendra le Prince ?
René Merle – 7 septembre 2011