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Hollande mitonne son état d’urgence dans une déchéance xénophobique

Par jean-Pierre Alliot • Actualités • Dimanche 07/02/2016 • 0 commentaires  • Lu 1712 fois • Version imprimable


Palinodie, pantalonnade, comédie, théâtre d’ombres, annonces belliqueuses, reculs sinueux, avancées subreptices, binationaux, nationaux, apatrides, …  Versions multipliées de la déchéance. Napoléon III (bis) a frappé. Mais c’est son pied fragile que sa dernière cartouche de Sedan a touché. Après les attentats du 13 novembre, Hollande a annoncé sa volonté de faire entrer l’état d’urgence dans la Constitution, en même temps que la déchéance de nationalité. Cette dernière initiative, scélérate s’il en fut, a retenu l’attention et soulevé le plus de critiques, notamment parmi les parlementaires appelés à se coucher une fois de plus devant le chef de l’État.

Hamon, un des anciens ministres et une des têtes de l’aile gauche du Parti socialiste, a « conseillé » le 3 février à Hollande d’y renoncer afin de clore un « feuilleton interminable ». « Ce que je conseille au président de la République, c’est d’enlever cet article 2 qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution », a-t-il pris la peine de préciser. À sa manière, il a mis en lumière la quasi unanimité qui s’est miraculeusement dessinée autour de l’article 1 du projet de loi constitutionnelle, celui qui prévoit d’inscrire dans le marbre le droit pour le chef de l’État de recourir à l’état d’urgence. Et pas n’importe où : dans l’article 36 de cette constitution qui organise le coup d’État permanent. L’article relatif à l’état de siège. Tout un programme.

Quel que soit le sort final de l’abjecte perspective ouverte par Hollande, il reste que son résultat est d’avoir mis la question de la nationalité au centre d’un débat de plus en plus malsain. De ce point de vue, Hollande peut sembler avoir réussi le coup qu’il préparait en épousant la démagogie xénophobe traditionnellement véhiculée par l’extrême droite. Dans cette optique, une opposition des députés et des sénateurs le pose en sauveur suprême, bien plus près du peuple que ces pseudo-élites discréditées qui hantent l’Assemblée et le Sénat. Discours éculé du plébiscite.

Mais il n’y a pas de Bonaparte sans campagne d’Italie. Les guerres étrangères qu’a déclenchées le chef de l’État, autant que celles où il fait figure de supplétif, ne sont guère glorieuses. Et puis ce président se révèle incapable d’imposer ses vues à son parti godillot. C’est que les élus du Parti Socialiste sont pris d’inquiétude pour l’avenir : ce chef sera-t-il capable de les conduire aux batailles électorales de 2017 ? Toutes ces incertitudes ont de quoi inquiéter les cercles capitalistes qui dirigent le pays. D’autant plus que, lors du vote sur la prolongation et l’aggravation de l’état d’urgence, plusieurs parlementaires ont sauvé l’honneur de leur fonction en s’opposant frontalement. Mais en mettant du même coup en lumière la servilité des autres.

Si le chef de l’État est affaibli sur le plan politique, le danger pour les libertés n’en est pas amoindri. Au contraire. Devenu aux yeux de tous une de ces fausses autorités qui éprouvent en permanence le besoin de s’affirmer, il sera d’autant plus tenté d’imposer par la force, par les moyens retors que lui donne la Constitution de la Cinquième République, ce qu’il ne peut accomplir politiquement, par les voies classiques. C’est que les décisions qu’il déjà prises et celles qu’il projette suscitent l’opposition de couches de plus en plus larges de la population. Taxis, fonctionnaires, paysans, médecins, artisans, travailleurs révoltés par la mise au rancart du Code du travail, autant de points d’affrontement. Autant de thèmes où peuvent se manifester des initiatives politiques comme celle qui a rassemblé, le 23 janvier un large front d’unité pour la levée de l’état d’urgence. Une voie est ouverte. Qui saura la prendre ?


Jean-Pierre Alliot
Le 7 février 2016

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